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Corruption collaborative

Publié le 27 avril 2017

A l’approche des élections présidentielles, tout ce petit monde politique, de droite comme de gauche, est en pleine effervescence. Chacun y va de ses promesses et c’est à qui tiendra le plus joli discours, fera le plus rêver, suscitera le plus d’illusions. Rien de nouveau sous les projecteurs, nous direz-vous, ça fait des lustres que ça dure. A chaque élection, c’est pareil ! Les vendeurs de rêve, les bonimenteurs professionnels sortent du placard pour capter les suffrages des électeurs. L’élection présidentielle de 2017 aura, au moins, cette utilité qui est d’attirer l’attention du public sur les pratiques de ses élus : népotisme, parjures, détournements de fonds publics, enrichissements personnels, etc.

En vérité, tous ces faits, parfaitement scandaleux, dont les médias font leurs choux-gras depuis quelques mois ne dévoilent qu’une partie minuscule de la réalité qui baigne les institutions. Ils ne sont que la partie émergée du système de pseudo-démocratie dans lequel nous vivons. A bien y regarder, les auteurs avérés de ces magouilles politico-financières ne se distinguent pas des petits délinquants livrés à la vindicte publique par les médias, mais, alors que les seconds volent pour assurer leur survie, les premiers auréolés du prestige que leur procure un mandat électoral pillent avidement et sans vergogne l’argent public pour accroître leur patrimoine familial souvent déjà très conséquent.

Pour scandaleuses que soient ces dérives, il en est pourtant de bien plus graves et qui, en outre, se pratiquent au vu et au su de tout un chacun. Une fois adoubé par le suffrage universel, chaque parlementaire dispose d’une liberté de parole et d’action quasi-totales puisqu’il n’aura, en réalité, de comptes à rendre à ses électeurs qu’à la fin de son mandat. Son statut fait de lui un citoyen à part, l’incarnation de la volonté populaire et donc doté d’une légitimité et d’un prestige indiscutables : l’impunité juridique liée à son statut en est la marque tangible. Parce qu’il participe à la production des lois, des règlements, des normes, il est le détenteur d’un réel pouvoir dans tous les domaines de la vie en société. Il ne faut donc pas s’étonner qu’il devienne l’objet d’une multitude de sollicitations de la part de tous ceux, individus ou associations, entreprises ou groupes financiers, qui ont des intérêts à faire valoir. Mais cela n’atténue en rien leur culpabilité.

Dans les temps anciens, ces solliciteurs s’appelaient des courtisans et ils venaient flatter le souverain pour obtenir ses faveurs. Aujourd’hui, ce système subsiste mais il s’est modernisé, professionnalisé, et il fait, désormais, partie du paysage. Aujourd’hui, à proximité de chaque lieu de pouvoir, des bureaux de lobbying se sont créés afin de prendre à charge la défense des intérêts de groupes industriels ou financiers. Les intérêts en jeu, financiers et industriels, sont considérables, titanesques. Et pour parvenir à leur but, faire promulguer telle loi, rendre inopérante telle autre ou modifier telle norme, les employeurs de ces conseillers (officiellement, leur métier consiste à informer les parlementaires de façon à leur donner une vision précise du sujet traité) vont mettre à leur disposition des moyens considérables. Il est évident que, pour parvenir à leur but, ils vont devoir créer une relation de qualité avec ces parlementaires et comme le dit un dicton populaire « les cadeaux, surtout quand ils sont de bon goût, font naître et entretiennent l’amitié ». Tout cela fait le bonheur des vendeurs des costumes de luxe, des chaussures haut de gamme, etc. Il se dit que les lobbyistes sont très grassement payés mais il faut reconnaître qu’ils obtiennent des résultats remarquables.

Par exemple, pendant des dizaines d’années, ils se sont battus pour que l’amiante ne soit pas interdite. Ils connaissaient les dangers mortels de l’amiante depuis plus de quatre-vingt ans et c’est en 1967 que le caractère mortifère de ce produit a été démontré scientifiquement. Pourtant, jusqu’en 1997, date de l’interdiction officielle de l’amiante en France, les industriels ont pu continuer à le vendre pour leur plus grand profit (TVA incluse !). Dans nombre de pays, l’amiante est toujours utilisé. Chaque année, 3000 personnes meurent, en France, pour avoir inhalé de l’amiante. Au total, dans le monde, plusieurs centaines de milliers de personnes sont mortes ou vont mourir à cause de ça. Le scandale de l’amiante est tellement monstrueux que l’on serait en droit d’espérer que, au nom du principe de précaution, les industriels et les pouvoirs publics y regardent désormais à deux fois avant d’autoriser la mise sur le marché de produits potentiellement, mais surtout fortement soupçonnés, d’être dangereux.

Quelques exemples très actuels nous montrent qu’il n’en est rien. Un des herbicides les plus utilisés en agriculture est le Roundup. Il s’en vend plus de 800 000 tonnes par an dans le monde. La France en est le plus gros consommateur européen. Ce produit est fortement soupçonné, depuis de nombreuses années, d’être cancérigène. En mars 2015, l’OMS l’a classé cancérigène probable. Pourtant, en mars 2017, l’agence européenne des produits chimiques l’a déclaré non cancérigène !! Pour comprendre comment ces deux organismes sont parvenus à des résultats aussi contradictoires, il faut savoir qu’ils ne parlent pas de la même chose.

