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MACRON : ATOMISER POUR MIEUX EXPLOITER !

Publié le 29 juin 2015

Le « Projet de loi pour la croissance et l’activité (procédure accélérée) (renvoyé à une commission spéciale.) présenté au nom de M. Manuel VALLS, Premier ministre, par M. Emmanuel MACRON, ministre de l’Économie, de l’Industrie et du Numérique » - c’est le titre exact du document commenté ici - est un fourre-tout de 516 pages en petits caractères (texte de la proposition de loi & commentaires) [1].

516 pages qui sautent du coq à l’âne, des transports en autocar aux professions réglementées en passant par le travail du dimanche, le plafonnement des indemnités en cas de licenciement etc., etc., j’en passe et de des pas mûres, mais toujours avec un seul objectif : libéraliser, libéraliser, libéraliser.

Une question d’éthique pour commencer : qui, en dehors d’un professionnel de la politique (du syndicalisme ou du droit) peut être mesure de lire et d’analyser un document aussi long et touffu ? Dans ces conditions, qui peut encore affirmer que « Nul n’est censé ignorer la loi ». Et où est la démocratie quand des mesures qui modifient en profondeur le droit du travail (notamment) et donc la vie de chaque salarié sont noyées, dissimulées, dans un flot de mots et, de plus, exprimées en des termes incompréhensibles aux principaux intéressés ?

Faire l’inventaire et la critique de chaque article, l’un après l’autre, est matériellement impossible à moins de disposer de temps et de moyens colossaux.

Pour donner un exemple de l’analyse qu’il faudrait faire de chacune des lignes de ces 516 pages, voyons un seul article, perfide comme tant d’autres. C’est l’article 83, du Chapitre II  : «  Droit du travail », à la section I : «  Justice prud’homale  », ouf ! Les « explications » (pas beaucoup plus intelligibles que le texte de proposition de loi) sont page 456.

Cet article n’a l’air de rien. En gros, il propose qu’en cas de conflit entre un employeur et « son » salarié, une sorte de contrat individuel amiable (j’ai failli écrire « aimable » pour le patron) puisse être passé entre les deux parties, sans autre forme de procès et sans tenir compte de quelque règle de droit du travail que ce soit. En pratique, cela ouvre la possibilité aux patrons de s’asseoir définitivement sur ce droit. Ce dont ils ne vont pas se priver.

La relation employeur-employé est, faut-il le rappeler, dissymétrique, le «  contrat amiable  » ne peut être que biaisé. L’employeur possède dans son arsenal nombre de possibilités pour imposer sa loi à « son » travailleur. Celles-ci peuvent être incitatives : la carotte (par exemple des augmentations ou des primes, pour « rattraper  » a minima une faute patronale vraiment trop importante) et surtout répressives  : le bâton (non-renouvellement d’un contrat, licenciement de l’intéressé, mesures de rétorsion contre un membre de sa famille s’il travaille dans la même entreprise, placardisation, harcèlement, etc.).

Constat amiable, la manivelle à la main

Une comparaison pour mieux comprendre. Quant on a un accident de la voie publique et que l’on rédige un constat amiable, on décrit les faits qui se sont produits, mais leurs interprétation et leur conséquences (juridiques, financières) sont régies par le code de la route. Autrement dit, c’est le code de la route qui dit qui a «  tort  » et qui a «  raison ». C’est un peu comme ça que cela se passe aujourd’hui pour les conflits du travail quand ils sont jugés  : les parties exposent leur vision des faits, et c’est en fonction du droit que les « fautes » sont déterminées.

Imaginons un moment que l’on applique la logique de la loi Macron à la circulation routière. En cas d’accident, ce ne serait plus le code de la route qui dirait qui est en tort et qui ne l’est pas. Il reviendrait aux deux signataires du constat amiable de s’entendre et de déterminer, d’un commun accord les responsabilités. Si vous n’êtes ni très musclé ni bagarreur imaginez ce qui pourrait vous arriver si vous deviez signer un tel constat amiable de nuit, sur le bord d’une départementale déserte, avec un routier pas vraiment sympa descendant de son camion, manivelle à la main…

Le contrat amiable de la loi Macron, c’est l’ouvrier démuni face à son patron la manivelle à la main.

Cette habile proposition de loi fait d’une pierre deux coups et désarme le travailleur en lui ôtant son principal moyen de défense (l’action directe collective) mais aussi la « roue de secours  », le droit du travail. Car ce contrat, comme son nom l’indique, est individuel. Les «  dossiers  » seront traités au cas par cas, ce qui laissera tout loisir à l’employeur de favoriser (un peu) l’un en défavorisant l’autre, bref, d’aggraver les disparités.

Atomiser le salarié, l’isoler, le couper des autres, éclater le bloc des ouvriers, créer des tensions et des rancœurs entre eux… La stratégie est ancienne - Divide et impera (divise et règne) écrivait déjà Machiavel (et avant lui les Grecs !) – mais toujours crapuleuse.

Mais que font les syndicats, direz-vous (enfin, si vous n’êtes pas un lecteur habituel de ce magazine). Les syndicats ne font rien. Ils ne feront rien  : la loi Macron, entre autres mesures, a prévu quelques gâteries pour eux : de nouvelles heures de délégations rémunérées leurs sont promises. Juste de quoi acheter leur silence...

Le seul vrai moyen de faire face à la loi Macron & Compagnie, c’est de faire bloc les uns avec les autres. Si le jeu des patrons est de diviser, le nôtre doit être de chercher à créer, par la solidarité, un rapport de force pour, quand c’est possible : refuser collectivement les entretiens individuels, imposer une égalité de traitement (« A travail égal, salaire égal » disaient les anciens), exiger du patron le respect des salariés (et donc des salaires dignes), éviter le traitement au cas par cas…

Salariés, nous avons tout intérêt à jouer ensemble et pour l’ensemble.

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