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MONITEURS & EDUCATEURS EN FORMATION EN LUTTE

Publié le 17 février 2014

Depuis plusieurs semaines, les moniteurs-éducateurs et éducateurs spécialisés sont en lutte. Interview d’un compagnon participant au mouvement.

Pouvez-vous présenter en quelques mots la formation que vous suivez ainsi que ses débouchés ?

Ma formation me permet d’apprendre le métier de moniteur-éducateur et d’obtenir le diplôme d’état (indispensable pour un éventuel CDI). Elle se déroule en alternance (cours et stages) sur 2 ans. A côté de cette formation, existe celle d’éducateur spécialisé, également en alternance et sur 3 ans. Les 2 métiers sont très proches. Les personnes se formant au métier d’éducateur spécialisé ont un statut d’étudiant (car la formation est de niveau bac). Cela leur ouvre droit à une rémunération lors de leurs stages de plus de 2 mois (400 euros/mois). Les moniteur-éducateurs en formation ne touchent pas un kopeck sur leur lieu de stage. Enfin, les aides au financement des formations sont faibles (bourses régionales de 400 euros/mois, allocations chômage qui n’atteignent pas les 1000 euros).

Le champ d’intervention est très vaste et concerne le secteur social (soutiens aux familles en grande précarité, protection de l’enfance, aides aux adultes SDF)… et médico-social (prise en charge de jeunes souffrant de troubles du comportement, de personnes souffrant de troubles psychiques, atteintes d’autisme, lourdement handicapées ou polyhandicapées, personnes âgées isolées et précaires…). On peut intervenir en établissement ou en milieu ouvert.

Dans quelle situation vous trouvez-vous  ? Quels sont les problèmes que vous rencontrez actuellement ?

Le constat est que les inégalités continuent de progresser dans la société. Le niveau global de richesse augmente, mais il y a de plus en plus de pauvres et de très pauvres. La demande sociale explose. l’État débourse un peu : il lui faut contrôler les marges de la société, contenir la misère et la grogne sociale. Mais l’État veut réduire ses dépenses. La crise a bon dos… Les budgets des services et établissements aux missions d’utilité publique voient leurs budgets limités et plafonnés. Les établissements et services du secteur sont soumis à des pressions financières. Or, la masse salariale c’est 75 à 80 % des budgets. On incite à une réorganisation des services permettant de diminuer les effectifs (après des départs à la retraite par exemple).

Ce contexte général a plusieurs effets pervers qui ont un impact direct sur nos formations aux métiers d’éducateur du social/médico-social (et plus largement encore, puisque d’autre filières sont concernées). Le dysfonctionnement majeur se situe sur la recherche des stages et indirectement sur le contenu des stages.

Dans les dotations globales que perçoivent les services et établissements du secteur, la rémunération (« gratification ») des stagiaires est prise en compte. Mais aucun contrôle n’est exercé sur l’utilisation de l’enveloppe globale qui est consacrée entièrement aux frais de fonctionnement. Beaucoup d’établissements et de services n’acceptent de prendre des stagiaires que si c’est gratuit. La majorité des éducateurs spécialisés en formation est obligée de s’asseoir sur ses droits pour pouvoir trouver un stage.

Pour compenser la diminution des effectifs, on s’appuie sur des stagiaires qui ne coûtent rien. Le stagiaire est parfois soumis à de véritables entretiens d’embauche où l’on demande le CV et la lettre de motivation. Le stagiaire doit avoir déjà de l’expérience… avant d’être formé !

De plus, les 3 centres de formations de la région Midi-Pyrénées sont tous à Toulouse. Pour suivre les cours dispensés dans ces 3 centres, la majeure partie d’entre-nous loge à Toulouse… et cherche des stages à Toulouse. C’est le jeu des chaises musicales. Beaucoup finissent par se rabattre sur les autres départements. Mais les frais d’hébergements et de transports ne sont pas pris en compte…

Quelles sont vos revendications ?

A l’heure actuelle elles tiennent en 4 points :
1- Nous demandons la gratification des stages pour tous, pour dénoncer une inégalité de fait entre les formations de niveau bac et les formations de niveau inferieur, ainsi que les effets pervers que cela engendre (concurrence entre les statuts au bénéfice de ceux qui ont le moins de droits).
2- Nous demandons que l’argent alloué à la gratification des stagiaires soit versé directement aux régions et aux instituts de formations, et non aux établissements et services du secteur social et médico-social.
3- Nous défendons l’alternance devant ceux qui seraient tenté, pour régler le problème, d’en faire des formations de type universitaire.
4- Nous souhaitons une redéfinition du statut des stagiaires.

