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La viande de culture cellulaire et le futur de l’alimentation

Publié le 18 décembre 2020

Qu’on l’appelle viande synthétique, viande artificielle ou viande in-vitro, la viande de culture cellulaire fait beaucoup parler d’elle, y compris en milieu militant. Nous avons interrogé un compagnon qui travaille dans un secteur connexe, pour mieux comprendre de quoi il s’agit ainsi que les implications politiques et sociétales.

Peux tu te présenter ?

Je suis ingénieur de production dans une entreprise pharmaceutique, spécialisée dans la production de vaccins. Je pilote des bioréacteurs, la technologie utilisée pour les cultures cellulaires, et à ce titre ma boite a été amené à travailler en sous traitance pour une start-up qui cherche à développer la viande de culture.

Qu’est ce que la viande de culture ?

C’est un produit carné réalisé par des techniques d’ingénierie tissulaire qui se passent ainsi de l’abattage d’animaux. Il y a plusieurs méthodes qui peuvent être utilisées, mais elles consistent toutes à utiliser technique de la culture cellulaire.

Est-ce que la viande cellulaire ressemble à la viande animale ?

Les premières recherches s’orientaient vers la recréation in vitro de viande, avec toutes ses composantes (muscles, gras et tissus conjonctifs). Mais c’était très compliqué à produire et surtout très cher ! Aujourd’hui, le produit recherché est beaucoup plus simple : il s’agit de produire une sorte de « pâte protéique », un peu comme celle qui sert à fabriquer les saucisses knackis ou les hachés industriels (le minerai). L’avantage de cette pâte est qu’elle peut être formée et moulée à volonté, on peut l’aromatiser, mettre des colorants, bref pour un industriel c’est un produit très facile à utiliser et qui ouvre des grandes perspectives en terme de marketing.

Est-ce que tu en as déjà gouté.

Oui, nous avions travaillé pour une start-up adossée à notre groupe, qui voulait utiliser notre bioréacteur pour faire des lots tests. Nous avons produits de la pâte de cellules de poulet, et ça avait effectivement un léger goût de saucisse au poulet.

Comment ça marche ?

On part en général de cellules souches de muscles, et on les faits se multiplier dans une enceinte hermétique (bio réacteur) où tous les paramètres sont contrôlés (température, pH, etc …). Pour croitre, les cellules se nourrissent d’un substrat, en général un sérum qui contient tous les éléments nutritifs nécessaires. Et pour éviter toute éventuelle prolifération bactérienne en cas de contamination (les bactéries rafolent aussi du substrat !) on ajoute aussi des antibiotiques. Ce n’est pas un produit « neutre » en terme de méthode de production … Aujourd’hui la technique est maitrisée, mais il reste à l’industrialiser pour faire chuter les coûts de production à un niveau « abordable ».

Justement l’industrialisation comment cela va se faire ?

Ce qu’il faut comprendre c’est que ce genre de technique exige des équipements de haute technologie, qui nécessitent une formation et une technicité poussée pour leur mise en œuvre. De plus, le procédé requiert des règle d’hygiène et d’asepsie rigoureuses, quasi pharmaceutique, donc ce n’est pas le genre de production que vous pouvez faire dans votre arrière cuisine, ce n’est possible que dans une enceinte industrielle. D’autant plus que la technique nécessite des flux (énergie, eau filtrée, …) conséquents, là encore pas à la portée du simple citoyen ou consommateur.

Cela a une conséquence politique évidente : avec cette alimentation artificielle, c’est la fin de la possibilité d’une autonomie alimentaire en protéine. Quand on élève un animal, ou qu’on le pêche ou le chasse, il n’est pas forcément nécessaire d’avoir une grande technicité pour survivre, c’est à la portée du premier humain venu, et ce depuis la nuit des temps. Il est assez facile par exemple d’avoir quelques poulets qui pondent des oeufs, la meilleure des protéines qui soit en terme nutritionnel et qui se conserve sans frigo ! Pendant la guerre, mes grands-parents ont survécu grâce à des lapins qu’ils élevaient dans leur buffet, en les nourrissant avec de l’herbe ramassée au bord des chemins. Avec la viande de culture, tout cela ne sera plus possible. Or le Covid est venu nous rappeler à quel point l’alimentation est essentielle, c’est la base de la vie. Qui détient l’alimentation détient le pouvoir … Si on hôte aux individus et aux collectivités la capacité d’une alimentation autonome, on les aliène totalement. La viande artificielle s’inclus dans le projet du transhumanisme, qui prétend résoudre les problèmes de l’Humanité par la technoscience, mais qui préfigure surtout un totalitarisme absolu.

Est-ce que tu penses que cette viande de culture sera bientôt présente sur le marché ?

C’est le rêve de tous ceux – investisseurs ou grandes entreprises de l’agrobusiness - qui y ont déjà investis des dizaines de millions d’euros ou de dollars, et qui entend bien faire un max de profit ! Pour le moment, ils ont besoin de créer la demande des consommateurs. Pour cela, ils subventionnent plus ou moins directement les associations antispécistes – L214 en tête – car elles favorisent l’émergence de la demande, elles créent le marché. J’ai assisté au Comité Stratégique de la Start Up qui faisait son essai dans notre laboratoire : le patron se réjouissait du développement de la mode végan, car cela profite à son entreprise, déjà en crédibilisant son business-plan auprès des investisseurs toujours plus nombreux, qui étaient ainsi confortés dans leur décision d’investissement. Derrière la viande de culture et le soit disant « antispécisme » il y a surtout de gros enjeux financiers.

A priori la stratégie dans un premier temps n’est pas d’en faire un produit de base mais au contraire d’en faire un produit « de luxe », qui ne sera disponible que dans certains points de vente sélectionnés, avec un discours de vente déjà bien rodé sur le respect des animaux et de la nature. (même si dans la réalité, les investisseurs et la direction de l’entreprise n’en ont vraiment rien à faire !). Avec la mode actuelle des « burgers de luxe » dans les restaurants branchés, cette phase commerciale devrait se faire sans trop de difficulté. Une fois que le produit aura été lancé, ils espèrent que par effet de mode tout le monde en voudra, et avec le temps les coûts de production diminueront permettant d’en faire un produit de masse (une commodité). C’est assez classique en fait.

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