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TRAFIC D’ENFANTS AUX USA

Publié le 6 mars 2009

Deux juges de Pennsylvanie ont envoyé des centaines d’enfants et d’adolescents en prison entre 2000 et 2007, non pas pour des prunes (même si ces enfants n’avaient rien fait) mais pour l’énorme somme de 2,6 millions de dollars. Ces pots-de-vin étaient versés par les deux entreprises gérant des prisons privées pour enfants de leur comté. Les juges, Mark Ciavarella et Michael Cohahan, c’est leur nom, ont tous deux plaidé coupables et reconnu avoir "conclu un accord pour garantir la fourniture (!) de jeunes délinquants" auprès d’une société privée d’exploitation de prisons, PA Child Care (Pittston, Pennsylvanie) et de sa société jumelle, Western PA Child Care.

En décembre 2002, les deux juges du comté de Luzerne en Pennsylvanie, faisant preuve d’un bel humanisme demandent et obtiennent la fermeture du centre de détention juvénile de leur comté, au motif qu’il était trop vétuste. Et là, les choses se mettent en place vite fait bien fait : deux prisons privées ouvrent. A partir de 2003, lorsqu’un jeune est condamné, il est envoyé "dans le privé". Et, chaque fois qu’un de ces défenseurs de la morale et de la société envoyait un jeune dans ces centres, l’entreprise gestionnaire de l’établissement recevait des fonds de la part du comté (pour couvrir les frais d’incarcération), plus ce qu’était obligé de payer la famille. Quant au juge, il n’était pas oublié et il recevait sa “ristourne”. Autrement dit, plus le nombre d’enfants incarcérés était grand, plus les rentrées des entreprises et les pots-de-vin reversés aux juges augmentaient. Pour assurer une bonne rentabilité, les deux juges n’y allaient pas de main morte : un chahut de cour d’école, trois mois de taule. Un chapardage de quatre euros, neuf mois ferme. Et le reste à l’avenant.

Au total, les deux juges ont déclaré "coupables" plus de 5.000 adolescents de 13 à 18 ans et envoyé en prison plus de 2000 d’entre eux. Un vrai trafic d’enfants qui a permis aux propriétaires de PA Child Care d’encaisser 58 millions de dollars. L’un des deux hommes qui leur remettaient les pots-de-vin, Robert Powell, est copropriétaire des deux centres en question. Les deux centres appartiennent aussi à un certain Greg Zappala, dont le frère, Stephen, est le président de la Cour (attorney) du comté voisin d’Allegheny... Que du beau linge. Bien que ce dernier, à l’instar des deux juges condamnés, envoie aussi des jeunes dans les prisons appartenant à son frère, il a jusqu’à présent démenti avoir le moindre "conflit d’intérêt". Est-on vraiment obligé de le croire ?

En reconnaissant leur culpabilité, les deux juges restent en liberté en échange d’une caution d’un million de dollars (moins de la moitié des pots-de-vin perçus). Pendant que ces salopards sont en liberté, les jeunes restent en prison, entre les mains des gestionnaires corrupteurs. C’est la justice rendue sur les terres du capitalisme : tu mets des enfants en taule sans autre raison que de toucher une prime illégale, mais tu fais partie des puissants, tu restes donc libre et tu auras droit à un "procès équitable" (éventuellement, "arrangé") ; tu as 13 ans, tu viens d’un milieu très modeste, alors tu restes en taule pour avoir dérobé un flacon de muscade à 4 dollars (9 mois de prison, par exemple).

Au delà des deux juges, comment ne pas souligner que, pour que cet écoeurant traffic d’enfant puisse s’épanouir à une telle échelle et pendant tant d’années, il faillait de solides complicités ? A qui fera-t-on croire que les procureurs, les flics, le personnel du tribunal, les personnels pénitentiaire bref, les centaines de personnes qui font tourner la machine juridico-policière du comté n’ont rien vu ? Comment, non plus, ne pas constater que "Quand on construit des prisons, c’est pour les remplir", et encore plus cynique que, "S’il n’y a pas de assez de "délinquants" : on les fabrique". Et comment ne pas penser à la situation française : d’une part les privatisations qui transforment les détenus en “marché”, d’autre part la volonté de politiques, comme ceux de la commission Varinard, lourdement appuyée par l’ex-ministre des sceaux Rachida Dati, d’avoir le droit de jeter en prison des enfants de 12 ans. Comme le reconnaissent eux-mêmes les juges Mark Ciavarella et Michael Cohahan, "les jeunes étaient des cibles faciles". Et, les prendre dès 12 ans, ça facilite encore plus le “travail”.

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