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Quand la « prophétie du cheval blanc » tourne au spectacle de l’âne bâté

Publié le 10 décembre 2012

Les Mormons, on n’en entendait pas beaucoup parler jusqu’à l’apparition clownesque de Mitt Romney sur la scène électorale américaine. Malgré l’intérêt soudain pour le « mormonisme » que sa candidature a suscité, force est de constater que l’information est restée très superficielle. Non, les mormons ne sont pas des Mennonites pro-Hitlériens
(voir le n° d’Anarchosyndicalisme ! sur le sujet) ni des Amish (les bretelles,
les charrettes, la barbe et les chapeaux ronds ne sont plus trop tendance chez les mormons !), pas plus que des Témoins de Jéhovah (même
moule, même vêtements, même type de revue, même type d’illustrations, même style de cantiques, mais les Témoins, c’est beaucoup moins
classe...). Ce ne sont pas non plus des prédicateurs évangélistes (moins
de noirs et puis les mormons ne dansent pas – horreur - dans les salles
de culte), ni des Scientologues (où l’argent coule également à flot en
haut-lieu) ! Mais alors, les mormons, c’est quoi [1] ?

Commençons par son représentant
actuellement le plus connu : Mitt Romney. Certes pendant la campagne
électorale, il n’a que très peu parlé de son culte. Sûrement par peur de susciter davantage de divisions, de ridicule, de remous, d’inquiétudes ou de rejets à son égard... prenant la « sage » décision de rester flou et distant vis-à-vis de ses convictions. C’est pourquoi on connaît Mitt surtout par ses nombreuses bourdes, son insondable niaiserie, ses changements d’opinions (plus ou moins libéral ou radical, c’est selon...), son décalage avec la réalité que vivent la majorité des Américains (c’est un gosse de riche). Le peu dont il a parlé de sa foi (en s’embrouillant dans ses propres doctrines, en se trompant voire en mentant), n’a fait qu’ajouter à sa décrédibilisation... notamment
auprès de ses « frères d’armes » qui
n’ont pas tous voté pour lui, loin de là. Déjà qu’il n’attirait pas les foules de l’électorat noir, latino, évangélique (majorité religieuse du pays), des moins de 30 ans, des femmes et des homosexuels... Mitt, c’était déjà un peu la
cinquième roue du carrosse... mais
pour la majorité des Américains, du
moment qu’il était croyant ça suffisait,
car, dans ce pays, tout, même un mormon, est préférable à un athée !

Romney le millionnaire (qui paye
moins d’impôts que les autres et entre-
pose ses billets verts dans les paradis
fiscaux) n’en est pas à son coup d’essai
en politique. Ce fils à papa au brushing
impeccable a très bien « réussi » dans le
business. Il a suivi les traces familiales
avec honneurs et mention, traitant tout
ce qu’il touche comme un gestionnaire
de « talent », s’embarrassant peu des
facteurs humains (y compris en tant
qu’évêque de son église...).

  CHEVAL BLANC ET ÂNE BÂTÉ

Il s’est fait connaître en 2002 pour
avoir tiré de la faillite les Jeux olympiques de Salt
Lake City (la capitale des mormons), ensuite
comme gouverneur du Massachusetts, puis en
tant que candidat
à
l’investiture
pour les présidentielles de 2008
avant d’en arriver
à la candidature
suprême.
Pour
certains
mormons, il incarne le
preux chevalier
blanc de la prophétie du cheval
blanc (« The White
horse Prophecy »)
qui circule depuis
les débuts du
mormonisme au sujet d’un futur président de leur caste qui remettrait le pays
sur pieds, et le reste du monde par la
même occasion. En janvier 1844,
Joseph Smith (le fondateur) avait déjà
annoncé sa candidature à la présidence
des Etats-Unis (ils y tiennent à ce
poste !). Prophétie ou pas, en fait de
cheval blanc, ce à quoi on a eu droit
avec Mitt, c’est plutôt à un numéro
d’âne bâté !

Pourtant, Mitt, sauveur de la crise
économique nationale, défenseur des
valeurs de la république américaine en
berne, c’est comme ça qu’il se voudrait.
Un héraut des temps modernes... Un
winner qui n’aime pas perdre, toujours
en représentation.

