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La solidarité à l’heure de l’Intelligence Artificielle

Publié le 9 octobre 2019

Un mouvement des livreurs de repas à domicile, une ouverture d’un magasin sans caissières le dimanche à Angers, voilà deux faits bien de notre époque ayant ponctué l’actualité sociale de cet été. Les premiers n’ont pas de patron, ils obéissent à un algorithme dont le propriétaire reçoit une commission chaque fois qu’il est utilisé. Dans le deuxième cas, c’est aussi un logiciel qui gère le fonctionnement des caisses et ce sont également les actionnaires du supermarché qui reçoivent les bénéfices de cette exploitation. Au départ, il y a donc le consommateur, c’est lui qui choisit de faire appel à un esclave moderne et c‘est lui qui choisit de faire ses course un dimanche après- midi. A l’autre bout, ce sont les capitalistes qui gagnent. Entre les deux extrémités de cette chaîne se dilue l’humanité dans un marécage où le travailleur est une option et d’où émerge ce qu’il est convenu d’appeler l’Intelligence Artificielle.

Pour les patrons et l’État, il y a quelque chose de prodigieux chez les robots : ils ne font pas grève et ne manifestent pas dans la rue ! Du prodige au divin il n’y a qu’un pas et Antony Levandowski l’a franchi. Cet ancien ingénieur de Google, aux 20 millions de dollars de rente annuelle, travaille actuellement au développement des voitures autonomes. En septembre 2017, le magazine Wired a rapporté que ce monsieur avait créé une organisation religieuse appelée « Voie de l’avenir » pour « développer et promouvoir la réalisation d’une Divinité basée sur l’Intelligence Artificielle ». On peut aussi lire qu’en tant qu’ancien membre de l’Église catholique, son but est de « créer un Dieu artificiel avec une morale chrétienne ». Le gouvernement fédéral américain a déjà reconnu ce culte puisqu’ il bénéficie du statut d’exemption fiscale à la religion , ce qui signifie que les fortunes de la Silicon Valley peuvent venir abreuver cette nouvelle mythologie .

Au temps de la révolution industrielle le machinisme avait pour but d’accroître considérablement la productivité mais aucun maître des forges n’avait ressenti le besoin d’ériger un culte autour de la machine à vapeur. Il semblerait que les maîtres de l’IA aient donc un projet plus ambitieux : celui de légitimer la soumission des travailleurs derrière cette expression d’IA suggérant une intelligence qui leur serait supérieure. Comme s’ils voulaient faire oublier que ce qui nous différencie des ordinateurs, c’est une conscience qu’ils ne possèdent pas et qui nous permet d’interagir avec nos semblables à une échelle unique dans le monde vivant . [Il en découle cette capacité des hommes à construire des imaginaires collectifs à la base de toutes les civilisations et, peut être encore plus important pour nous libertaires, celle de critiquer ces imaginaires , de les désordonner et par conséquent de s’opposer avec force à ce monde d’hyper-contrôle de plus en plus froid, systématisé, normalisé et procédural qu’une idéologie anti- humaniste voudrait nous imposer.

La solidarité est une arme disons-nous , il faut maintenant s’aviser qu’ elle est précisément le fruit de cette conscience humaine permettant des interactions subjectives entre les individus. Toutes ces choses dont l’IA est incapable ce qui la rend si adorable aux yeux du capitalisme. Les gilets jaunes ont commencé par réfuter concrètement le programme de la réaction anti- humaniste et c’est tout naturellement qu’ils ont recréé des solidarités réelles, dépassant ainsi le mythe du technologisme hégémonique. Ils ne se trompent pas. Ces solidarités seront à la base de toutes les batailles qui vont se livrer non seulement pour la justice sociale mais aussi pour la dignité humaine à l’échelle non seulement de l’entreprise mais de la civilisation .

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