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PENDANT QUE LES NATIONALISTES SERBES TUENT DES VISITEURS, L’ETAT SERBE EMPRISONNE DES MILITANTS OUVRIERS

Publié le 30 janvier 2010

Comme notre journal vous en a informé dans sa précédente édition, 6 de nos compagnons anarchosyndicalistes sont prisonniers, dans les geôles du pouvoir serbe depuis le 4 septembre 2009. Après un premier mois d’enfermement, les accusations portées contre eux (et leur qualification juridique) ont été maintenues. Ils sont donc toujours détenus, à ce que nous en savons pour l’heure, dans un lieu tenu rigoureusement secret. Nos compagnons sont emprisonnés sous l’accusation de terrorisme international suite à des dégradations qu’ils auraient commis et qui sont des actes, somme toutes très futiles, qu’ils ont, par ailleurs, farouchement nié. La réalité de la répression qu’ils subissent a d’autres fondements. Les faits qui leur sont reprochés, sans preuves, et les mesures répressives disproportionnées, dont ils font l’objet, prouvent qu’il s’agit d’un prétexte.

Ceci illustre, parfaitement, l’arbitraire de la répression et du pouvoir. Nos 6 compagnons sont, en réalité, emprisonnés pour leurs idées, et pour leurs activités révolutionnaires qui n’ont rien à voir, ni avec le vandalisme, ni avec le terrorisme. Il est clair que ce sont des prisonniers politiques. Évidemment, cet emprisonnement sous des accusations de terrorisme cherche à valoriser, une image de violence qui serait intimement liée aux idées révolutionnaires. Ceci, bien sûr, afin de faire rejeter par la population le militant révolutionnaire du concept de lutte politique, en le cantonnant à un rôle d’assassin potentiellement dangereux. L’injustice subie par nos compagnons est l’expression, une fois de plus, de la violence du pouvoir. Un pouvoir, qui, sur ce plan bat des records.

En novembre 1999, se tenait à Toulouse une assemblée plénière de l’Association Internationale des Travailleurs, avec parmi les délégations anarchosyndicalistes venues du monde entier des militants Croates et Serbes. Nous mesurions alors à leur contact combien la situation était désastreuse pour la population des Balkans. Après l’effondrement du régime "communiste" hérité de Tito, au début des années 90, Milosevic a été propulsé à la tête du pouvoir par une vague puissante et populaire de nationalisme serbe. Parallèlement, dans les autres républiques de l’ex-Yougoslavie, sont apparus des leaders nationalistes. Grâce au soutien massif apporté par les pays occidentaux aux différents protagonistes, la guerre a embrasé la Yougoslavie. C’était l’époque de l’épuration ethnique et des bombardements démocratiques. De terribles sanctions économiques ont été imposées au pays (en fait à sa population). On peut dire, pour être concis, que le résultat de la guerre a été un appauvrissement massif de la population , une suppression totale des droits de l’homme "de base" (pas de liberté de parole par exemple) et un Milosevic alors toujours au pouvoir. Les bombardements n’ont pas affecté sa clique, ils ont par contre touché de plein fouet la population : les lieux de travail ont été détruits, les hôpitaux et les écoles ont été bombardés et le nationalisme, qui était en train de diminuer, a explosé pour atteindre des niveaux records.

Finalement le 5 octobre 2000, c’est un soulèvement populaire qui chasse Milosevic du pouvoir. Les compagnons de Belgrade, qui entre temps avaient fondé un groupe anarchosyndicaliste, participèrent activement à ce mouvement.

Dès le départ, toute la Serbie était paralysée. Les ouvriers dans la plupart des entreprises publiques avaient cessé le travail, les étudiants et les lycéens s’étaient joints à eux. De plus en plus d’entreprises rejoignaient le mouvement. La Serbie était proche d’un arrêt total de son activité. Belgrade fut bloquée pendant plusieurs heures par des barricades et autres barrages faits de bus et de tramways. Le quatrième jour fut fatal pour Milosevic. Plus de deux millions de personnes étaient dans les rues de Belgrade ce jour-là. En début d’après-midi, la manifestation s’ébranla. Soudain, dans l’une des grandes artères du centre ville, un bulldozer fit son apparition. Il était clair que quelque chose d’énorme allait avoir lieu. L’engin de chantier avait été apporté par les habitants de Cacak, un militant anarchosyndicaliste était au commandes du bulldozer. A partir de là, la manifestation prit encore plus de force. Arrivés devant le parlement, les gens y sont entrés par la force bulldozer en tête et ont commencé à y mettre le feu.

A l’époque, 70 % environ de l’économie est encore nationalisée, mais la période voit une accélération du processus de privatisations, privatisations qui se traduisent par des licenciements massifs. Dans les entreprises qui ont déjà été privatisées, de nombreux ouvriers, licenciés, se suicident, d’où le slogan des anarchosyndicalistes serbes : « Les privatisations, c’est le vol et le meurtre ! ».

