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Les joyeux bricoleurs de climat

Publié le 16 mai 2020

Géo-ingéniérie : arrivée prochaine sur la scène planétaire des joyeux bricoleurs de climat (en fond sonore : ay hi, ay ho on va se mettre au boulot ; cf Blanche Neige et les 7 nains)

Notre planète surchauffe, nos forêts brûlent, nos glaciers fondent et nos océans ont une fâcheuse tendance à monter ; ne flippez plus, cessez de vous angoisser ! Ayez le bon réflexe, appelez vite « Géo-engéniering group », des professionnels de la réparation climatique, des génies du bricolage atmosphérique, qui sont capables en un rien de temps de vous refroidir une planète qui part en sucette. N’attendez plus, nous avons la solution à tous vos problèmes, la réponse à vos attentes les plus désespérées : la géo-ingénierie apporte des solutions extrêmement audacieuses à des situations d’une rare complexité, contactez nous dans une de nos agences ! (Dans un souci de totale transparence, nous informons gracieusement notre aimable clientèle que nous n’avons pas de service après-vente). Voilà le genre de message publicitaire auquel, dans un avenir plus ou moins proche, il sera difficile d’échapper.

Plus sérieusement qu’est-ce donc que la géo-ingénierie ?

Penchons-nous d’abord sur l’étymologie du terme : géo vient du grec Gé qui signifie Terre, et « ingéniering », mot anglais qu’on peut traduire par « conception globale d’un projet ». En 2014 l’ANR (agence nationale de la recherche) tente une définition : « la géo-ingénierie de l’environnement correspond à l’ensemble des techniques et pratiques (mises en œuvre ou projetées) dans une visée corrective à grande échelle d’effets de la pression anthropique (humaine : note du rédacteur) sur l’environnement ».

Comme cette définition brille surtout par son manque de clarté, on peut en risquer une autre : « la géo-ingénierie correspond à l’ensemble des techniques (mises en œuvre ou projetées) pour tenter de réparer à l’échelle planétaire, les dégâts occasionnés par l’exploitation dévastatrice du capitalisme : ces projets visent notamment à essayer de réparer le climat... ». Autrement dit sans détour et sans complexes, nos inventifs géo-ingénieurs se présentent comme des super plombiers-chauffagistes de la planète, persuadés de pouvoir bricoler, bidouiller un écosystème d’une infinie complexité. Or, on le sait maintenant toute intervention sur un secteur particulier entraîne nécessairement des répercussions en chaîne, très difficilement prévisibles sur tout l’ensemble, comme en témoigne amplement la situation chaotique que nous connaissons.

Mais voyons un peu les astucieuses propositions de nos amis bricoleurs de climat qui s’appuient toutes sur une constatation dont le bon-sens n’échappera à personne : « Si ça chauffe de trop, ben y-à qu’à refroidir, tiens patate ! ». Une fois ce constat dûment établi, les très créatifs plombiers chauffagistes de la planète, se divisent, divergent en deux écoles, d’une part ceux qui voudraient limiter le rayonnement solaire, d’autre part ceux qui voudraient capturer le CO2 , pour limiter les effets de serre. En aucun cas la géo-ingénierie ne se pose la question du « pourquoi » du réchauffement, la géo-ingénierie n’est pas là pour réfléchir aux causes du « mal », son job c’est d’y remédier, sa mission s’attaquer aux symptômes, aux effets et trouver des solutions efficaces, rapides (le temps est limité, le compte à rebours à commencé).

Les tenants de la limitation du rayonnement solaire ont eu une idée de génie : observant que lors d’une éruption volcanique de grande ampleur, des nuages se formaient et voilaient le soleil entraînant une légère chute des températures, ils ont théorisait qu’il serait possible de reproduire artificiellement ce voile, cet écran anti-solaire, en diffusant dans la haute atmosphère des aérosols soufrés en quantité énorme autour de la planète. Le prix Nobel de chimie Paul Crutzen évalue à cinq millions de tonnes par an la quantité de soufre nécessaire pour bloquer environ trois pour cent du rayonnement solaire. Techniquement parlant cette solution serait réalisable : des avions militaires disperseraient ces aérosols soufrés à très haute altitude (bien sûr cela nécessiterait quelques millions de vols). La mise en œuvre offrirait en outre l’avantage d’être « relativement peu coûteuse » (entre un et trois milliards de dollars par an). Ce faible coût séduit bien évidemment notre bien aimée oligarchie mondiale toujours très soucieuse de l’état de son porte-monnaie, les marchands de soufre quant à eux rêvent déjà du pactole qu’ils pourraient se constituer…

Les « inconvénients » liés à la mise en œuvre de cette option n’ont pas fait l’objet d’études très poussées. On peut en lister néanmoins quelques uns ; le premier et non le moindre étant que cette expérimentation ne peut être tentée qu’à très grande échelle ; si des effets secondaires « gênants » venaient à se manifester, un retour en arrière ne serait pas possible…

Des scientifiques grincheux se sont émus du devenir de tous ces aérosols soufrés : est-ce qu’ils n’allaient pas contribuer à altérer la coche d’ozone ? Est-ce que tout ce soufre répandu ne finirait pas par nous retomber sur la figure ? Est-ce que cet obscurcissement artificiel n’allait pas perturber gravement le régime des précipitations sur une bonne partie de la Terre ? Est-ce que la photosynthèse des plantes n’allait pas être gravement perturbée entraînant un risque possible de grave crise alimentaire ? Des espèces de poètes enfin se sont souciés de la possible disparition du ciel bleu (il faut toujours qu’il y ait des rabats-joie, je vous jure !). Certains enquiquineurs ont même émis l’hypothèse que les innombrables heures de vol nécessaires pour épandre les particules soufrées pourraient par ailleurs contribuer à l’augmentation de CO2 . La géo ingénierie ne s’abaissera pas à répondre à ces sortes d’objection.

