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Les patrons ordonnent, Macron ordonnance.

Publié le 9 octobre 2017

« Nous avons eu l’occasion de jeter les bases d’une société sur les principes anarchistes mais ceux que nous avions en face de nous, ne nous ont laissé ni le temps ni l’espace ». Nestor Makhno 1889-1934.

Après le vote de la loi d’habilitation par le parlement, les fameuses ordonnances macron, dites « projet de loi pour la réforme du code du travail », ont été « présentées » au conseil des ministres, le 22 septembre, afin de leur donner un semblant de légitimité, et publiées le lendemain au J.O.

Comme le disait si richement Muriel Pénicaud, la ministre du travail : « La loi a été enrichie par les concertations avec les partenaires sociaux ».

La forte mobilisation, avec des appels d’envergure pour lutter efficacement contre les ordonnances macron, de la part des syndicats se fait sous silence. Pourtant, le programme du chef de l’État est essentiellement centré sur la finance d’abord ; et sur le social jamais. L’« impérieuse » nécessité des ordonnances, comme nous nous le sommes entendu raconter, serait de s’élever :

« … contre les difficultés rencontrées par les entreprises ; … des solutions innovantes doivent être trouvées et cela passe par la modernisation des droits et des devoirs ».

Les difficultés ? Quelles sont-elles, selon les économistes et les experts, si nombreux ? Les difficultés sont-elles les embauches toujours trop chères, les licenciements toujours trop onéreux ! …
Le manque de flexibilité, aussi ... ?

Quand nous voyons, aujourd’hui, que la sous-traitance est flexible à grande échelle et qu’une personne, à elle seule, peut se trouver à travailler pour 3 ou 4 boîtes (le sous-traitant d’un sous-traitant en interim …) en même temps, ou bien que des travailleurs prennent l’avion pour exercer leur tâche ingrate, ou encore ces chantiers à l’autre bout de la France, loin de sa famille, … nous constatons que la main d’œuvre qui coûte toujours trop cher a vraiment bon dos. Il est fréquent de voir un ouvrier faire gagner de l’argent à plusieurs entreprises ; … et pour un seul salaire, s’il vous plaît !

Pendant ce temps, « Les milliardaires européens ont augmentés leurs revenus de 19 % en 2016 ». Ces pauvres patrons auront droit, très prochainement, à l’erreur face à l’administration. Comme dans le cas des erreurs fiscales, par exemple, ce sera juste un aimable rappel à l’ordre, et encore. C’est vrai qu’il est difficile de remplir ses devoirs de « citoyen » quand on a les poches pleines et les coffre-forts pleins*1. D’ailleurs, les caciques politiques ne s’y sont pas trompés et il est vrai que la contagieuse épidémie d’allergies à l’impôt (une soit-disant phobie administrative) est tout à fait recevable quand un élu sait bénéficier de toutes les indulgences, et malgré le scandale, ceux qui sont pris la main dans le sac ne risquent ni la ruine ni la misère.

Ces ordonnances, en inversant la hiérarchie des normes, en transformant fondamentalement le code du travail, ont pour ambition de changer les rapports sociaux. En fait, en vidant le code du travail de sa substance, ça va être plus que jamais le chacun pour soi ; sauf si nous réagissons et que nous sommes bien conscients que l’action collective et directe ainsi que la solidarité sont nos meilleures alliées. Mais cela ne se fera pas sans sacrifices, ni sans souffrances. L’Histoire des luttes nous en est témoin.

Comme le disait l’inimitable et impayable ministre du travail dans le journal « Le monde » : N’oublions pas « Les modifications de contrat, d’horaires, de rémunération, se feront sur des accords. En cas de refus, le licenciement sera légal ». En termes d’accord, c’est assurément très « pertinent » ! Nous ne sommes plus à un sophisme près, nous direz-vous. Et vous aurez bien raison ! Car « Soit "nous" sommes d’accord pour baisser ton salaire, toi le travailleur, soit, si t’es pas d’accord, t’es viré ! » ou mieux encore : « Soit t’es d’accord, soit j’te vire, alors t’es d’accord ? ». C’est aussi simple que ça. N’est-ce pas M. Hollande qui parlait d’un « choc de simplification » ?

Ce gouvernement « En Marche » a vraiment l’art et la manière de vouloir nous prendre pour des imbéciles ; il n’y a pas d’autres mots. Ni de gauche, ni de droite, « En marche » ne serait pas un parti. "Frère" Emmanuel aurait été élu sur un projet et pas sur un programme, etc.

Pour la ministre du travail, comme pour ses compères, les ordonnances macron, c’est soulager les entreprises … pour qu’elles se développent et qu’elles créent plus de richesses (pour les riches). Ça fait plus de trente ans que ça dure, que les riches sont de plus en riches, et que le secteur social se dégrade tout en nous entendant dire que c’est indispensable pour lutter contre le chômage, qu’il faut, pour cela, « rénover » le code du travail car trop protecteur des travailleurs ; et nous sommes d’avis que si le code du travail devait être amélioré, c’est plutôt en faveur des travailleurs, et non contre eux, qu’il fallait le faire. Pendant que les richesses s’accumulent dans les coffres des banquiers sous forme de devises et de titres de propriétés dûment signés par les escrocs de la politique (excusez pour le pléonasme), généreusement arrosés au passage, il n’y a que quelques miettes qui retombent sur le plus grand nombre. C’est l’incontournable règle du capitalisme.

