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L’ÉTAT NOUS REND-IL MEILLEURS ?

Publié le 23 juin 2013

Ouvrage après ouvrage, Ruwen Ogien parcourt avec la sérénité d’un paisible promeneur solitaire, les sentiers de la philosophie morale en déposant ça et là quelques bouquets d’arguments qui sont autant de petites bombes destinées à exploser sous les pas des cuistres qui encombrent de leurs préjugés cette discipline.

Voici donc « L’État nous rend-il meilleurs ? ». Disons tout de suite que, malgré son titre et surtout malgré le cartouche de couverture (« Nuit gravement à la santé »), il ne s’agit pas là d’un ouvrage « anarchiste » au sens que nous donnons à ce terme. Même si le chapitre conclusif s’intitule « L’idéal égalitaire et libertaire » il se contente de plaider pour « … un État permissif, égalitaire et parcimonieux dans l’usage de la violence » par opposition à un État « … autoritaire, inégalitaire, et sans retenue dans l’emploi de la force. », ce qui est tout de même une façon singulièrement rabougrie de concevoir « L’idéal libertaire ». Nous avons une autre conception de ce dernier. Il nous semble d’ailleurs qu’en poursuivant le raisonnement de l’auteur, une société dans laquelle l’État serait parfaitement permissif, égalitaire et n’emploierait la force d’aucune manière ne pourrait être qu’une société… sans État.

Cette bombinette sous nos propres pieds étant désamorcée, constatons que trois ou quatre décennies d’intense propagande réactionnaire - dont les monstrueuses aberrations ont été relookées par de multiples think tanks [1] complaisamment relayés par des hordes de médias [2] - ont produit ce résultat hors de toute rationalité : il est redevenu nécessaire de dire en quoi un État autoritaire, inégalitaire et violent est parfaitement immoral  !

Immoral, moral, de quoi parlons-nous ? En quelques mots, sans entrer plus avant dans le champ de la philosophie morale [3] centrons-nous sur ce dont il est question ici, l’éthique appliquée «  (…) c’est-à-dire la tentative de clarifier l’attitude qu’il conviendrait d’adopter face à des questions concrètes comme la peine de mort, le clonage, l’homoparentalité, la justice sociale, l’avortement, le rapport à l’environnement naturel et aux animaux, l’euthanasie, (…).  » [4]

C’est dans cette perspective que l’ouvrage interroge la notion d’État à partir de celle de « liberté politique ». Ce ne sont pas non plus les conceptions de la « liberté politique » qui manquent [5], mais il est possible de les regrouper en deux grands courants (liberté positive et liberté négative). La première moitié de l’ouvrage, très théorique, est consacrée à l’exposé de ces grands courants et à leur discussion. Le lecteur peu familier avec les concepts de philosophie morale risque fort de la trouver aride, je lui conseille donc de commencer par la seconde partie qui illustre la première à partir des grands problèmes de société, puis de « remonter » vers le début.

Sont tour à tour examinées dans cette seconde section, toujours sous l’angle de la réflexion morale, les inégalités économiques, le retour de la morale à l’école [6], les atteintes à la liberté d’émigrer, la répression du travail sexuel, l’évolution du modèle pénal, la procréation et la fin de vie, les « valeurs dites morales ». Pour chaque thème le lecteur trouvera un bref résumé des principales positions, puis l’analyse critique de l’auteur qui, avec la précision d’un anatomiste disséquant un cadavre, avec une logique imparable, utilise les armes de la philosophie morale pour mettre à nu les confusions, les sophismes et la mauvaise foi de ceux qui cherchent à justifier moralement l’injustifiable domination des nantis.

Venant s’ajouter à des approches sociologiques, économiques, historiques, psychologiques… cet ouvrage, qui met en lumière les raisons philosophiques de résister à l’envahissement de la société par les idéologies conservatrices, me semble du plus grand intérêt pour tous, militants ou sympathisants.

X.F.

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