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MALAISE DANS LE POP-CORN

Publié le 10 février 2013

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  SUR LA ROUTE DU TOUR DE FRANCE

Monsieur le procureur de la république. J’ai l’honneur, pour le compte de ma
cliente, la SAS Nataïs, Société par Actions Simplifiée au capital de
4 000 000 euros, immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés d’Auch sous le numéro 434 739 496, dont le siège se trouve Domaine de Villeneuve à Bezeril (32130)… de déposer plainte entre vos mains pour les faits matériels décrits ci-après, susceptibles de relever des délits :

  • d’atteinte à la paix publique prévus et réprimés par les dispositions des articles 431-1 et 431-2 du code pénal, - de dégradation et détérioration, délits prévus et réprimés par les articles 322-1, 322-3, 322-15 et 322-7 du code pénal, - et de menaces, délit prévu et réprimé par les dispositions des articles 222-17, 222- 14 et 22-18-2 du code pénal, faits dont elle a été victime directement, ainsi que certains
    de ses salariés, à l’occasion des manifestations qui se sont tenus (sic) à
    Samatan le 16 juillet 2012, sur la route du Tour de France cycliste...

Ainsi commence la plainte déposée par Nataïs à l’encontre de la CNT-AIT.

Et ça continue, un peu plus loin :
« … entrave caractérisée à la liberté du
travail de la société Nataïs et de ses
salariés, de façon préparée et concertée,
au moyen de voies de fait et de dégradations…

 », « … menaces proférées par les
membres du groupe à l’encontre des
salariés de la société Nataïs…
 ». Les
faits, conclut le plaignant seraient
« d’autant plus graves que ce syndicat
invoque ouvertement des principes et des
moyens d’action anarchistes, c’est-à-dire
anti-républicains, mettant en cause au-delà
de la plaignante [la bienfaisante
entreprise Natais], la sécurité publique
 ».
Menaces, dégradations, détériorations
et surtout, atteinte à la paix
publique et, encore plus, à la sécurité
publique … bigre, la révolution aurait-elle
commencée dans le Gers sans que
nous nous en soyons rendu compte ?
Soyons sérieux et revenons-en au
fait : cette plainte vise en tout et pour
tout une simple distribution de tracts
on ne peut plus pacifique.

Le 16 juillet 2012, le Tour de France
faisait étape dans le Gers, à Samatan,
pas loin de Bezeril. Nataïs, ne voulant
pas rater cette occasion de se faire de la
publicité, avait décidé d’y tenir un
stand. C’était son droit. Les licenciés
de Nataïs, ne voulant pas rater l’occasion
de faire connaître leur situation,
avaient décidé de distribuer des tracts.
C’était leur droit. Mais cela a tellement
déplu à Nataïs que l’entreprise a porté
plainte ouvertement contre la CNT-AIT,
signataire du dit tract.

A lire les articles du code pénal
invoqués pas Nataïs, on s’attend à ce
qu’il y ait eu, sinon mort d’homme, du
moins du sang. Car, tout de même,
c’est d’ « atteinte à la sécurité
publique » - quelque chose qui n’est pas
loin du terrorisme international -, que
la CNT-AIT est accusée. Or du sang, il
n’y en a pas eu une goutte. Quand aux
« dégradations et détériorations » reprochées
à la CNT-AIT, il m’a fallu plusieurs
lectures pour réussir à comprendre
de quoi il pouvait bien s’agir : tout
simplement du fait qu’un inconnu,
aurait retiré des mains de deux enfants
des cornets de pop-corn en leur indiquant
que ce n’était pas bon pour leur
santé. Qui était cet homme ? La plainte
ne le dit pas, mais tout porte à penser
que c’était… le père des deux
enfants.

Quant à l’atteinte à la « liberté de
travailler », l’histoire est encore plus
croustillante. Elle repose sur le témoignage
de la « victime », une certaine
Nelly C. Laissons lui la parole : « … un
groupe de personnes… se sont mis à distribuer
des tracts de propagande. Ils n’étaient
pas tout à fait une dizaine et portaient
des tee-shirts floqués de la couleur
jaune, comme les animateurs du tour de
France. J’ai mis quelques secondes avant
de comprendre ce qui se passait. J’ai
arrêté de tourner la machine à pop-corn
pour m’avancer
 ». Résumons. Mme
Nelly C. est dans la cahute Nataïs en
train de faire tourner la machine à pop-corn.
Personne ne s’adresse à elle. Elle
voit, à distance, sur la voie publique,
une dizaine de personnes distribuer
des tracts – entre parenthèse, avant
même de les avoir lu, elle sait qu’il
s’agit de « tracts de propagande ». Elle ne
signale aucun incident, aucun danger
pour elle ni pour le stand. C’est elle - et
elle seulement - qui décide alors,
comme une grande, d’arrêter de faire
tourner la machine à pop-corn. Elle
décide, toujours toute seule, de quitter
son poste de travail et de s’avancer vers
eux pour leur porter la contradiction.
Et ce sont des « faits » comme celui-ci
qu’on ose qualifier d’entrave à la liberté
du travail ? D’atteinte à la sécurité
publique ? Car les autres « témoignages
 » sont de la même eau. Mais rien
n’arrête Nataïs qui poursuit : « Ces faits
… sont extrêmement graves car depuis
de nombreuses semaines, la société
Nataïs et ses dirigeants font l’objet d’attaques
incessantes dont celle-ci est une
première manifestation physique violente
… ». Une attaque physique ?
Violente ? Où ça ?

Puisqu’il n’y a eu aucun fait délictueux
pendant la distribution, faut-il en
conclure que c’est notre tract lui-même
qui prête le flanc à la critique ? Et bien
non. Bien qu’il soit qualifié de « propagande
 » ou de « diffamatoire », bien
qu’il soit reproduit in extenso dans l’accusation,
il ne fait l’objet d’aucune
réfutation. Pourtant, notre tract, c’était
une longue liste de faits, de faits concrets,
souvent chiffrés. Si un seul des
faits était inexact, il était facile de le
réfuter. Le problème, pour Nataïs, c’est
que tout était parfaitement exact.

Au total, qu’est-ce que c’est que
cette plainte contre la CNT-AIT, qui
s’ajoute à la plainte en diffamation
contre 3 salariés, qui s’ajoute à une
vague sans précédant de licenciements,
qui s’ajoute à tant d’autres choses ?
Qu’est-ce que c’est, sinon une manœuvre
pour entraver notre activité syndicale
 ? Qu’est-ce sinon une volonté de
nous faire taire ? Une tentative de nous
intimider ? Autant de tentatives qui
sont vouées à l’échec : nous ne sommes
pas intimidables.

La suite au prochain épisode.

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