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GOODYEAR : UNE REPRESSION EHONTEE

Publié le 2 février 2016

En 2007, la multinationale Goodyear-Dunlop, pour augmenter ses bénéfices (cette année-là, cette société avait dégagé au plan mondial plus de un milliard de dollars de gains !) demande aux salariés de ses deux sites amiénois de travailler plus longtemps et d’augmenter les cadences, avec en particulier la mise en place d’une organisation du travail en 4x8 au lieu des 3x8 en usage jusque-là. Ces horaires, très dommageables pour la santé des salariés, permettent de mieux rentabiliser l’outil de travail.

Lors d’un référendum, les salariés marquent leur nette opposition à ce projet. Mesure de rétorsion : peu de temps après, la direction décide de licencier 402 employés. La CGT, premier syndicat dans la boîte, conteste ce plan devant les tribunaux et obtient son annulation.

Rebelote deux ans après. En 2009, la direction remet ça et avance un plan (dit) social qui prévoit 817 licenciements. Ce plan est lui aussi refusé par les tribunaux.

Pendant toute cette période de conflit, Goodyear stoppe tout investissement dans son usine et la productivité, de ce fait, se dégrade.

Le 31 janvier 2013, la direction annonce la fermeture de l’usine et le licenciement de tous les salariés. Le tout en subissant les calomnies du PDG de Titan, supposé repreneur, qui se permet d’écrire dans une lettre officielle au ministre du Redressement productif, le 8février 2013, qu’il a visité qu’il a «  visité plusieurs fois  » l’usine d’Amiens-Nord  et que «  Les salariés français touchent des salaires élevés mais ne travaillent que trois heures. Ils ont une heure pour leurs pauses et le déjeuner, discutent pendant trois heures et travaillent trois heures. Je l’ai dit en face aux syndicalistes français. Ils m’ont répondu que c’était comme ça en France.  ». Bref, qu’il s’agit de «  soi-disant ouvriers  ».

Des propos totalement inacceptables que le PDG de Titan a pu répandre dans la presse alors que les conditions de travail de Goodyear sont particulièrement pénibles. Outre les horaires décalés, les ouvriers manipulent des charges lourdes dans une atmosphère saturée de HAP (Hydrocarbures aromatiques polycycliques, du fait de l’utilisation de noir de carbone pour la fabrication du caoutchouc) et cela sans protection particulière pendant des années. Or, les HAP font partie de la famille des produits cancérogènes.

Les 6 et 7 janvier 2014, quelques jours avant la fermeture définitive des portes, plusieurs dizaines de salariés, pleins de colère et d’amertume retiennent, sans violences physiques, en présence de journalistes, 2 directeurs dans leurs bureaux puis les relâchent au bout d’une trentaine d’heures. Dans un premier temps, la direction de l’usine et les cadres concernés, portent plainte puis, dans un deuxième temps, ils retirent cette plainte. C’est donc en fin de compte à la demande du seul ministère public (c’est-à-dire de l’État) que le procès est maintenu.

Le 12 janvier 2016, un tribunal condamne huit travailleurs de l’usine Goodyear d’Amiens à 24 mois de prison dont 9 fermes, soit un total de 192 mois de prison dont 72 fermes !

Le procureur voulait une peine exemplaire ; il l’a eue car c’est la première fois depuis plus de 50 ans que des travailleurs défendant leurs emplois sont condamnés pour des faits de cette nature.

Faisons les bilans

côté patron :

Sur le plan légal : par deux fois, Goodyear a cherché à licencier massivement des salariés. Par deux fois, ces licenciements sont déclarés illégaux par des tribunaux. Qu’à cela ne tienne, laissant volontairement pourrir l’outil de travail, en 2013 Goodyear licencie finalement 1143 salariés en toute tranquillité.

Aucune condamnation.

Sur le plan financier : la santé de Goodyear (qui a délocalisé en Russie ce qu’il faisait à Amiens) est florissante. En 2015, il a dégagé 2,5 milliards de dollars de bénéfices, ce qui lui a permis de verser 800 millions de dollars aux actionnaires.

côté salariés :

Sur le plan humain : fin 2015, le bilan humain se chiffrait comme suit : 12 morts (dont 3 suicides, 9 morts prématurées par maladie). Pour les vivants, si l’on ôte les 130 retraités et les 120 ex-salariés qui ont trouvé un CDI, il reste 881 personnes dans la précarité ou la misère, qu’elles soient en CDD, en intérim, qu’elles tentent de vivoter plus ou moins après avoir créé leur «  entreprise  » artisanale, ou encore pour une écrasante majorité (environ 700 personnes) qu’elles pointent au chômage.

Sur le plan légal : huit salariés, copieusement calomniés par un patron, ont été condamnés à un total de 192 mois de prison dont 72 fermes pour avoir retenu deux directeurs 30 heures chacun.

Soit plus d’un mois de prison ferme pour chaque heure de rétention d’un directeur.

A titre de comparaison, au moment du procès des salariés de Goodyear, la marchande de sommeil, propriétaire de l’hôtel Paris-Opéra dont l’incendie en 2005 avait tué 24 êtres humains, dont 11 enfants, était jugée responsable par la Cour d’appel de Paris et condamnée à deux ans de prison ferme.

Soit un mois de prison par être humain brûlé vif ou écrasé au sol en tentant de s’échapper.

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