Il a tout bien fait comme il faut, en
commençant par un parcours exemplaire dans son Église. Missionnaire en
France (à la fin des années 60), il a un
accident de voiture (c’est lui qui conduisait), la femme du président de
mission en fonction qu’il transportait est tuée. Le président rentre aux USA.
Mitt se retrouve, par ce coup du sort, à la tête de la mission française. Là il prend le goût de diriger avec poigne les autres. Il obtient un nombre record de baptêmes (une obsession mormonesque), même si la France lui est apparue molle, arriérée (forcément : un peu athée sur les bords).

Deux années ici lui ont forgé cette opinion tranchée et très défavorable. Son
parcours scolaire a été sans grande distinction et n’a pas réussi à gommer son côté inculte et benêt (sa protestation contre le fait que les hublots des avions ne puissent pas être ouverts au gré des
passagers en donne un aperçu...). Tout
de même diplômé d’Harvard (il ne doit
pas y avoir de cours d’aviation !), il a
été vice-président co-fondateur de
« Bain Capital », travaillant entre autre
avec Monsanto et licenciant à tour de
bras pour augmenter les bénéfices de
l’entreprise (une loi du marché roi, version chrétienne ?). Réussite financière
sans ambages donc et mariage exemplaire (c’est l’image de marque de l’église). Depuis 40 ans, il est chef d’une
famille équilibrée (en apparence) avec 5
enfants, bien propres sur eux. Il donne en permanence l’image du gendre idéal. Ce mormon de souche représente la réussite à l’américaine et le style
artificiel de son église, un Disneyland religieux : sourire de marchand de dentifrice, pensée niveau cucul la noisette avec un porte-monnaie bien garni.

  DERRIÈRE LE DÉCOR

Mais, derrière ce décor d’Hollywood se cache une réalité beau-
coup plus sinistre. C’est pourquoi
l’Utah, la patrie des Mormons qu’ils
contrôlent largement, est l’État qui
consomme le plus d’antidépresseurs de
tout le pays. Salt Lake City, sa capitale
est même surnommée Prozac Ville, et
ce n’est pas pour rien. L’Utah est aussi
le plus grand utilisateur de sites pornographiques, ce n’est pas pour rien non
plus.

Des vérités moins glorieuses se cachent donc derrière les visages angéliques, figés, juvéniles et boutonneux
de ces missionnaires déterminés qui
arpentent fièrement, costume-cravate
cintré, badge noir sur chemise blanche,
deux par deux, nos villes en quête de
brebis égarées, un livre bleu à la main
tels des représentants de commerce à
peine pubères mais super-chrétiens,
convaincus que leur « message » est le
meilleur pour vous ! Baptiser et évangéliser la terre entière est leur credo ;
conduire les pécheurs au Salut, leur
devise ; révéler la « vérité » dans sa plénitude et convertir tous les païens, leur
bannière. L’opprobre risquant de tomber sur eux s’ils craquent.

Pour la majorité d’entre eux, ils y
croient dur comme fer, croix de bois,
croix de fer... la plupart du temps sincères, ils pensent vraiment bien faire et
veulent plus que tout vous convertir.
Pour cela, ils utilisent toutes techniques
« commerciales » enseignées, feignant
l’écoute, la compassion et le dialogue
chaleureux. Les autorités religieuses
veillent au grain, attendant d’eux un
rendement efficace (nombre de rendez-vous, baptêmes,...). Tous les
moyens sont bons pour ferrer le pois-
son (par exemple des cours gratuits
d’anglais ou des offres de services...).

Il faut qu’ils fassent preuve de zèle
pendant les deux ans exilés loin de leur
maison (sur leurs propres économies,
l’Église est radine...) et démontrent
leurs capacités. C’est une expérience
significative, un passage « obligé », une
épreuve purificatrice de sacrifices, lancés qu’ils sont à l’abordage du frêle
esquif des mécréants, soldats de Dieu à
plein temps, luttant contre le mal, l’opposition, les tentations. Pour armure,
ils ont leurs sous-vêtements blancs
magiques aux symboles maçonniques
(ça ne s’invente pas !, vous pouvez toujours essayer de leur demander de vous les montrer quand ils vous draguent
dans la rue), arborant leur titre d’Ancien
(Elder en anglais, ou haute prêtrise).
Ces esprits malléables [2] passent
quelques mois en centre de
« formatage », avec méthode express
d’apprentissage de la langue du pays
assigné (divinement révélé par la présidence...) avant d’être « lâchés » en
zone hostile étrangère. Ils doivent
montrer leur allégeance au prophète et
bombarder de mormoneries tout ce
qui bouge. C’est vrai qu’il faut une certaine dose de courage et de candeur
pour se lancer là dedans... Quand ils
reviennent, c’est moins rose, le soufflet
retombe, pour peu qu’ils soient allés
dans des zones un peu « coriaces »
comme en Afrique ou en Bolivie (2 missionnaires assassinés récemment
...), mais la pression des dirigeants est si forte, qu’ils doivent toujours « positiver », quitte à mentir (pour le Seigneur...) et entretenir régulièrement
même sans plus y croire la rengaine du témoignage de foi en public. Ça rassure tout ce petit monde et prouve que l’Église est vraie puisqu’on le ressent
de l’intérieur (par le pouvoir du Saint-
Esprit...). Lorsque c’est trop dur pour
eux en mission, ils tombent malades
(réellement) ou ont des accidents... et
se font rapatrier pour écourter leur
séjour (avec le « déshonneur » relatif
que cela entraîne), parfois ils se suicident (avant, pendant ou après).

