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DES BRIGADES INTERNATIONALES A LA MAKHNOCHINA

Publié le 17 avril 2013

Ayant reçu le dernier « Anarchosyndicalisme ! » (n° 133 de février-mars
2013) cet après-midi, je l’ai feuilleté et je me suis arrêté, en page 14,
sur la critique du livre « Ma guerre d’Espagne. Brigades internationales : le fin
d’un mythe », ouvrage post-facé par un certain Jean-Jacques Marie. Il se
trouve que j’ai récemment lu un ouvrage de ce dernier, paru voici
quelques années sous le titre « La guerre civile russe, 1 91 7-1 922 » (mars
2005, éditions Autrement).

Je vous adresse quelques considérations
que cet ouvrage m’a inspiré. Pour
l’essentiel, ce dernier n’est constitué
que d’une série de collages de témoignages
des uns et des autres (grossièrement
parlant des « rouges » et des
« blancs ») sur les aspects les plus sordides
de la guerre civile – ce qui n’est pas
très utile, mais pourquoi pas ! Ce qui
m’a indigné, c’est le « traitement » réservé
à Makhno. Par exemple, à la page
102, un « rouge » déclare « Les makhnovistes
n’ayant ni mécanicien ni pilote incendient
les appareils. Puis commence une bacchanale
de pillage : les soldats makhnovistes
dévastent les magasins, les entrepôts, les
riches appartements. Un groupe dans sa
fureur met le feu à plusieurs bâtiments. Le
Grand Bazar est entièrement pillé. Le
Comité révolutionnaire bolchévique essaie
de convaincre les makhnovistes de procéder
à une réquisition ordonnée des biens et des
vivres, un makhnoviste lui répond : Nous
sommes partisans du slogan De chacun
selon ses capacités, à chacun selon ses
besoins
 ». Le moins que l’on puisse dire,
c’est que le lien entre les exactions supposées
et l’affirmation idéologique,
que je fais volontiers mienne, ne saute
pas aux yeux ! Tout au contraire. Mais
l’auteur se garde bien de relever la
contradiction pourtant patente dans le
témoignage qu’il cite.

Après les propos assassins des
« rouges » contre les makhnovistes notre
professeur d’histoire (c’est le métier du
dit Marie) fait monter à l’assaut les
blancs pour achever la besogne. Page
149, il en cite un affirmant que
Makhno « pillait, brûlait et tuait ». Sans
commentaire. On croirait lire Marie-
Antoinette à propos de la Révolution
française. L’auteur lui-même y va de sa
rengaine et affirme, page 151, que
«  Makhno n’aime ni la ville, juste bonne à
ses yeux à être pillée, ni les citadins, et
encore moins les bourgeois qu’il rançonne

 ». Aucune référence ne vient garantir
cette affirmation sur le goût immodéré
de Makhno pour la campagne.
Ces affirmations étant livrées telles
quelles, le lecteur est indirectement
prié de les prendre pour argent comptant.
Même si c’est de la fausse monnaie.
La littérature anti-makhnovistes est
une vieille tradition, qu’elle soit rouge
ou blanche. Le fait que Makhno soit
attaqué des deux côtés, autant par les
partisans du tzar historique que par
ceux du tzar rouge qui prit sa suite
s’explique parfaitement : les makhnovistes
s’étaient élevés contre toutes les
dictatures.

Mais qu’aujourd’hui un livre continue
à charrier des rumeurs d’antisémitisme
et de banditisme à l’encontre de
Makhno alors que toutes les clarifications
à ce sujet sont depuis longtemps
très largement accessibles, est inacceptable.
Mais faut-il s’en étonner ?
Présenté comme un « spécialiste de
l’Union soviétique communiste », l’auteur,
si l’on en croit sa bibliographie me
semble surtout être un chantre du
trotskisme.

Jean-Jacques Marie en effet est
l’animateur du «  Centre d’études et de
recherches sur les mouvements trotskistes et
révolutionnaires internationaux
 » constitué
à partir des archives de l’OCI, ancêtre
de l’actuel Parti des travailleurs (voir
Rouge du 31 octobre 2002).

Le rôle de Trotski pendant la révolution
russe fut d’éliminer physiquement,
souvent après les avoir utilisés,
ceux qui ne se soumettaient pas à la
dictature bolchévique (Socialistes révolutionnaires,
maximalistes, communistes
libres, activistes des Soviets d’ouvriers,
de marins ou de paysans). Le
crime de masse a été une spécialité de
Trotski. L’écrasement des révolutionnaires
de Kronstadt est un symbole
emblématique.

Pour en revenir à Nestor Makhno,
plusieurs ouvrages (à commencer par
ceux de Makhno lui-même) font le
point sur ces questions. Un des plus
intéressants est l’oeuvre de Voline « La
Révolution Inconnue ». Voline qui a été
pendant la révolution russe rédacteur
du journal de l’Union de propagande
anarcho-syndicaliste de Pétrograd, puis
membre de section de culture et d’éducation
de l’armée insurrectionnelle makhnovistes,
avant d’être arrêté par l’Armée
rouge – commandée par Trotsky- est
un des meilleurs historiens de cette
période. Lui-même juif, il lave Makhno
de tout soupçon d’antisémitisme. Pour
en savoir plus, le plus simple est de se
reporter au remarquable ouvrage de
synthèse d’Alexandre Skirda « Nestor
Makhno, le cosaque libertaire, 1888-
1934
 » aux éditions de Paris.

P.M.

Note de la rédaction d’Anarchosyndicalisme !

Comme nous l’avons souligné en le présentant,
« Ma guerre d’Espagne » n’est
pas le témoignage d’un libertaire tout au
contraire. C’est celui de quelqu’un
(Sygmunt Stein) qui, au moment des
faits, était un stalinien pur jus. Le témoignage
ne nous en a paru que plus intéressant,
malgré son insondable méconnaissance
du mouvement libertaire en
général et de la CNT en particulier. En
effet, le témoignage qu’il apporte sur la
machine à écraser la révolution espagnole
que fut le mouvement communiste
dirigé par Moscou (avec en particulier
son utilisation monstrueuse des brigades
internationales) résulte d’un « vécu
de l’intérieur » absolument irrécusable.
C’est là tout son intérêt. Ce n’est pas
pour rien que sa publication a été si tardive
en France, pays où abondent les
historiens pro-communistes de tout
poil. Par honnêteté intellectuelle, nous
avons mentionné le postfacier, même si
la dite postface n’apporte rien du tout.
Nous remercions notre lecteur d’avoir
apporté ses précisions et nous encourageons
tous nos lecteurs à prendre leur
plume pour nous faire part de leurs
avis !

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