Les think tanks

Publié le 24 juillet 2017

Voici une courte réflexion sur les fameux « think tanks », ces laboratoires ou réservoirs d’idées que l’on appelle communément « lobbies ». Proposer « un autre futur » passe par des analyses précises du système que nous combattons. Ces organismes (à vocation politico-idéologique) qui sont des rouages du capitalisme sont, aujourd’hui, en plein développement en vue de permettre, encore « un peu » plus, l’essor du capitalisme. Cet article interroge, avant tout, sur le pouvoir réel qu’exercent ces think tanks dans les politiques publiques des États. A savoir que le nombre de think tanks existant dans le monde en 2013 était de 6603 [1].

Bien qu’aucune définition n’ait été approuvée par la « communauté mondiale des think tanks » [2], nous préférons, de toutes façons, nous appuyer sur sur l’étude d’un cas spécifique, celui de l’Institut Montaigne. Créé en 2000 par l’homme d’affaires Claude Bébéar (président du groupe AXA), cet institut est un « think tank indépendant ayant pour vocation d’élaborer des propositions concrètes dans les domaines de l’action publique, de la cohésion sociale, de la compétitivité et des finances publiques » [3].

Par indépendance, il faut bien comprendre que l’institut ne reçoit pas de subventions publiques (aides d’État). En revanche, il a été financé par une centaine d’entreprises et quelques deux cents mécènes, à hauteur de 3.837.356 euros, rien que pour l’année 2015 [4]. Nous ne sommes pas étonnés de constater que Bolloré, Lazard Frères, LVMH – Louis Vuitton, Microsoft France, Airbus Group, VINCI, la RATP ... faisaient partie des généreux donateurs et c’est sans surprise que Claude Bébéar (créateur de l’Institut) en est le président.

L’Institut Montaigne est donc tout, sauf indépendant, puisqu’il est financé par de grosses pointures. Il prône, entr’autres, une Europe et une monnaie unique fortes [5] et plus globalement le Partenariat Transatlantique de Commerce et d’Investissement (PTCD), l’élimination progressive du code du travail afin de « répondre aux défis d’une société en pleine mutation » ...
B. Martinot et F. Morel vont jusqu’à qualifier le droit du travail « d’inefficace, complexe et obèse » [6].

Cela ne vous rappelle-t-il pas un certain président ?

L’idéologie capitaliste est diffusée par l’ensemble des medias, comme peut en témoigner la liste des journaux qui ont fait la promotion de l’Institut Montaigne au cours de l’année 2016 [7] : le Figaro & le Figaro magazine, les Echos, le Parisien, BFMTV, toutsurmesfinances, la Tribune et même l’Humanité ... organe du PCF, « logiquement » classé à « gauche ». Ce dernier n’a, pourtant, pas hésité à interviewer Laurent Bigorgne (directeur actuel de l’Institut Montaigne) pour solliciter son avis autorisé sur la question « brûlante » du Brexit.

Ainsi, les rapports fusionnels entre « medias » et « think tanks » passent souvent inaperçus (malgré une absence de discrétion). Le CSA, réputé pour son intransigeance sur de nombreux points, avait interdit à BFMTV et à RMC de diffuser la publicité pro-sarkozy de l’Institut Montaigne durant les derniers jours de la campagne présidentielle de 2012 car elle « menaçait » l’équité politique [8].

Ce cas, en apparence isolé, pourrait être sans importance, mais il ne l’est malheureusement pas. Souvenez-vous des 6603 think tanks dans le monde, en 2013. A l’heure actuelle, nous pouvons aisément estimer ce nombre à 7000 (si ce n’est plus). En France, l’Observatoire Européen des Think Tanks (OETT) a labellisé 46 think tanks en 2016 sous le label de « La France des think tanks ». Ces 46 lobbies français, considérés comme scientifiquement crédibles, peuvent maintenant peser sur les politiques publiques de l’État français.

Ce qui est inquiétant, c’est que, d’une part, la partialité de ces organismes n’apparaît pas comme évidente et que, d’autre part, elle tend à normaliser une recherche scientifique soutenue par des fonds et des intérêts privés. Multipliez par 46 l’influence de l’Institut Montaigne, et vous comprendrez que le danger que représentent les think tanks est énorme. Nous citerons J.C. Javillier (président de l’OETT) qui témoigne clairement de l’essor de ces lobbyistes : « Dis-moi quels sont tes think tanks, je te dirai quelle est ta capacité d’analyse et ton influence non seulement en ton pays, mais à travers le monde ! Ainsi pourrions nous traduire l’impérative nécessité d’encourager la création et le développement de ces organisations en tous domaines. Car il s’agit bel et bien d’un incontournable impératif en matière d’intelligence stratégique, et nécessairement collective » [9].

Ce concept d’utilité publique est d’ailleurs légalement promu puisque de nombreux think tanks (sauf l’Institut Montaigne qui souhaite rester indépendant de l’Etat) sont reconnus comme fondations d’utilité publique (F.R.U.P) d’après les lois de 1901 et de 1987. Nous pensons, ici, à la fameuse fondation Jean Jaurès (soi-disant de « gauche »), particulièrement à l’analyste J. Jaffré (frère de P. Jaffré, ancien président d’ELF) qui a participé au dossier « Enquête électorale française 2017 » afin de distiller de précieux conseils, déguisés en analyses rigoureuses, à Macron pendant la campagne électorale. Nous apprendrons, sans étonnement, qu’un communiqué de la fondation, porté par H. Nallet (son président) à la veille des élections, appelait à voter Macron.

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