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La modernité

Publié le 25 novembre 2018

Pendant très longtemps, des barrières d’octroi étaient installées aux portes des cités. Pour rentrer dans la ville, les voyageurs devaient acquitter une taxe qu’ils payaient à une sorte de guichetier. La république, bon enfant pour faciliter le commerce supprima cet usage. Cette suppression contentait tout le monde, c’était un progrès, c’était moderne.

Dans les années 60, l’état français lança un programme de construction d’autoroutes. Pour financer la chose, très vite il fut décidé d’installer des péages. A chaque sortie d’autoroute des guichetiers ont été installés pour prélever cette taxe. Les automobilistes râlèrent bien un peu, mais au moins pensaient-ils « ça fait des chômeurs en moins ».

Il y a quelques années, l’État pour régler ses problèmes de fin de mois décida de vendre ses autoroutes. Pressé ou distrait, on ne sait, il les brada à un prix largement inférieur à leur valeur réelle. Les acquéreurs remboursèrent très vite leur investissement et depuis ils se gavent.

En bons gestionnaires, les nouveaux propriétaires entreprirent très vite de moderniser leur entreprise. Ils ne supprimèrent pas les péages, non, ils se contentèrent de supprimer les guichetiers : maintenant l’argent est prélevé directement par des machines. Sans doute pour payer les machines, le prix des péages a augmenté : c’est à ce genre de détail que l’on voit la supériorité du privé sur le public.

A propos de public, jusqu’à il y a peu, dans ma ville la collecte des ordures était assurée par la municipalité. C’était simple, on mettait les ordures dans une poubelle, la poubelle sur le trottoir et les employés municipaux se chargeaient de leur transport, leur tri, leur destruction ou leur recyclage. Ce service a été vendu à une multinationale . En bon gestionnaire, elle a très vite entrepris de moderniser cette collecte : des grands containers enterrés ont été installés en plusieurs endroits et les citoyens doivent, maintenant y vider leurs ordures. Il y a plusieurs containers, un pour le verre, un pour le papier, un pour les non recyclables et même (mais celui-là n’est pas obligatoire) un pour les déchets compostables .

C’est parfois un peu compliqué, pas plus tard que hier, j’ai vu un vieux monsieur se faire réprimander par un voisin. « Si j’avais été un policier municipal, je vous aurais mis une amende » lui a-t-il dit. Donc maintenant, non seulement on doit amener ses ordures au container, les trier, payer une taxe sur l’enlèvement des ordures ménagères qui augmente chaque année et en prime on se fait engueuler !

C’est sans doute ça qu’on appelle la modernisation. Parfois on a envie de respirer un grand coup ; pas trop grand quand même parce qu’il y a plein de particules fines dans l’air… vous savez, ces poussières microscopiques que relâchent les moteurs diesels.

Dans les années 60 ou 70, les constructeurs japonais ont entrepris d’envahir l’Europe avec des petites voitures essence bon marché ; les constructeurs français ont eu très peur et pour les protéger, l’État a très fortement augmenté les taxes sur l’essence. Du coup, les automobilistes se sont rués sur les voitures diesel. La fréquence des maladies respiratoires (cancers, asthme, etc.) et la mortalité conséquence de ces maladies ont beaucoup augmenté, surtout dans les villes.

On ne doit pas oublier les conséquences sur l’environnement, les conséquences économiques (déficit de la sécurité sociale), etc. mais parce que l’état prend soin de nous, parce que notre santé lui tient à cœur, il vient de décider d’augmenter très fortement les taxes sur le diesel. L’état souhaite pour préserver notre santé et pour des raisons écologiques que nous investissions dans des voitures électriques et bon prince il nous octroie une prime à l’achat.

Curieusement, il ne dit pas que les batteries électriques ont une durée de vie limitée ni que notre voiture électrique ne vaudra presque rien quand sa batterie sera morte. Fini les voitures de plus de 10 ans qui roulent toujours et qui font le bonheur des pauvres gens, changer la batterie coûte aussi cher que de changer de voiture. Les constructeurs en rêvaient, l’électrique donne corps à leur rêve.

En fait, toutes ces histoires font rêver les industriels : une voisine qui travaille dans un grand groupe m’a dit que l’histoire précédemment citée des ordures passionnait leur direction et que dans son entreprise, un service travaillait sur le thème suivant : comment amener les consommateurs à payer des services non marchands, inexistants ou produits par eux-mêmes. Pour les capitalistes, c’est le top de la modernité.

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