« Huit personnes sur la planète détiennent autant de richesses que la moitié la plus pauvre de la population mondiale (soit 3,6 milliards de personnes) ». C’est le résultat de la règle.

Les grèves à répétition dans les hôpitaux, dans l’éducation, dans les transports n’ont, depuis trente ans, pas fait changer la tendance. Les balades syndicales, non plus. Pas plus que les promesses des uns et des autres. Une chose est sûre, nous ne pouvons compter que sur nous-mêmes, sur notre capacité à mener les luttes de façon autonome, en nous affranchissant de toutes tutelles. Cet échec est dû à la façon dont les luttes ont été menées ; et les syndicats de la collaboration y sont pour beaucoup car ils ont agi pour la démobilisation générale, quoi qu’ils en disent. Un mouvement social sans grève générale prolongée, sans blocages, sans une participation active et massive de tous les pans de la société, sans une volonté de vrai changement et qui se résume à des revendications corporatistes, n’est qu’une formalité passagère.

Aujourd’hui, il n’y a pas de discussion, ni de réel échange dans les entreprises et les services publics. L’avis des personnes concernées par ces nouvelles mesures n’est d’aucun intérêt pour les patrons et les gouvernants, et ça ne les intéresse pas. Seuls leur pouvoir et leurs privilèges, jamais assez conséquents à leur goût, les intéresse. C’est, donc, un ersatz de code du travail qui entre en vigueur, avec une augmentation des « accords » (contrat et temps de travail modifiables, CDI de chantiers partout, temps du CDD, etc ...).

Face à ces attaques incessantes contre un modèle social arraché de haute lutte par la classe ouvrière, il faudra tout regagner, en mieux, par des luttes acharnées. Pourtant, aucune réunion ou assemblée ne se fait, sur les lieux de travail ou dans les facultés, avec un réel esprit critique et de réflexion sur ces ordonnances et sur tout le reste*2 ; et cette absence de critique se retrouve même dans le monde quotidien qui nous entoure. Cela durera tant que nous laisserons les syndicats et les partis tenir la contestation dans leurs mains pas propres. Il faudra suivre, ou pas, leurs journées de mobilisation, les nouvelles nuits debout, un nouveau « front social », écouter des représentants ou des experts débiter leurs platitudes.

Comment les travailleurs (ouvriers, chômeurs, retraités) et les étudiants peuvent-ils répondre aux attaques du trio (patronat, État, partenaires sociaux) ? Comment répondre aux difficultés réelles de la majorité de la population et pas à celles issues de la mystification des gouvernements très très à droite qui se succèdent ? Comment obtenir l’accès à des logements décents pour tous à des prix bien inférieurs à 1/3 du salaire, faire en sorte que tous les soins médicaux soient remboursés a 100%, etc ? Il n’y a pourtant, là, rien de bien révolutionnaire puisque augmenter les salaires ou baisser les frais contribueraient à augmenter la consommation et à nous intégrer au système capitaliste ; mais les syndicats jaunes et les sociaux-démocrates sont encore bien en deçà de cela. Les droits sociaux sont, pourtant, le bien commun.

En revanche, les patrons n’auront aucun état d’âme à payer des salaires de misère, à faire travailler des enfants au nom de la compétitivité, etc. Ils mentent en prétendant que le coût du travail serait trop élevé et serait la cause du chômage de masse.

Donner une bonne éducation pour tous, en finir avec le harcèlement moral et le suicide au travail, le manque d’effectifs dans les hôpitaux, l’individualisme égoïste, le cloisonnement, l’isolement, le repli sur soi, les fins de mois difficiles, l’avenir incertain. En d’autres mots, comment en finir avec les inégalités et la misère sociales ? … Elles sont là, les difficultés vraies et réelles.

Ces ordonnances sont un seuil supplémentaire de franchi dans la régression généralisée, et la seule solution est, toujours, la même, c’est la lutte sociale révolutionnaire. Seule une union solidaire de tous les travailleurs exploités, et au-delà des frontières, est à même de s’opposer au front du capitalisme international. Nous pouvons créer de nouveaux outils de lutte, si nécessaire, nous rencontrer, échanger, en parler autour de nous, débattre et nous organiser horizontalement pour construire le monde de demain, un monde vraiment pour tous où les difficultés de tous seraient prises en compte pour être résolues et non pas gérées au profit d’une élite auto-proclamée. Nous portons, tous, ces capacités en chacun de nous ; d’autres ont essayé avant nous et s’ils n’ont pas pu réaliser pleinement leurs rêves, nous devons tirer les leçons du pourquoi afin, cette fois-ci, de pouvoir les réaliser. Place aux « rêves » et à « l’imagination » pour sortir de ce cauchemar qui nous est imposé par des gens sans scrupules et, surtout, sans courage ; qui tentent continuellement de nous monter les uns contre les autres et qui se permettent, par dessus le marché, de nous faire la morale et nous traiter de fainéants alors qu’eux-mêmes sont les exemples les plus parlants de la fainéantise et de la corruption.

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