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En feuilletant les archives, nous avons...

Publié le 10 mars

En feuilletant les archives, nous avons retrouvé ce texte paru dans le journal de la CNT-AIT, Le Combat syndicaliste, n°134 de juillet 1955, mais qui nous semble encore tout à fait d’actualité !

La division née de deux tendances qui s’affrontent dans les congrès et assemblées de la CNT provient de ce que, pour les uns, le syndicalisme dit révolutionnaire doit être et rester neutre de toute philosophie ou système économique : il se suffit à lui-même, disent-ils  ; pour les autres, le syndicalisme classique ayant pour emblème la charte d’Amiens ne peut conduire à la transformation sociale sans privilège, il est nécessaire de donner aux hommes les principes économiques philosophiques et sociaux de l’anarchisme, sans lesquels la société retomberait fatalement sous l’autorité d’un parti.

Je suis de ceux qui épousent cette dernière façon de voir, repoussent la Charte de Paris (sorte de Charte d’Amiens améliorée adoptée au Congrès de création de la CNT en 1946), ainsi que la structure actuelle de la CNT, se révélant la fidèle continuatrice de l’ancienne CGT [des années 1900]. La première façon de voir aura-t-elle le même sort que la seconde ? Ou les anarcho-syndicalistes réagiront-ils contre cette neutralité syndicale afin de redonner à la CNT un caractère émancipateur ?

L’idéal anarchiste · doit être le nerf moteur de la CNT, sans lequel celle-ci n’aurait aucun sens et ne vaudrait guère mieux que les autres centrales ; le neutralisme ne suffit pas, il s’agit de savoir ce que l’on veut et si l’on se dirige ou non vers ce que l’on veut.

Œuvrerons-nous aux côtés de militants n’ayant pour tout motif d’action que le porte-monnaie, prêts à des concessions pour des unités reléguant nos principes qui font de nous autre chose que des révolutionnaires bâtards sans convictions ?

Accepterons-nous que la structure de la CNT en soit encore au corporatisme de fédération, alors que nous prônons l’égalité économique et qu’ainsi divisés dans l’action, nous allions à l’encontre de ce que nous clamons dans nos déclarations ? Garderons-nous encore longtemps cette structure qui laisse chaque fédération titrer ses propres revendications, tirer ses propres tracts, organiser en un mot son travail syndical fédératif, cloisonné, pompant un bon nombre de militants pour le bureau, etc. Que de temps, d’argent et de dépenses physiques absorbés par ce système décevant. Il nous faut sans tarder bousculer cette routine et venir strictement aux unions locales, départementales, en laissant dans l’ombre les fédérations d’industrie pour après la révolution sociale.

Nos revendications présentes sont-elles à la hauteur de ce que nous prétendons être ? Correspondent-elles à la réalité ? Non. Nous fixons un minimum vital de 35.000 francs et ne faisons que devancer les autres centrales sur ce point ; peut-on sincèrement croire qu’une famille moyenne de trois personnes puisse vivre avec cette somme ? Considérant que vivre dans ce siècle signifie pouvoir accéder aux bienfaits du modernisme dans les foyers, ou alors nos luttes ne se borneraient-elles qu’à la subsistance ?

Peut-on suivre les militants conseillant notre participation aux organismes tels que les comités d’entreprise, pour des raisons même tactiques, puisque nous savons que fatalement, ce serait collaborer directement avec nos ennemis, qu’ils soient patrons ou ouvriers, et travailler ensemble à consolider l’exploitation ?

La possibilité de devenir délégué du personnel dans une entreprise, doit-elle nous inciter à nous faire élire par seules raisons d’impunité et de confort dans l’action ; car, en fait, quel est notre pouvoir une fois élu : défendre la légalité des conventions collectives, réclamer pour ceux qui font des heures supplémentaires à outrance, que ces heures leur soient bien payées  ; s’intéresser aux collaborateurs fidèles du patron qui sont exploités comme pas un, mais qui ne font jamais grève et viennent travailler pendant ; veiller à un tas de petites bricoles, douches, w.-c., lavabos, ·etc., en définitive beaucoup de vent pour pas grand-chose ; notre position devant être claire à ce sujet (non-participation), délégués sur le tas [pendant une grève et désignée par l’assemblée des grévistes], oui, et pour la durée de la lutte engagée seulement.

Il est temps de devenir sérieux quant à notre orientation, notre structure, notre Charte, nous avons à préciser ce que nous devons être réellement (des anarchosyndicalistes) avec tout ce que cela comporte, et non des syndicalistes révolutionnaires sans bagages, sans définition, nous éviterons aussi la confusion regrettable qui permet à bon nombre de marxistes et néo-marxistes (révolutionnaires, eux aussi,) de venir jeter le trouble dans notre organisation ; nous éviterons également aux syndicalistes purs de perdre leur temps parmi nous, qui avons choisi l’anarchisme comme système d’existence.

Que les militants de la CNT comprennent tout ceci et œuvrent en conséquence, les engueulades et les pugilats n’améliorent pas une situation inévitable permise par une Charte qui n’a rien de clair. Il serait bon de prendre exemple sur l’organisation de la FORA, qui me paraît de valeur certaine quant à sa fermeté.

R. THIEBLEMONT.

Post-scriptum : 50 ans après, les militants de la CNT-AIT sont arrivés aux mêmes conclusions et en ont tiré la conséquence, en affirmant que oui, la CNT-AIT est clairement anarchosyndicaliste – et donc anarchiste – et pas vaguement « syndicaliste révolutionnaire ». Pour en savoir plus sur l’expérience de la FORA, on pourra lire les brochures : LA FORA : ORGANISATION OUVRIÈRE ANARCHISTE et ANARCHISME GLOBALISTE CONTRE « SYNDICALISME RÉVOLUTIONNAIRE » Envoi des versions électroniques par demande à contactchezcnt-ait.info, pour recevoir la version imprimée écrire au journal.

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