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Mais, que vais-je faire de vous, bons « à rien » ?

Publié le 13 juillet 2019

« On n’est pas fatigués ! » Mais si, je suis fatiguée... Fatiguée d’être coupable et victime d’un libéralisme décomplexé de sa violence sur les personnes et sur la planète. Un libéralisme tellement décomplexé et soutenu qu’il est passé, ces derniers jours, d’indécent à obscène dans ma grille d’évaluation.
Alors, j’essaie de penser et d’agir, bien sûr, mais, je rêve aussi…

Ce matin, je me suis réveillée fatiguée. Je m’étais endormie en pensant à ce que serait la vie quand j’aurai gagné, persuadée que j’allais refaire le plein d’énergie, mais, rien, pas d’énergie !
Faut dire que bêtement, dans mon lâcher-prise et mon enthousiasme à vivre cette nouvelle vie tellement sociale, joyeuse, libre… j’ai poussé jusqu’à me poser la question de la place de toutes ces personnes qui collaborent activement au système et qui gâchent la vie de la planète et celle d’au moins 75 % de sa population !
Dans ma nouvelle société, à quoi peuvent servir un Macron, un Castaner, une Le Pen, un Wauquiez, un Apathie et quelques milliers d’autres ?
Je veux dire : en quoi peuvent-ils être utiles ? En quoi peuvent-ils servir l’intérêt général ? Qu’est-ce qu’ils savent faire d’utile ?
Et voilà que dans ma belle société rêvée, le chômage pointe son nez ! Certes, ce n’est qu’un chômage « à la marge » comme ils disent, qu’un chômage de classe, mais un chômage quand même !
Bon, le plus simple, serait de les inculper et de les emprisonner pour mise en danger de la vie d’autrui et plus si affinité.
Mais, dans ma société, il n’y a pas de prison, même pas pour eux ! J’ai beau être « factieuse », « séditieuse », et maintenant « émeutière », ma non-violence de principe m’impose de n’envisager qu’une société heureuse, démocratique, sans police ni armée, ni prison.
Du coup, mais qu’est-ce que je vais bien pouvoir faire de vous, bons « à rien » ?
Inventer le concept de « la transition des inutiles ? »

Retour à la réalité : c’est pas gagné ! Les inutiles se défendent. Les invisibles continuent.
Dans ma tête, je scande :
« La police nous protège,
Ça crève les yeux »
Et,
« Vivre en France,
Ça coûte un bras.
S’en plaindre,
Ça coûte un œil !

Quel sera le prix du 23 mars ?

• Parce qu’à ce jour, il y a toujours 14 millions de personnes qui vivent dans la grande pauvreté, 3 millions qui n’accèdent pas à l’hygiène élémentaire, 4 millions de travailleurs qui sont sans toit, et je ne parle même pas des implications sur les femmes et les enfants, comme toujours en première ligne, pas plus que celles sur les personnes issues de l’émigration, et encore moins des exilés, avec ou sans papiers, ou encore des mineurs isolés, ou des enfants placés PJJ (protection judiciaire de la jeunesse) qui se retrouvent à la rue le jour de leur 18 ans !

• Parce qu’en 2018, 1200 personnes sont mortes dans un accident de travail (article Basta !), 238 dans un accident de la route, et, que c’est contre la mortalité des accidents de la route que le gouvernement prétend lutter par le racket pénalisant, tout en passant sous silence les accidents du travail !

• Parce qu’à ce jour, aucune des revendications portées par les gilets jaunes n’a été satisfaite, bien que la coalition médiatico-politique fasse semblant de dire le contraire ou de faire comme si les revendications n’étaient toujours pas connues !

• Parce que Justice sociale, Justice fiscale et Démocratie sont des mots qui leur écorchent la gueule dès lors qu’ils construisent du sens collectif !

• Parce que depuis 4 mois de luttes, la seule réponse est la répression, et maintenant leur criminalisation et l’intervention de l’armée prévue pour le 23 mars !

Alors, pour moi, la question de la poursuite du mouvement ne se pose pas.
Dans ma société rêvée, vous êtes des inutiles, dans celle que vous m’imposez, vous êtes des nuisibles qu’il faut neutraliser !

Le 23 mars, vous interdirez les manifs à Paris « Champs élysées », Nice, Toulouse, Bordeaux centres villes, vous autoriserez l’utilisation des traçants dans les canons à eau, (façon de dire tous coupables et de gommer la présomption d’innocence), et, vous mobiliserez l’armée.

Mauvaise réponse !

Qu’est-ce qui cloche du côté cognitif chez vous ? Incapacité à apprendre. Si vous étiez mes élèves, vous seriez pris en charge par un RASED (réseau d’aides spécialisées aux élèves en difficulté), mais non, vous les avez déjà démantelés !
Donc, le 23, faut-il aller à Toulouse pour ajouter du « même pas peur », aux revendications du pouvoir vivre et pouvoir vivre ensemble ? C’est la seule question que je me pose.

« Même pas peur », pour moi, c’est une bravade : j’ai peur dès que je suis face à des uniformes armés dans la rue, j’ai très peur à chaque manif dès que je suis face à des robots casqués, sur-armés dont je ne peux même pas capter le regard. Bref, je suis trouillarde. Mais, comme je suis aussi colère, j’y vais avec une barre plus ou moins forte au ventre.

Le 23 à Toulouse ? Je n’y ai pas encore répondu : depuis le départ, je m’oppose à la concentration méga-urbaine du mouvement et demande à ce que nous ré-investissions tous les ronds-points, parce que ça a plus de sens, pour moi, et parce qu’il est plus facile d’occuper un rond-point près de chez soi que de se déplacer à Toulouse se faire à minimum gazer, d’autant que sur les ronds-points, on discute, donc on construit du sens collectif entre nous, mais aussi avec ceux qui s’arrêtent.

Le gouvernement a gagné en « nous » poussant dans les centres urbains ce qui lui permet de provoquer « les violences urbaines ». À Montauban, après 18 semaines, pas une vitrine de cassée, mais 8 cabanes détruites, 3 personnes incarcérées à Seysse, quelques dizaines de blessées (fractures, plaies, conjonctivites) par matraquage, utilisation de LBD (flash-ball), grenades de désencerclement, grenades lacymogènes). C’était avant que les manifs ne s’étoffent sur Toulouse. Depuis qu’on est à moins de 1000 manifestants à Montauban, la BAC (brigade anti-criminalité) ne se déplace plus.

Le 23, je ne sais pas encore si j’irai à Toulouse ou si je resterai à Montauban, mais, ce dont je suis sûre, c’est que l’avenir est aussi entre les mains des « classes moyennes ».
Va falloir qu’elles y regardent à travers le plancher de verre. Le discours « humaniste », anti-extrême, ne va pas suffire à justifier la passivité face à l’autoritarisme de ce gouvernement, à ce jour, seule réponse au refus de la misère.

Combien de morts, de mutilés, faut-il pour que les classes moyennes sortent de leur zone de confort, et de leur cécité ?

Peut-être leur faut-il un 23 mars ultra-répressif, pour qu’elles sortent le 30 ?

Josette, Gilet Jaune Montauban

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