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Esclave salarié !

Publié le 27 avril

Quand j’avais environ 25 ans, je travaillais en CDD, dans l’industrie pétrolière, un contrat de neuf mois, renouvelable, puis arrive la crise du pétrole, l’usine pour laquelle je bossais a commencé à virer les intérimaires, puis très vite, s’est attaquée aux divers contrats dits précaires, en cours à l’époque, et bien entendu aux CDD. J’ai donc été licencié avant la fin de mon premier contrat (sept mois et demi), en étant en CDD. Le licenciement s’est fait tranquillement sans que quasiment personne – et surtout les syndicats – ne trouve rien à redire. FO et la CGT, avaient fait passer la pilule, par un pseudo-mouvement de protestation dans l’enceinte de l’usine ; mais dans le même temps, elles répondaient présentes à la consultation de la Direction sur ces licenciements et ne s’y opposaient pas. La Direction avait aussi consulté l’Inspection du travail qui avait donné également son accord. Et c’est ainsi, nous avons tous été foutus dehors avec l’aval de l’inspection du travail et des syndicats, qui d’ailleurs nous avaient carrément dit que les jeunes, ils s’en foutaient ! Que nous ne comptions pas vraiment puisque nous étions jeunes et que nous retrouverions du boulot facilement.

Cette mésaventure peut paraître incroyable, et tellement banale en même temps, mais dans le monde du travail et en particulier dans l’industrie, un ouvrier, ne peut s’attendre à rien d’autre, dans les traitements et les humiliations qu’il peut subir de la part des employeurs ; la seule manière de pouvoir relever la tête est de s’organiser et de lutter pied à pied, en sachant que les méthodes traditionnelles, légalistes et encadrées par des syndicats sont stricts. Un ouvrier qui combat n’a pas souvent d’autres choix que la grève, et les grèves sont réglementées : la seule chose autorisée reste le simple arrêt de travail, presque tout autre type de grève est interdit, autrement dit, c’est extrêmement limité [1].
Un ouvrier ou un employé, au boulot ne reçoit que des injonctions, et des ordres, il est à la merci des patrons, des fluctuations du marché du travail, bossant souvent dans des usines chantiers ou bureaux, où les conditions de travail plus ou moins précaires, à l’origine de maladies et accidents professionnels…

Il est couramment admis dans la société que l’exploitation n’existerait plus, que tout cela n’était valable qu’au temps de Zola et Germinal, ou bien dans certaines régions du monde où nos vêtements sont confectionnés. En fait, il n’en est rien.

Il faut bien comprendre qu’à partir du moment où l’on ’on travaille pour un tiers, qu’on signe un contrat d’embauche, pour un salaire, pour pouvoir gagner sa vie, c’est déjà de l’exploitation. Dans l’entreprise où je bosse, nous avons régulièrement dans l’année des heures supplémentaires imposées. Logiquement, en suivant le Code du travail, personne ne peut être obligé de faire des heures sup. Mais si l’employeur le demande et qu’il fait ce qu’il faut faire au niveau réglementaire, eh bien, en tant que salarié, vous ne pouvez pas refuser et vous êtes bien obligé d’effectuer ces heures supplémentaires. L’interprétation du Code du travail est renforcée par la jurisprudence (c’est-à-dire l’ensemble des jugements pris en application de la Loi et du Code du Travail) qui donne quasi toujours raison au patron ; vous ne pouvez pas la contester, auquel cas vous vous exposez à quelques complications.

Et il est plus que probable que le Code du travail est rempli de petits alinéas et autres dérogations qui permettent ce genre d’interprétation. Il suffit de lire des comptes rendus de procès, aux Prudhommes ou au Civil, pour voir que la jurisprudence donne généralement raison aux employeurs.

Dans la même entreprise où je vais quotidiennement gagner ma pitance, les cadres dirigeants font appel depuis bientôt trois ans aux prestataires de service, qui missionnent une sorte d’intérimaires, mais salariés d’une autre entreprise, à temps complet et à l’année, qui exécutent toutes les heures supplémentaires imaginables et inimaginables (parfois à coup de 12/jours, parfois plus). Il est quand même remarquable que l’esclavage économique auquel nous sommes confrontés, poussent des ouvriers à bosser bien au-delà d’une semaine à 35h.

Ces intérimaires qui pensent être libres au TAF, profitent bien à la Direction, puisque non seulement ils bossent et ne comptent pas leurs heures, mais en plus, indirectement incitent celle-ci à nous pousser au cul, et nous mettre en concurrence entre travailleurs, pour que nous produisions encore plus, avec bien entendu des salaires qui ne suivent pas. Force est de constater que ceci, c’est de l’exploitation de notre force de travail qui ne dit pas son nom, mais de l’exploitation quand même.

L’ouvrier, l’employé, la personne qui vend sa force de travail à un employeur est – par définition – un travailleur, L’ouvrier comme l’employé doit travailler et donc cracher de la valeur et du rendement, suer du Capital. Sur le lieu de travail, l’ouvrier ou l’employé n’est libre de rien, ni propriétaire de rien, même pas de ce qu’il manipule. Ce ne sont qu’on appelle des « prolétaires » : qui ne possèdent rien excepté leur force et capacité de travail.

 Une certaine propagande libérale, qui infuse tous les médias et la société en général depuis des dizaines d’années, veut nous faire croire que les prolétaires sont les égaux de leurs propres patrons, qu’ils ont les mêmes intérêts économiques qu’eux dans l’usine ou dans la vie quotidienne. On nous dit que les prolétaires aussi sont maîtres de leur vie, et que, s’ils ne sont pas contents de leur boulot, ils peuvent changer de boite, quand ils le veulent, en traversant la rue. Toute cette propagande a tellement infusé que certains travailleurs adhérents complètement aux diktats de l’économie internationale et s’imaginent que la place et la position de ceux qui les exploitent n’est pas si facile, qu’on devrait les remercier. Ils croient vivre en démocratie, alors qu’en réalité la démocratie, ils la laissent tous les matins devant le portail de l’usine, du chantier ou du bureau.
 
Pendant le temps de travail, le travailleur, consomme des matières premières et utilise des machines qui produisent de la valeur et de l’enrichissement, Sa force de travail sera utilisée et réutilisée jusqu’à user le salarié jusqu’à la corde, en retardant l’âge de départ à la retraite.
Ne nous y trompons pas, un ouvrier qui a commencé à bosser dès ses 16 ans, quand il arrivera à l’âge légal, de départ à la retraite, c’est-à-dire 64 ans, et probablement plus pour beaucoup d’entre nous, ira directement de l’usine au cimetière. Ainsi les capitalistes font des économies sur notre espérance de vie. C’est abject ! Plus que jamais, la Révolution reste à faire !
 
 

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