Le Roundup est constitué de deux substances, la substance active, le glyphosate, doit, pour détruire un végétal, être obligatoirement associée à une autre substance. Or, il faut savoir que les règlementations européennes (et vive l’Etat de droit !) imposent que l’évaluation de la toxicité d’un produit se fasse en prenant la substance active isolément (?? !!). Les techniciens européens ont, donc, vérifié la toxicité du glyphosate en l’isolant de toute autre substance. Les techniciens de l’OMS ont, eux, étudié les effets du Roundup. Or, si le glyphosate isolé n’a pas d’effet herbicide du fait que les plantes ne peuvent pas l’absorber, quand il est associé à une autre substance, il devient un redoutable tueur. Si l’OMS considère que le glyphosate est potentiellement cancérigène, ce n’est pas pour taquiner les producteurs d’herbicide.

C’est parce que les tests montrent que quand le glyphosate est associé à certaines substances, il provoque des cancers. Sous la pression des associations, les techniciens européens ont testé les effets du Roundup, mais ne reculant devant aucune supercherie pour parvenir à leurs fins et obtenir l’autorisation de mise sur le marché, les firmes ont mis en avant des tests biaisés, car effectués sur des périodes trop courtes : les tests effectués par ailleurs (OMS , laboratoires indépendants) montrent que les cancers n’apparaissent qu’au bout de plusieurs années (5 à 7 ans). Mensonges, tricheries … tous les moyens sont bons pour parvenir au but recherché ; nous en oublierions presque que ces gens mettent réellement en danger la santé et la vie des gens. Ainsi, aux États-Unis, un collectif de plusieurs centaines de travailleurs agricoles, utilisateurs de Roundup ayant développés un lymphome non hodjkinien (cancer), intente un procès au fabricant.

Les exemples de l’amiante et du Roundup sont particulièrement éclairants sur les pratiques des dirigeants politiques et du grand patronat ainsi que sur leur niveau de moralité puisque la valeur qu’ils accordent à la vie et à la santé des habitants de notre planète est proche de zéro. La seule chose qui compte pour eux, c’est le pouvoir et l’argent. Leur seule règle, c’est d’avoir « encore plus, toujours plus ». Leur seule morale, c’est que « tout s’achète et tout se vend » (surtout les élus !). Et ce n’est pas la décision prise récemment par un tribunal belge, d’accorder « royalement », et après des années de procédure 25 000 euros aux descendants d’une ouvrière décédée d’une maladie causée par l’amiante (cause reconnue par le tribunal), qui les amènera à modifier leurs pratiques. Dans ces procès, il est, souvent, plutôt question d’argent et ces firmes cherchent encore à en donner le moins possible pour clore ce qui n’est pour eux qu’un litige juridique. S’ils établissent des « responsabilités » ponctuelles, ils ne changent rien aux pratiques.

La solution ne peut être que politique ; mais seulement voilà, les politiciens sont à vendre ! ou à acheter ! ça dépend où vous vous placez. Cela rend, de fait, cette justice juridique complice et aussi immorale que ceux qui sont sur le banc des accusés. La philosophie de ces derniers reste la même : acheter aussi les victimes et continuer le criminel business. Les indemnités payées sont en effet bien ridicules si nous les comparons aux milliards d’euros de profits liés à la vente de tous les produits toxiques vendus par les industries : l’amiante, les herbicides, les perturbateurs endocriniens, etc. Comparées aux salaires des patrons des multinationales qui produisent ces poisons, ce sont des broutilles. Chacun pourra méditer cette évidence : "Dans le système capitaliste, la vie d’une ouvrière ne vaut que quelques heures d’un salaire de PDG". Nous avons évoqué les scandales de l’amiante et du glyphosate ; nous aurions pu en citer des dizaines d’autres : perturbateurs endocriniens ou particules fines liées au diesel, destruction de la bio-diversité ou destruction des forêts tropicales, réchauffement climatique ou pollution des océans, etc.

La liste serait très longue, mais tous ont un point en commun : ils ont tous la même origine, c’est la soif de richesse et de pouvoir, l’insatiable désir de s’enrichir et d’exploiter les autres qui amène les membres des classes dirigeantes à prendre ces décisions aussi criminelles que suicidaires. Certaines décisions politiques et économiques mettent en danger toute l’humanité.
Partout les puissances de l’argent et les politiciens collaborent au mépris de la vie des populations et de l’avenir de l’humanité. Les vieux principes anarchistes, « le pouvoir rend fou et l’homme incorruptible n’existe pas » se vérifient chaque jour. La démocratie représentative est donc une escroquerie puisqu’elle repose sur une illusoire relation de confiance entre l’élu et les électeurs : si l’électeur accepte d’abdiquer sa souveraineté en faveur de l’élu, c’est parce que l’élu est supposé être parfaitement informé, être de bonne foi, être incorruptible et être censé mettre en œuvre ce pourquoi l’électeur l’a élu. Il faut que le peuple soit bien crédule pour, encore et toujours, croire à ce genre de mythes.

Refuser de participer à cette mascarade particulièrement stupide est un premier pas raisonnable vers la solution. L’abstention est la seule "attitude réaliste".

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