Quand ce mouvement a-t-il débuté ? Existe-t-il une coordination nationale ? Quels liens entretenez-vous avec elle ?

Le problème est général. Dans d’autres régions, la situation est telle que beaucoup de personnes en formation ne trouvent pas de stage. Or, ne pas avoir de stage implique souvent des reports de formation.

Le mouvement est parti d’un centre de formation de la région parisienne (Montrouge) puis d’un centre de formation à Rennes, au début de l’automne 2013. Il s’est vite répandu dans toute la France et une coordination nationale s’est organisée. A Toulouse, le mouvement a démarré fin décembre, période où le centre de formation ERASME rejoint la coordination nationale. Début janvier, les centres de formation IFRASS et Saint-Simon ont à leur tour rejoint le collectif. Le mouvement est également soutenu par les assistantes sociales en formation.

Est-ce selon vous un choix de société ? Quelles répercussions ses mesures peuvent-elles avoir sur les personnes que vous allez aider ?

La situation actuelle découle précisément d’un choix de société ; celui de n’accorder de la valeur qu’à ce qui est rentable. L’État dépense un peu d’argent dans le secteur social pour limiter la misère et prévenir les émeutes, pour avoir prise sur des marges qui pourraient s’organiser. Dans le secteur médico-social on prend en charge des personnes handicapées pour soulager les familles et leurs permettre de rester dans le secteur productif.

Un autre choix de société serait de considérer qu’il y a de la richesse dans chaque personne. Que chaque personne doit pouvoir trouver sa place dans la société dans le respect des différences et la prise en compte des handicaps. Et qu’en partant de là on définisse les besoins et les budgets.

Ces manques de moyens peuvent-ils induire des inégalités entre les postulants au diplôme ?

Clairement oui. Les étudiants que la famille ne peut pas soutenir, sont obligés de travailler à côté. Le montant des bourses est trop faible et ils ne peuvent pas compter sur les gratifications.

D’ailleurs il arrive tous les ans que des étudiants arrêtent leur formation faute de financement. Une question incontournable de l’oral de sélection pour intégrer la formation est : « Comment allez-vous vous financer ? »... On est très loin de l’égalité des chances.

Comment vous organisez-vous pour prendre les décisions concernant l’organisation de la lutte ? Comment diffuser l’information ?

Localement, un collectif d’étudiants et de personnes en formation issus des 3 instituts de formation toulousains se réunit régulièrement pour organiser la lutte, diffuser l’information et préparer des actions. C’est un mouvement autonome. Toutes les décisions sont discutées en groupe et en lien avec la coordination nationale. Pour diffuser l’info, on fait avec les moyens du bord. Les premiers tracts ont été imprimés dans les centres de formation. Les infos sont aussi envoyées sur les emails de promo.

Quelles actions envisagez-vous pour obtenir gain de cause ?

Tout dépend du nombre de personnes qui vont s’impliquer dans le collectif de lutte. Pour l’instant, une manifestation réunissant des étudiants et personnes en formation venues de toute la France s’est déroulée à Paris fin décembre (des étudiants d’ERASME étaient présents). Une délégation (regroupant 4 étudiants ou personnes en formation des centres de formation ERASME, IFRASS et Saint-Simon) a été reçue par le Conseil régional qui finance les centres de formation pour connaître leur positionnement sur ces problèmes de stage. Une lettre a été envoyée aux ministres de tutelle (Mmes Touraine et Fioraso). On doit continuer de mobiliser et passer à la vitesse supérieure. Mais le choix des actions se définira ensemble lors des prochaines assemblées générales.

Quelles sont vos relations avec les organisations syndicales et autres « partenaires sociaux » ? Avec les formateurs ?

Le mouvement est autonome. On s’organise nous-mêmes. Les formateurs sont conscients du problème. Certains nous soutiennent.

Quelle est l’état de la mobilisation dans les autres régions ?

Certaines régions très tôt mobilisées s’essoufflent un peu. Mais d’autres régions rentrent dans le mouvement. Une réunion nationale se tiendra début mars à Bordeaux avec des représentants de chaque centre de formation en lutte. On en saura plus alors l’état des forces en présence.

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