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Stop aux mains sur la petite culotte de Zoé (et des autres)

Publié le 14 février 2009

Les faits

Cela s’est passé au collège de Marciac (Gers), mais cela se passe un peu partout comme ça en France. Un triste matin, les gendarmes font irruption. En force. En armes. Avec leurs camions et leurs gyrophares. Avec des chiens, policiers, comme eux. Suivant les scénarios, les enfants sont plaqués contre les murs, les mains en l’air (genre "descente" pendant la dernière guerre) ou bien enfermés dans leur salle de classe, mais toujours avec défense absolue de faire le moindre mouvement. Les chiens sont lâchés. Ils reniflent les affaires. Ils bavent sur les élèves. S’il y a un internat, ils vont mettre leur sale museau dans l’intimité des literies. Pendant ce temps, un gendarme continue à hurler : "Le chien mordra ceux qui bougent". Il profère des menaces contre les "drogués", ricane. Et malheur à celui qu’un chien désigne. Car, alors, tout est permis : fouille poussée, pressions psychologiques, humiliations verbales.

Zoé, petite fille de 13 ans, Zoé qui a eu le grand courage de témoigner à Marciac, doit sortir de classe devant tout le monde pour se déshabiller dans le couloir. Là, une gendarme fouille dans son soutien gorge, lui passe la main sur sa petite culotte. Dans le couloir, d’autres gendarmes, hommes ceux-là, assistent à la scène. De leurs regards, de ces mains qui la palpent, de cette situation nauséeuse, Zoé en ressort avec le sentiment d’avoir été violée. Ces camarades sont envahis par le même dégoût. Et c’est comme ça que des enfants sont traités partout en France, avec la complicité active de responsables de l’institution scolaire. Dans un pesant silence.

Un silence que Zoé et sa famille ont rompu ; comme, l’avait fait, quelques jours auparavant un enseignant du Centre de formation des apprentis de Pavie (toujours dans le Gers) dont le témoignage rigoureux est terrible de précision ; et comme l’a fait, quelques jours, après le chanteur Daniel Guichard, scandalisé lui aussi en découvrant ces agissements gendarmesques alors qu’il amenait son fils au collège (cette fois-ci, dans l’Héraut). Maintenant, plus personne ne pourra dire "Je ne savais pas" ! Le voile de la honte s’est déchiré.

Pourquoi tant de violence
à l’encontre de nos enfants ?

Si on ne connaissait pas le niveau de perversité qu’atteint dans ce cas là le discours administratif, on en tomberait à la renverse, car la réponse officielle est : "Pour les protéger" ! Ce déploiement traumatisant de force brute se fait au nom de la prévention de la "drogue", (en réalité, du cannabis). Ce prétexte mérite qu’on l’examine.

Faisons tout d’abord remarquer qu’à Marciac comme dans l’Héraut le résultat de ces descentes a été de rien du tout et, à Pavie, de quelques grammes. Ridicule, parfaitement ridicule.
Ensuite, posons-nous la question du coût : une douzaine de gendarmes (salaires, primes, charges sociales, vêtements, ...), des chiens (nourriture, chenil,...), leurs véhicules (carburant, usure,...), entre le temps de préparation (concertation avec le chef d’établissement, plannings,...) et la demi-journée pour faire le mauvais coup, ça met l’opération à au moins 1 500 euros !

Poursuivons enfin sur l’efficacité : en trente ans, la France, qui avait des taux de consommations de cannabis très bas, est montée dans le peloton de tête des pays d’Europe. Depuis au moins 20 ans, des gendarmes (FRAD) et des policiers sillonnent les collèges, d’abord pour montrer les produits (avec une "mallette") ensuite pour des fouilles. Aucun des pays d’Europe qui, sur la même période, a maintenu des niveaux bas ou même a réussi à diminuer cette consommation, n’a fait comme ça. Leurs politiques sont même franchement à l’opposé de la politique française dans ce domaine.
Le "remède" français est donc pire que le "mal", d’autant d’ailleurs que le "remède" en question est en fait un puissant propagateur du "mal" : montrer des produits (que l’on possède, puisqu’on les montre) en insistant sur leur caractère interdit, c’est bien sûr pousser des jeunes à la transgression. Affaiblir l’estime de soi par l’humiliation et par la peur est un facteur reconnu de consommations de psychotropes.