  PRIMITIVISME MORMONESQUE

Cette communauté ne se revendique
ni catholique, ni protestante, ni
orthodoxe d’origine mais quand même
chrétienne (cherchez l’erreur…). Bien
sûr les autres confessions ne les considèrent
pas comme tels, ne considèrent
pas leurs sacrements comme valides et
réciproquement. Elle se veut restaurationniste,
millénariste, créationniste,
apocalyptique, survivaliste (se préparant
à des catastrophes à tout moment,
encourageant les membres à prévoir
un an de réserves en cas de fin du
monde précipité) et rédemptrice de
l’humanité : la seule ayant le droit d’agir
au nom de Dieu et détenant TOUTES
les clés de la prêtrise, avec ses
prophètes, ses apôtres, ses révélations
sacrées continues, ses propres Ecrits
inspirés en plus de la Bible (qu’ils sont
les seuls à interpréter et traduire de la
« bonne façon »). En bref : la seule
église autorisée et valable sur Terre
comme au Ciel, la Sion prophétisée
dans les Saintes Ecritures (en toute
simplicité !), la nouvelle Jérusalem qui
doit se construire dans le Missouri
(c’est tellement plus pratique de faire
ça chez soi !). Elle prône un retour au
primitivisme chrétien en réaction à la
prétendue grande apostasie qui a suivi
la mort des premiers apôtres et fait
disparaître l’autorité de Dieu pendant
des siècles. Primitivisme qui s’accorde
parfaitement avec le capitalisme. On
n’est pas à une contradiction près.

Il incombait à Joseph Smith, sorte
de Mahomet à la sauce américaine, de
mettre bon ordre à tout cela en rétablissant
«  la Vérité  » et devenant le président
et premier prophète de cette
église sous la supervision de Jésus en
personne. D’où son nom : Église de
Jésus-Christ des saints des derniers jours, les
« saints  » représentant les disciples du Christ (pas les Saints canonisés par les
cathos), les « derniers jours » vu que c’est
la fin des temps pour bientôt (ça fait un
bon moment que c’est pour bientôt…).
Comme c’était trop long, les
détracteurs ont préféré « les mormons »,
terme tiré du livre du même nom :
Mormon, prophète qui aurait vécu en
Amérique il y’a un bail…

Pour donner une première idée de
ce qu’est cette secte taillée sur mesure,
il faut aller à son origine.

  IL ÉTAIT UNE FOIS

Il était une fois en Amérique, un
obscur adolescent sans importance de
14 ans, le petit Joseph, qui gambadait
gentiment dans la forêt voisine, parmi
les pâquerettes, les joyeux pinsons, les
gentils écureuils et les jolis papillons
bigarrés, soucieux de savoir à quelle
église il devait se joindre, étant donné
que tous les groupes protestants du
coin se crêpaient la toge à propos des
mêmes écritures bibliques, chacun professant
avoir la vérité plus que les autres,
et malgré leurs bons sentiments
apparents se querellaient pour un rien.

Il en était ainsi au sein même de la
famille Smith. Se sentant perdu et
confus, ayant lu un passage marquant
dans l’épître de Jacques qui lui
conseillait, s’il manquait de sagesse, de
demander directement à Dieu - qui
donne à tous gratuitement et sans
reproche - Joseph décida de s’y mettre,
un beau matin printanier et ensoleillé
de 1820.

