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L’OBSCURANTISME EST TOUT SAUF RESPECTABLE/ RATIONALISME CONTRE FANATISME/ ATHÉE ET HEUREUX

Publié le 7 février 2015

  RATIONALISME CONTRE FANATISME

Le fanatisme qui a œuvré en ce début d’année est intimement lié à une attitude irrationnelle - qui peut le nier, à part un fanatique ? Comment peut-on tuer pour des caricatures, sinon par fanatisme ? Comment peut-on s’indigner pour des caricatures, sinon guidé par l’irrationnel ?

Le motif des tueries serait, dit-on, l’insulte faite à « tous les musulmans » par la représentation du présumé prophète de l’islam. Pourtant, les caricatures ne faisaient que cibler l’objet de la croyance et non les croyants eux-mêmes. Face au fatras qui a envahi réseaux sociaux et médias, essayons ici de tirer la question du fanatisme (et de son contrepoison, le rationalisme) un peu plus au clair.

Tout d’abord, constatons que la situation de l’islam est plus contrastée que ce que l’on nous donne habituellement à voir. Ainsi, la toute nouvelle Constitution tunisienne autorise la liberté de conscience. On peut y lire (et c’est ce que nous y lisons pour notre part) le symptôme d’une perte de vitesse - ou du moins des grandes difficultés - de l’islam à s’imposer dans la population d’un pays qui le subit depuis trop longtemps. Les violentes oppositions aux frères musulmans, en Égypte, sont à interpréter dans le même sens : celui du rejet d’un islam qui se définit comme « din oua dounia » et se déclare, par cette affirmation même, totalitaire puisque la religion se confond autant avec l’État qu’avec la société dans son ensemble et même avec l’individu. Ce qui est la définition même du totalitarisme.

Que l’État tunisien en vienne à accepter l’hostilité de la population envers la religion et à réaliser une sorte d’opération « mains propres » semble apporter une bouffée d’air frais au peuple. Mais cela est loin d’annoncer un avenir idyllique, car l’adhésion réflexe à l’État est ainsi facilitée de même que l’acceptation d’une religion qui, en se diluant dans le système capitaliste, assure son avenir et continuera de participer, en retour, à l’avenir du capitalisme.

Mais, s’il subit ses premiers revers palpables dans certains « pays musulmans », si la jeunesse s’en détourne souterrainement dans d’autres (l’Iran par exemple), dans de nombreuses autres zones du monde l’islam est en guerre (en Inde par exemple) pour son extension. C’est d’ailleurs le cas ici même. Pourquoi ? Les réponses sont multiples et mériteraient d’être creusées. Mais on peut penser que son allure conquérante et martiale séduit probablement une jeunesse méprisée, rejetée par nos sociétés. Ce qui est sûr, c’est que le contexte de valorisation des « identités » et des « cultures » (toutes choses dans lesquelles les religions excellent) joue un rôle déterminant, de même que le financement des mouvements musulmans par les dictatures du Golfe et la propagande à laquelle elles se livrent, sans oublier la politique communautariste menée avec constance par les gouvernements français successifs comme réponse indirecte (mais efficace) au « désordre » provoqué par la crise économique. C’est tout cela qui fait le lit du fanatisme.

Notons également que le discours dominant participe à la confusion ambiante. S’il y est souvent question de laïcité (avec des définitions à géométrie variable, souvent fort éloignées du concept initial), il y est très rarement question d’athéisme. Comme si les athées n’existaient pas, ou n’avait pas droit à la parole. Dans la même logique, il n’est pas question de rationalisme, ou alors si peu… comme si la liberté de penser et la volonté d’émancipation ne devaient pas exister elles non plus ! Occulter où se situe la vraie ligne de fracture est bien entendu une des stratégies de l’État et du capitalisme pour répandre la confusion et mystifier la réalité sociale.

Car le véritable conflit, ici, est idéologique ; il est entre raison et croyance, entre rationalisme et religion, entre esprit critique et fanatisme. C’est un conflit séculaire qui a été éclipsé par le développement d’une société où prédominent le divertissement et la futilité.

Le fanatisme implique une confusion entre l’individu et ce qu’il revendique au point de perdre tout contact avec la réalité ; il y a, là, dépersonnalisation...

L’essor de toutes les formes de fascisme - dont le fascisme conquérant nommé islam, mais aussi celui de toutes les communautés identitaires - démontre que tous les hommes n’attachent pas la même importance à leur liberté. Certains confondent, malgré eux, leur individualité avec des fantasmes aliénants. Le véritable combat n’est donc pas entre islam et occident, mais entre ceux qui savent que leur humanité est liée à leur liberté et ceux qui sacrifient la leur à un mythe destructeur. Dans la première posture, la démarche rationaliste nous apparaît comme essentielle.