Une fois le régime de Milosevic déposé, alors que la plupart des anciens opposants baissaient les bras pour se ruer sur les nouvelles places de pouvoir ainsi libérées, les compagnons de Belgrade ont continué leur combat. Car ce qu’ils visent, au même titre que les autres membres de l’Association Internationale des Travailleurs qu’entre temps ils ont rejoint, c’est la libération pleine et entière de l’humanité. Ils ont donc continué à dénoncer la domination et l’exploitation qui continue de sévir sous les masques des nouveaux maîtres de la Serbie. Ce qui leur a valu l’honneur de continuer à connaître la répression. Les régimes changent, la police non.

Si, dans des salons militants de Paris ou d’autres villes occidentales, certains "révolutionnaires", voire des "anarchistes" se félicitaient de "la guerre anti-fasciste menée par l’OTAN contre Milosevic", exigeaient "des armes pour la Bosnie" (comme s’il n’y avait pas déjà eu bien assez d’armes dans cette région du monde !) ou soutenaient l’UCK, les compagnons Serbes ont toujours été et restent sur des positions clairement anationalistes et ils ont continué de travailler en étroite collaboration avec des anarchistes de toute la région des Balkans.

Dès mai 2001, par exemple, ils ont organisé, avec le soutien de l’AIT et de la CNT-AIT française une rencontre à laquelle ont participé une centaine de militants venus de toutes les républiques de l’ex-Yougoslavie. Cette rencontre anarchiste fut la première dans cette région après celle qui avait eu lieu en 1990, avant que toutes les guerres des Balkans ne débutent... À part deux rencontres anarcho-punks, il n’y a pas eu de rencontre en chair et en os entre des anarchistes d’Ex-Yougoslavie depuis. Donc d’une certaine façon, ce fut une rencontre historique. Elle a eu lieu au village écologique de "Zelenkovac" en Bosnie. Il y avait des gens de Slovénie, de Croatie, de Bosnie et d’Herzégo-vine, de Macédoine et de ce qu’il restait de la Yougoslavie (la Serbie et le Monténégro). C’était pour tous ces compagnons anarchistes non seulement un grand événement politique mais également un grand moment d’émotion. Ils avaient les mêmes idées sur les problèmes, non seulement dans le monde, mais aussi dans les pays où ils vivent. Le réseau n’a pas cessé de s’étendre depuis avec la Grèce, la Pologne, la Turquie, etc. Et ils ont aussi rejoint depuis l’AIT.

Bien sûr, depuis 10 ans, nos compagnons ont régulièrement fait l’objet de menaces et d’intimidations physiques, autant par les groupes paramilitaires nationalistes que par la police (qui bien souvent sont d’ailleurs les mêmes). Il ont été arrêté, interrogés et détenus. Il faut dire que certaines vieilles habitudes ont la vie dure. Mais depuis deux ans, la répression se fait plus pressante, plus incisive, plus brutale. C’est la période depuis laquelle le gouvernement à lancé une politique d’attaque frontale contre le monde du travail, pour aligner la Serbie sur les critères économiques de l’Union Européenne. Plutôt que de s’en prendre aux profiteurs de guerre, c’est aux simples travailleurs, considérés comme des variables d’ajustement, qu’on demande de faire une fois de plus tous les sacrifices, à coup de licenciements massifs et d’enfoncement dans la misère. Sans surprise les syndicats classiques disent au travailleurs de se résigner et d’accepter leur sort, au nom de la soi-disant rationalité de l’économie. Ils s’agirait de mesures nécessaires pour que l’économie aille mieux. Tout ne passe pas comme une lettre à la poste. Lors du traditionnel Premier mai, en 2008, des travailleurs de Belgrade ont commencé à dire qu’ils ne marchaient plus. Ils ont chassé de la manifestation le ministre du travail (et des privatisations), pendant que les chefs syndicaux exhortaient les manifestants à ne pas suivre le mauvais exemple des anarchosyndicalistes.

Alors que la situation avec la crise devient plus dure, les scènes de désespoir se durcissent également. Ainsi certains travailleurs se sont coupés les doigts avant de les manger pour protester contre leurs licenciements. Mais tous ne sombrent pas dans l’auto-destruction. Dans ces conditions, face à la trahison évidente des syndicats et des partis politiques, l’anarchosyndicalisme représente une alternative crédible et radicale dans le sens où il s’attaque aux racines des problèmes que sont l’État et le Capitalisme. Le quotidien serbe DANAS ne s’y trompe pas, qui a titré récemment que la Serbie devenait un terrain fertile pour le développement de l’anarchosyndicalisme.

C’est dans ce contexte que le 25 août dernier, un graffiti, un A cerclé plus précisément, a été peint sur le mur de l’ambassade de Grèce à Belgrade. Deux bouteilles incendiaires ont été également lancées sur ce bâtiment, sans qu’elles ne fonctionnent, fêlant tout au plus une fenêtre. Ce qui tient lieu de justice en Serbie a immédiatement décrété qu’il s’agissait là d’un acte terroriste. Et vu qu’il s’agit d’une représentation diplomatique, l’épithète international a été rajouté pour faire bonne mesure. Comme il fallait trouver rapidement des coupables, nos amis qui se revendiquent révolutionnaires et affirment au grand jour, sans se masquer, leurs convictions anarchistes ont fait l’affaire.

