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LES PERSECUTES DU POINT

Publié le 6 octobre 2013

Les plus vieux d’entre l’ont fredonnée, la chanson. La vraie. Celle, probablement de Sébastien Faure, écrite dans les années 1880. Celle qui affirme « Nous sommes les persécutés, De tous les temps et de toutes les races, Toujours nous fumes exploités, Par les tyrans et les rapaces… Ouvrier ou bien paysan, Travailleur de la terre ou de l’usine, Nous sommes dès nos jeunes ans, Réduits aux labeurs qui nous minent, D’un bout du monde à l’autre bout, C’est nous qui créons l’abondance, C’est nous tous qui produisons tout, Et nous vivons dans l’indigence… ».

Quant à l’autre chanson, ou plutôt à la rengaine, elle commence à nous chauffer les oreilles. On nous a déjà fait le coup des « pigeons », aimable vocable derrière lequel se cachent les pires vautours (voir notre précédent numéro). On nous avait fait, avant, le coup (Le Figaro) de la « France » qui se repose (les exploités) face à la France qui se lèverait tôt (les profiteurs), et voici que « Le Point » y va de sa rincette : en cinq colonnes à la « une » s’étale l’affirmation suivante : « Entrepreneurs, professions libérales, artisans, LES PERSÉCUTÉS ». Et pourquoi pas « Rentiers, escrocs, boursicoteurs, LES ESCLAVES ? » tant qu’on y est ?

Par qui ses malheureux seraient-ils persécutés ? Essentiellement par le fisc, l’inspection du travail et les Urssaf. De véritables dragons, comme on le voit.

Il est vrai que tous les « entrepreneurs » ne sont pas assez… entreprenants et habiles pour passer des valises pleines de billets dans les paradis fiscaux et que certains doivent donc, après avoir fait jouer toutes les exonérations et toutes les astuces possibles, payer quelques faibles impôts ! Mais cela ne saurait faire oublier que la masse des délinquants patronaux pratiquant l’escroquerie fiscale se monte à des centaines de milliers d’individus et totalise des millions (et probablement des milliards) d’euros.

Il est vrai qu’il arrive que l’inspection du travail se remue un peu les fesses et adresse une remontrance (parfois une misérable amende) à un patron qui viole trop allègrement la législation du travail. Mais le nombre de patrons qui mettent en danger la vie de leurs salariés à court terme (accidents du travail) ou à plus long terme (maladies professionnelles) sans aucun risque pour eux est immense. Sans compter ceux qui arnaquent sans cesse leurs employés (au-delà de… l’exploitation légale).

Il est vrai que les URSSAF réclament leur dû… à des patrons qui ont tendance à croire que les ouvriers ou les employés n’ont absolument pas besoin de protection sociale.

Et alors, où est la persécution ?

Le Point, Le Figaro et autres, toujours si prompts à fustiger la moindre incivilité d’un gamin, la moindre défaillance d’un adulte – pourvus que gamin et adultes soient pauvres – nous font ici le coup que Georges Orwell dénonçait dans son roman d’anticipation « 1984 » : une inversion totale du vocabulaire. « La guerre c’est la paix », écrivait-il ou « la liberté c’est l’esclavage ». Et, dans la même ligne, Le Point ajoute « Les profiteurs sont les persécutés ». Cette guerre sémantique est une guerre idéologique. Il faut remettre les choses – et les mots – à leur place. Un POINT c’est tout.

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