Qu’est-ce que le rationalisme ?

Il n’y a rien de plus naturel, de plus conforme à notre nature, que le rationalisme. Par rationalisme, il faut entendre la démarche qui consiste à tout considérer du point de vue de la Raison. On peut dater le début des religions monothéistes, mais on ne peut pas dater celui du rationalisme. En fait, il n’a pas de début. Il remonte aussi loin que l’humanité elle-même. C’est la Raison qui a permis à l’Homme de se dégager peu à peu de son animalité. Elle est la synthèse permanente des expériences passées qui, continuellement remises en cause, ont permis et permettront son évolution.

Par sa raison, chaque humain peut avoir sa propre conscience ; conscience qui lui appartient et qui lui permet de faire acte de discernement, d’esprit critique autant que d’autocritique. En revanche, la religion, en cultivant un imaginaire qui ne parle qu’aux passions, inculque une fausse conscience aux croyants que l’on peut sans hésiter qualifier de naïfs. Elle n’est (islamique ou autre) qu’un recueil d’histoires invraisemblables.

L’Homme se distingue de l’animal et le dépasse dans la mesure où il sait raisonner et se faire des idées cohérentes tant sur le monde qui l’entoure (afin de mieux s’y adapter) que sur lui-même (pour mieux régler sa vie). La raison permet la synthèse critique des faits et de l’expérience. Elle est, de ce fait, une remise en question permanente qui, par cela même, l’oppose de façon continue aux religions toujours rivées à l’immobilisme de la tradition. Le rationalisme introduit une opposition entre croyance et pensée, entre certitude et questionnement. Il conduit souvent à l’athéisme, parfois à l’agnosticisme, mais toujours, et c’est, là, l’essentiel, il maintient la conscience critique en éveil.

Les religions ont peur de la critique, car elle bouscule l’ensemble des « vérités » traditionnelles auxquelles chacun est tenu – par elles - de se soumettre. Elles ne peuvent donc que se montrer foncièrement intolérantes à l’égard de ceux qui ne partagent pas leur façon de voir. Si elles s’enorgueillissent souvent de l’ancienneté, de la mémoire de «  nos  » pères et de « nos » traditions, il faut bien reconnaître que l’usage de la raison est antérieur à toutes les religions monothéistes du monde. L’Homme est, sans conteste, un animal lié aux autres animaux par un grand nombre de ses caractères biologiques et psychiques. Comme eux, en effet, il peut avoir des réflexes pavloviens, des réflexes grégaires. Certains animaux lui sont mêmes supérieurs par certains critères (force musculaire, vitesse, odorat, ouïe, etc.). Mais, globalement, s’il les dépasse tous, c’est par sa capacité à raisonner. C’est donc elle qui fait la valeur humaine.

La dignité de l’Homme réside dans cette faculté de penser, de faire des choix et de décider en commun accord avec ses semblables. Elle ne consiste pas en des titres de noblesse ou à un pseudo-savoir incontesté par principe et détenu par un nombre restreint de privilégiés qui seraient seuls capables d’expliquer aux autres le sens qu’ils doivent donner à leur vie, sens auquel ils devraient humblement se soumettre.

La croyance parle d’infini, d’insondable… ce qui ne l’empêche pas de poser des limites par des us et coutumes archaïques. En revanche, la raison ne se pose pas de limites absolues de principe ; elle sonde et expérimente pour comprendre les lois naturelles, universelles, celles qui transcendent frontières, « cultures » et confessions. La raison tente de toujours repousser les limites de son ignorance, c’est pourquoi elle exige la liberté de pensée, la liberté de s’exprimer.

S’attaquer à la liberté d’expression pour protéger la foi doit évidemment être compris comme une volonté, non pas de faire reconnaître la religion (ni comme la défense d’une liberté religieuse et « culturelle »), mais comme la volonté de rendre la croyance prioritaire sur la raison dans un premier temps avec tout ce que cela implique par la suite. Nier la raison au profit de la foi consiste à renier la nature humaine en lui niant ce qui lui est propre, ce qui en est la force motrice : La Raison.

Si les croyants des différentes religions peuvent pratiquer librement leur culte dans des pays comme le nôtre [11], c’est grâce à la liberté d’expression [12] que les rationalistes ont fait émerger dans la société contre vents et marées. N’importe quelle cause ou idée doit pouvoir être défendue, tout comme chacun doit pouvoir dire, écrire et dessiner ce qu’il pense, ce qui relève de son intime conviction. Le débat d’idées contradictoires est le moteur essentiel du progrès intellectuel de chaque individu. Refuser d’entrer dans le débat en y opposant des dogmes et des postures dévotes conduit au fanatisme et à l’usage des Kalachnikov à la place de la réflexion.

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