Les partisans de la gestion du rayonnement solaire ont aussi d’autres projets dans leurs cartons, notamment celui de l’astronome américain Roger Angel (université de l’Arizona) qui propose de déployer un « bouclier solaire » de taille gigantesque, constitué de milliards de petits écrans transparents, qui permettraient de réduire le flux lumineux en déviant la trajectoire des rayons. Les inconvénients de cette méthode sont pour l’instant restés dans l’ombre.

La deuxième école de pensée géo ingénierique s’intéresse quant à elle à la « capture du carbone » et a donc imaginé pour ce faire un moyen très astucieux : saturer les océans de poussière de fer de manière à favoriser la croissance du phytoplancton marin (il fournit la moitié de l’oxygène de la planète) et transformer ainsi les mers du globe en véritables éponges à carbone. Cet ensemencement en fer aurait pour conséquence d’accroître l’acidification des océans, déjà largement en cours. Afin de remédier à cette acidification, nos décidément ingénieux géo-ingénieurs (ah, c’est qu’ils en ont dans la tronche !) ont tout de suite imaginé la parade : déverser en plus du fer, d’énormes quantités de chaux dans les eaux marines pour neutraliser le processus ! Sans être un écologue émérite, chacun peut imaginer la joie frétillante qui saisirait les poissons et autres habitants des mers confrontés à ces déversements massifs de fer et de chaux !

Malgré son caractère sidérant, cette solution a déjà donné lieu à au moins deux expérimentations : l’une en 2009 sur une zone de 900km2 dans l’océan Austral et l’autre en 2011 dans l’océan Pacifique où un bateau a largué plus de 400 tonnes de poussière de fer sur une surface de 10 000 km2. Ces deux expériences se sont soldées par des échecs.

Le recours à des solutions géo ingénieriques pour combattre le réchauffement climatique soulève évidemment toute une série de questions. Bien sûr c’est d’abord le principe même de la géo ingénierie qui est totalement pernicieux : la voracité frénétique du capitalisme a très sérieusement altéré sur la planète tous les écosystèmes. La géo ingénierie en proposant des méthodes faussement réparatrices continue dans le droit fil de l’idéologie pseudo logique du capitalisme à apporter des réponses « inappropriées », d’une extrême dangerosité dans l’unique but de prolonger artificiellement un système économique à bout de souffle. Pour combattre les effets dévastateurs de la sur industrialisation, employons donc des méthodes super-macro-industrielles et tout ira pour le mieux. Les recettes quasi-patissières de la géo ingénierie (saupoudrez une bonne quantité de souffre
puis versez dans les eaux en quantité égale sulfate de fer et chaux, mélangez énergiquement et vous obtiendrez un climat parfait) témoignent de la vision étroitement scientiste et mécaniste qui inspire ces apprentis sorciers.

Outre le principe même de la géo ingénierie dont la folle dangerosité semble évidente, son éventuelle mise en œuvre pose une question éminemment politique : qui prendra la décision de recourir à ces méthodes ? Il y a fort à parier que les oligarchies mondiales ne consulteraient pas les populations de la Terre pour enclencher tel ou tel processus, et par ailleurs, les conflits d’intérêts entre états étant ce qu’ils sont, on peut supposer qu’il n’y aurait aucun accord mondial pour décider de la méthode à mettre en œuvre. Dés lors, chaque état resterait libre de mettre en œuvre sa méthode particulière pour refroidir « son climat », ce qui augmenterait considérablement les risques de conflit (un état pouvant gêner considérablement ses voisins en les privant de pluie par exemple).
Toutes ces questions restent donc en suspens ainsi évidemment que la principale : existe-t-il une chance que ces méthodes délirantes, aux limites de la science fiction et du cauchemar, puissent-être employées un jour ?

On peut considérer que la géo ingénierie constitue le plan B du capitalisme au cas (fort probable) où la fameuse « transition énergétique » tarderait à se concrétiser (on sait que les capitalistes extractivistes ne renonceront jamais aux fortunes qu’ils pourraient amasser en pompant jusqu’aux dernières gouttes de pétrole). Le compte à rebours ayant commencé, la planète se réchauffant inexorablement, la tentation du système de recourir à des mesures ultimes et spectaculaires est donc réelle. Si le réchauffement climatique (entre autres) apparaît clairement à beaucoup comme la preuve de l’échec du capitalisme, le recours à une solution géo ingénierique démontrerait sa toute puissance et sa capacité à résoudre les problèmes même les plus insolubles.

Qui se cache derrière le lobby de la géo ingénierie ? Des milliardaires comme Bill Gates, Richard Branson, le canadien N. Murrau Edwards (qui a fait fortune dans les sables bitumineux de l’Alberta) la Royal Dutch Shell financent à coup de millions de dollars les recherches sur le sujet. Les militaires de partout et d’ailleurs sont aussi extrêmement intéressés par la possibilité de créer des armes météorologiques. Le personnel politique mondial enfin, dont on peut mesurer tous les jours la faramineuse intelligence, ne reste pas insensible aux arguments de nos joyeux bricoleurs de climat.

Après les manipulations microcosmiques (nano-particules, .G.M. ….) après les recherches trans-humanistes visant à augmenter l’être humain en le « cyborgisant », voici venir le temps du bidouillage macrocosmique et de la réparation du climat : c’est un pas de plus vers l’artificialisation du vivant, du monde, un pas de plus vers le contrôle total de la planète et de ses habitants.
Pour arrêter ce processus cauchemardesque : une seule solution ; la Révolution.

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