Ainsi, depuis le 4 septembre dernier, bien que rejetant tout lien avec cette action (dont la méthode leur est étrangère) et avec le groupe qui l’aurait revendiqué, 5 militants sont retenus en otage par la police et la justice de l’État Serbe : Tadej, Ivan, Sanja, Ratibor et Nikola. Un sixième, se prénommant également Ivan sera arrêté quelques jours plus tard. Ils sont gardés au secret, toute communication avec l’extérieur leur est interdite, et aucune information n’est donné sur leur état présent, ni sur ce qui va leur advenir. Ils risquent aujourd’hui jusqu’à 15 ans de prison pour un acte qui n’a rien détruit, n’a blessé personne (si ce n’est l’amour propre de l’ambassadeur de Grèce) et que de plus ils n’ont pas commis !

Ne serait-ce la peine de prison que risquent nos compagnons, cette histoire serait proprement ridicule. Surtout si on la compare avec l’histoire récente des Balkans !

Depuis leur arrestation début septembre un certain nombre de rassemblements de solidarité, de manifestations de soutien, de concerts et de campagnes d’affichage se sont multipliés à travers le monde ces 3 derniers mois : à Belgrade, Bratislava, Varsovie, Lisbonne, Prague, Vienne, Londre, Sydney, Zagreb, Moscou, Kiev, Thessalonique, Athènes, Hambourg, Denver, Sofia, Berlin, Lyon, Skopje, Budapest, Madrid, Oslo, Berne, St-Petersbourg, Ljubjana, Trieste, Paris, Ankara,, Grenade, New York, Toulouse...

À Toulouse justement où dans les semaines qui viennent, le 3 décembre précisément, l’équipe des Partizants de Belgrade rencontrera en match retour le Toulouse Football Club au stadium.
Les évènements tragiques et criminels qui ont lieu en marge du match aller à Belgrade sont encore dans toutes les mémoires. Cette rencontre sportive sera sous les projecteurs des média internationaux et attirera particulièrement l’attention des diplomaties serbe et française.

Aussi nous appelons, en dépit de l’atmosphère de terreur policière qui ne manquera de peser sur la ville ce jour-là, nous appelons les gens d’ici de bonne volonté, qu’ils soient supporter ou pas d’ailleurs du TFC, à fraterniser avec les supporter serbes qui auront fait le déplacement. À fraterniser et à les informer sur la situation de leur six compatriotes, à réclamer leur libération.

Car en effet l’histoire récente de la Serbie et l’activité infatigable de nos compagnons le montre : fort heureusement tous les serbes ne sont pas intoxiqués par les mensonges nationalistes et à la propagande fasciste. Bien au contraire, à l’image de l’immense majorité de l’humanité ils n’aspirent qu’à vivre libre et dignement, là où ils sont, là où ils travaillent, là où ils rêvent, là où ils s’aiment ! De plus l’esprit d’octobre 2000 est encore vivace dans la population serbe. C’est à cet esprit qu’il convient de faire appel par la solidarité.
Vasili

ACTIONS SOLIDAIRES OCCUPATION ECLAIR DU CENTRE SERBE DE PARIS

Samedi 17 octobre, à 14 heures pétantes, une dizaine de compagnons de la CNT-AIT ont occupé le Centre culturel de Serbie de Paris, situé sur le parvis de Beaubourg. Ce samedi, une banderole où l’on pouvait lire « A Paris comme en Serbie, Etat = terroriste, liberté pour les anarchosyndicalistes » a été déployée devant la porte d’entrée du Centre Culturel serbe, tandis que des compagnons rentraient à l’intérieur contre l’avis du vigile de service. Après avoir éteint les caméras de surveillance, des slogans ont été criés dans le hall du bâtiment garni de tableaux accrochés au mur. (l’un d’eux représentait Mussolini : une allusion à la situation en Serbie aujourd’hui ?). Avec l’arrivée rapide de la maréchaussée, les compagnons ont décidé de quitter les lieux librement, l’objectif d’envoyer un signal aux autorités serbes étant atteint. Les compagnons de la CNT-AIT se sont ensuite rendus à l’occupation du KFC des Halles non loin de là par des travailleurs sans papiers, exprimant leur solidarité avec tous ceux en lutte contre l’exploitation et pour la liberté.

Un rassemblement a été organisé également par la CNT-AIT à Lyon ainsi qu’un meeting, le 21 novembre à Toulouse après une importante campagne explicative locale. D’autres actions suivront.

BRICE, VICTIME DU NATIONALISME

Le nationalisme serbe, Brice Taton, supporter du Toulouse Football Club, l’a rencontré de plein fouet. Il a été assassiné alors qu’il allait tout simplement voir jouer son équipe à Belgrade. Il a payé de sa vie sa rencontre avec le nationalisme. Entre la répression des appareils d’Etat et celle des sbires nationalistes qui servent cet Etat, il n’y a aucune différence. L’origine est toujours la même  : ce que subissent les 6 de Belgrade et l’assassinat de Brice découlent de l’activité et de l’influence de la même idéologie criminelle.

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