Des explications lamentables mais éclairantes

Mis brutalement en pleine lumière, ceux qui agissaient jusqu’à présent dans une ombre propice ont dû se justifier. Le spectacle a été minable.
A tout seigneur, tout honneur. La parole est à un certain Christian Pethieu, principal du collège, qui a demandé la descente :
"L’intervention s’est déroulée dans un climat que j’ai jugé serein et sans excès" [1]. Sans excès, vraiment ? Qu’est-ce qu’il faudrait, pour que ce soit un "excès", monsieur le princip
al ? Que la police aille jusqu’au doigt dans le c...?

Donnons-là tout de suite après à la Procureuse de la Républi-que, Chantal Firmigier-Michel : "Ça crée de la bonne insécurité"1. A dire vrai, nous nous en doutions un peu. Mais c’est bien la première fois qu’une haute représentante de l’Etat l’avoue aussi clairement : quand ça l’arrange, c’est la justice, avec l’aide de la police et de la gendarmerie, qui organise elle-même l’insécurité. Rappelons que les êtres humains visés par cette sorte de terrorisme de basse intensité sont, dans le cas présent, des enfants, et qui n’ont strictement rien fait de répréhensible.

Laissons la conclusion au premier syndicat enseignant de France, le SNES. Son représentant du coin, le camarade Franck Gombaud, sait que pour ne pas résoudre un vrai problème, rien ne vaut une mauvaise revendication. Et là, en homme manifestement bien rodé à cet exercice, il a trouvé ce qu’il faut : une bonne muselière. Sans rire, il réclame "que l’on en revienne à des opérations de prévention mieux préparées, et que, si les gendarmes font venir des chiens, ils soient muselés."1 Que les collégiens facétieux n’en concluent pas, comme la phrase peut le laisser entendre, que le SNES réclame une muselière pour les gendarmes. L’impertinence syndicale ne va vraiment pas jusques là. Quand à la pertinence (syndicale), ça fait longtemps qu’elle a sombré dans l’indigence de la pensée.

Mettre fin aux exactions

Côtés parents, élèves et même côté "tout le monde", la réaction n’a pas été aussi "compréhensive" et la vague montante d’indignation a forcé les ministères concernés à demander à leurs troupes de faire preuve d’un peu plus de tact.

Pour transformer ce recul tactique en recul tout court, et puisque tout ceci se fait au nom de la "prévention", prenons les devants. Qui que nous soyons - élèves, parents, professeurs qui ne se retrouvent pas dans la revendication de la muselière... - faisons fermement savoir par avance à tout chef d’établissement que nous sommes contre ces exactions, que nous ne nous laisserons pas faire et qu’ils seront tenus pour responsables de tout problème.

Si un chef d’établissement ose trouver ces pratiques "sereines et sans excès", exigeons qu’il se mette en slip dans le couloir, devant une délégation d’élèves et enseignants, et qu’il s’y fasse peloter les fesses : après tout, c’est sa fonction que de donner l’exemple.

Exigeons que le budget alloué à ce type d’opération soit versé à celui de l’établissement pour des activités pédagogiques2.
Exigeons que, si prévention il y a, elle soit faite par de véritables professionnels de la chose, pas par des professionnels de la répression. Etre à la fois dans la prévention et dans la répression, c’est comme être à la fois juge et partie, une monstruosité éthique.

Flics, patrons, curés, hors des collèges, des facs et des lycées !
Jules F
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