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Neutralité du net : c’est quoi ?

Publié le 15 juin 2014

Vous avez peut-être entendu parler aux informations ces derniers temps de «  neutralité d’internet  ». Il en a été beaucoup question à la suite d’une décision américaine de la détruire au profit des fournisseurs d’accès. Mais la neutralité du net, c’est quoi ?

TOUT D’ABORD, QU’EST-CE QU’INTERNET ?

Internet est à la base un « réseau de réseaux ». C’est la mise en commun de plusieurs réseaux de l’armée américaine dans les années 80, auxquels se sont progressivement ajoutés des réseaux civils (les premiers étaient ceux des universités). Tous ces réseaux communiquent entre eux grâce à des protocoles standardisés qui permettent le fonctionnement en commun. Par exemple, vous voulez voir une page située sur un serveur américain. Votre ordinateur va envoyer ce qui s’appelle une requête à ce serveur. Mais comme vous n’êtes pas directement lié à ce serveur, votre requête va passer par un certain nombre d’ordinateurs intermédiaires qui vont communiquer grâce aux protocoles.
Une fois le serveur américain atteint, celui-ci va renvoyer la page internet au demandeur (appelé client). Comme elle risque fort d’être volumineuse, il va la diviser en petits paquets qui vont être acheminés par le réseau, en passant par diverses routes (et pas toujours les mêmes), pour finir par s’afficher sur votre ordinateur. Il est important de noter que le système accepte que les paquets n’arrivent pas dans le bon ordre.

Tout cela est assez complexe à la base. Va s’ajouter à cela les effets du capitalisme qui vont encore complexifier les choses.

Lors du passage de votre page internet sur le réseau, les données informatiques vont emprunter des réseaux privés ou publics. Ceux-ci sont entretenus à grand frais par des entreprises ou institutions qui garantissent un débit (c’est-à-dire la vitesse de transmission de l’information) et une qualité de transmission. Dans ce contexte, se sont ajoutés ces dernières années la nécessité de transmettre des informations en «  temps réel ». On parle ici par exemple du fait de regarder une vidéo sur Youtube. Dans ce cas, les paquets dont nous avons parlé tout à l’heure doivent arriver dans le bon ordre, sinon la vidéo devient illisible. C’est le développement de ces services qui pose problème. Ils engendrent de gros débits et nécessitent une grande qualité de transmission. Voilà pour la partie technique.

Economiquement, ce qui se passe est aujourd’hui plus simple. Pour accéder à internet, vous payez un fournisseur d’accès (par exemple Orange), et vous avez accès à tout internet. Pour Youtube, c’est pareil, il paye lui aussi un fournisseur d’accès. Cependant, vous n’avez pas la même consommation de débit que Youtube, et c’est là qu’est le problème.

Jusqu’à aujourd’hui, les données étaient transmises sur le réseau selon le principe de neutralité  : le fournisseur d’accès s’engageait à transmettre les données sans en examiner le contenu, sans prise en compte de la source ou de la destination des données, sans privilégier un protocole de communication et sans en altérer le contenu. Mais l’importance du streaming rend ce modèle difficile à supporter, au dire des fournisseurs d’accès. Ils veulent donc faire payer les utilisateurs en fonction de leur consommation. Vous voulez accéder à Youtube en bonne qualité ? Il vous faudra prendre un abonnement spécifique pour cela. Et c’est la même chose pour les créateurs de contenus internet. Votre adresse mail est chez La Poste ? Il vous faudra espérer qu’elle a signé un accord avec votre fournisseur d’accès pour vous garantir un trafic correct, sinon l’utilisation de ce service sera difficile. Ça, c’est pour les effets immédiats. Prenons un exemple pour voir des effets plus pervers à long terme. Imaginons que vous soyez un comité de lutte dans une entreprise. Pour visibiliser votre lutte, vous décidez de créer un site internet. Sur ce site, vous mettrez des vidéos, des textes et des photos. Aujourd’hui, toute personne qui veut voir votre site peut s’y connecter. Demain, avec l’abandon de la neutralité du net, vous devrez lors de la création du site payer pour une certaine qualité de service et d’accès. Et comme vous n’avez pas les moyens de Youtube (et d’autres), ses données passeront toujours avant les vôtres. C’est comme si, sur une route, une voie était réservée aux voitures Renault parce que cette entreprise aurait payé pour cela et que toutes les autres voitures devaient s’agglutiner sur une unique autre voie.

Contre cette évolution, la contestation se met en place. A Anonymous et à de multiples collectifs se sont joints les grandes entreprises du net comme Google et Apple. Ne nous trompons pas, ces entreprises ne sont en rien philanthropiques ni intéressées par le sort des libertés publiques. Elles cherchent à défendre leur portefeuille en surfant sur une vague de contestation qui, elle, cherche à garantir un libre accès à ce qui devrait être un bien commun. Car Internet est aujourd’hui un élément vital à la société. Il permet l’information en direct, l’accès à de vastes connaissances, la conservation du patrimoine culturel. Mais il est aussi un lieu où nos ennemis sont présents et agissent : espionnage généralisé de la part des gouvernements, censure publique ou privée, diffusion massive de fausses informations et de propagande. Ces entreprises qui luttent pour la neutralité du net font partie de nos ennemis. Cela ne doit pas nous empêcher de lutter contre les fournisseurs d’accès. Internet est aujourd’hui l’équivalent de l’invention de l’imprimerie, et les évolutions de la société qui vont découler de son développement vont profondément bouleverser la civilisation. Aujourd’hui, nous sommes à la croisée des chemins : doit-on laisser internet aux seules mains des capitalistes ? Ou bien devons-nous lutter pour que ce formidable outil devienne ce qu’il a vocation à être : un bien commun de l’humanité ? Notre réponse est claire : internet est à nous tous, ne nous le laissons pas confisquer !

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