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VIVRE EN SEINE ST DENIS

Publié le 2 février 2016

La Seine-Saint-Denis fait régulièrement la « une » des journaux pour ses actes de délinquance et la grande pauvreté qui y règne. Mais finalement, peu de gens la connaissent vraiment. Voici quelques informations sur sa situation et son évolution prévisible.

Avec ses 236 km2, le département de Seine-Saint-Denis couvre une toute petite surface, inférieure à celle de la ville de Marseille, par exemple, (241 km2). Il est constitué de petites (en taille) villes comme Saint-Denis, Aubervilliers, Villepinte, Montreuil… qui, pour certaines, ne dépassent pas le kilomètre carré. Le revenu moyen est supérieur à la moyenne française, mais cela cache d’énormes disparités. Ce qui choque, quand on vit ici, c’est l’extrême concentration de la misère.

Les grands ensembles du genre «  Sarcelles », sont assez rares, mais les petites cités y sont très nombreuses, avec une pauvreté extrême et un chômage omniprésent.

Les transports sont particulièrement mal organisés. Comptez souvent une bonne heure pour faire une dizaine de km. Certaines villes (les plus pauvres) peuvent être particulièrement enclavées, avec parfois une heure de transport pour accéder au RER, train de banlieue qui permet de se rendre à Paris et dans le reste de l’Ile de France.

La Seine-Saint-Denis est particulièrement surveillée par l’Etat. Il y expérimente de nouvelles méthodes de maintien de l’ordre qu’il généralise par la suite à l’ensemble du territoire si elles marchent. Il y a inventé, il y a quelques années les BST, brigades spécialisés de terrain. D’après la préfecture, « les Brigades spécialisées de terrain (BST) ont été conçues, dans une logique de mobilité et de proximité, comme un outil opérationnel de lutte contre la délinquance de voie publique et les violences urbaines, mais aussi comme le moyen de créer des liens de proximité renforcés avec les habitants des quartiers concernés par leur déploiement. »

Derrière ce vocabulaire très technocratique se cache une brigade qui fait passer les BAC pour de gentils bisounours. Le dernier fait d’armes des BST a déclenché deux nuits d’émeutes à Pantin. Le 26 décembre, alors que des jeunes étaient tranquillement en train de bavarder en bas d’un immeuble, la BST a déboulé et les a maltraités. En voyant son fils pris à parti par la police, une mère de famille demande à la BST de faire preuve de modération. Mal lui en a pris, elle s’est fait littéralement lyncher par cette brigade, qui a certainement vu là un moyen de « créer des liens de proximité ». La mère de famille a eu 10 jours d’ITT. Son dépôt de plainte n’a pas été accepté à Pantin, elle a dû se rendre à Paris pour pouvoir exercer ce droit. Heureusement pour elle, la scène a été filmée par une habitante des lieux, et la vidéo est explicite.

Ces violences ne sont malheureusement pas exceptionnelles. C’est le quotidien des habitants pauvres du département, qui, en plus de subir la violence de la police, doivent affronter les vexations de l’administration. La Seine-Saint-Denis héberge un très grand nombre d’immigrés qui n’ont pas la nationalité française. Obtenir un titre de séjour est un véritable parcours du combattant semé d’embûches, et dont les règles ne sont connues que de l’État. Souvent la préfecture refuse de reconnaître les dispositifs de formation dans lesquels sont inscrits les étrangers. Et pour cela, tous les prétextes sont bons : demande de certificats de scolarité alors que les établissements sont fermés, demande d’actes de naissance alors que le pays d’origine est en guerre civile, etc. Parfois, quand ces documents sont fournis, ils sont disqualifiés au bon vouloir du fonctionnaire qui s’occupe du migrant.
Tout cela va changer !

L’État et ses valets des collectivités locales sont décidés à ce que cela change. Mais ne nous méprenons pas. Il ne s’agit pas de rendre la vie des pauvres plus facile.

Du fait du prix de l’immobilier dans la capitale, de plus en plus de personnes de la classe moyenne la quittent et viennent s’installer dans le département (prix d’achat bien plus bas). Mais cette nouvelle population a des exigences. Il ne s’agit pas pour elle de vivre avec des miséreux. Les mairies voient là l’opportunité de faire partir les pauvres. Dernier exemple en date, le maire UDI de Saint-Ouen a décidé de diminuer de 43 % à 30 % le quota de logements sociaux de sa ville. Sa méthode  : fusionner l’office public de l’habitat avec un prestataire privé. Ce qui entraînera une hausse de 20 % des loyers concernés. L’opposition théorique du préfet ne fait pas reculer notre édile. Il est bien décidé à faire partir le plus de pauvres possible dans les délais les plus brefs.

Ce qui se passe à Saint-Ouen est représentatif d’une tendance lourde dans le département. La volonté des municipalités de « créer de la mixité sociale » n’est qu’une manière de faire fuir les pauvres toujours plus loin de Paris. Et souvent, contrairement à Saint-Ouen, avec la complicité des services de l’État. La création du Grand Paris, avec ses nouvelles lignes de métro qui desserviront la banlieue, généralisera le processus et ghettoïsera encore plus les quartiers populaires… s’il en reste. Les hausses de loyer qui se produiront mécaniquement avec l’arrivée de nouveaux transports en communs, repousseront les pauvres à l’extérieur du département ou bien les maintiendront dans des quartiers enclavés d’où il leur sera de plus en plus difficile de sortir. Beau « changement  ».

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