Dans le bosquet attenant à la
modeste ferme familiale, il se mit à
prier seul de tout son coeur à haute
voix. C’est alors que se sentant attaqué
par des forces occultes invisibles, il
redoubla d’efforts à genoux implorant
la délivrance. Soudain, en réponse à sa
prière, Dieu le Père et son Fils Jésus-
Christ lui apparurent : «  Je vis, exactement
au-dessus de ma tête, une colonne
de lumière, plus brillante que le soleil,
descendre peu à peu jusqu’à tomber sur
moi... Quand la lumière se posa sur
moi, je vis deux Personnages dont l’éclat
et la gloire défient toute description, et
qui se tenaient au-dessus de moi dans les
airs. L’un d’eux me parla, m’appelant
par mon nom, et dit, en montrant l’autre
 : Celui-ci est mon Fils bien-aimé.
Écoute-le ». Et Joseph l’écouta. Le
Personnage débina toutes les religions
existant alors sur terre en déclarant
qu’elles étaient « toutes dans l’erreur et
(…) tous leurs credo étaient une abomination
à ses yeux ; que ces docteurs
étaient tous corrompus (…).
 ». Ces citations
sont des extraits de ce que les
missionnaires apprennent par cœur et
récitent avec plus ou moins d’accent en
préambule des leçons données aux
investigateurs (également nommés
« amis »). C’est la « Première Vision » :
un moment divin de révélation, tenu
pour sacré par les membres qui sont
très émus lorsqu’ils la racontent… Sauf
que cette version, « authentique », ne
fut contée et imprimée officiellement
qu’en 1842 (soit 22 ans après la date
officielle d’apparition, ce qui, pour un
événement de cette importance est
surprenant) et qu’il en existe plusieurs !
Environ une dizaine ! Un prototype fut
publié en 1832 (soit dix ans avant la
version définitive). Les premiers membres
de la secte, eux, n’ont jamais
entendu parler de cette « première
vision
 » !

Selon les versions et manifestement
selon l’humeur et les choix doctrinaux
du moment de l’heureux élu, les variations
sont nombreuses. D’abord, la
scène se passe à différents moments.
Ensuite, ce sont parfois seulement des
anges qui interviennent, ou seulement
Dieu, ou encore d’autres personnages
bibliques, puis finalement Dieu père et
fils. Les « enseignements » transmis évoluent
et se précisent. Toujours inspiré
d’autres récits mystiques similaires que
Joseph avait pu lire ou entendre à son
époque. Ce qui n’étonnera personne,
c’est que les versions « s’améliorent »
au fil du temps, jusqu’au bouquet final.
L’âge auquel le prophète vécu cette
expérience, en principe mémorable,
varie aussi considérablement. Étrange
pour un fait aussi fondamental, de ne
plus se rappeler la date exacte…
L’histoire du mormonisme commence
plutôt mal ! L’histoire de son prophète
finit également mal !

  LE PROPHÈTE SAUTE PAR LA FENÊTRE

Joseph Smith avait prophétisé sur
son propre compte en annonçant qu’il
allait vivre jusqu’à 85 ans, moment
auquel il allait rencontrer de nouveau
Jésus-Christ. Nous espérons que Jésus
n’est pas allé au rendez-vous, sinon, il
doit l’attendre encore, vu que Joseph a
disparu prématurément à 38 ans dans
des circonstances romanesques. En
effet, poursuivi par décret légal, mis
aux arrêts dans la maison de Carthage
(Illinois), une foule d émeutiers, les
visages maquillés de noir débarquèrent,
s’ensuivit un échange de coups de feu
– dans lequel le saint-homme abattît
lui-même 2 personnes. Comme le
« SOS maçonnique » qu’il avait lancé
pour attendrir ses adversaires n’y faisait
rien il décida de s’enfuir courageusement
par la fenêtre et fut finalement
abattu au sol... Ses deux coreligionnaires
survivants s’empresseront de le
faire passer pour un martyr, tel un
agneau sans taches.

Aujourd’hui, le mormonisme, religion
typiquement américaine très hiérarchisée
et savamment orchestrée,
jouant sur la corde sensible, cultivant la
soumission à l’autorité et le conformisme,
poursuit sa prolifération, astucieusement,
comme un ténia, en trompant
et séduisant les masses de façon subtile
et besogneuse, sans relâche. Les
familles acquises et les générations successives
de missionnaires dévoués faisant
le reste, c’est un tank bien huilé
qui avance sûrement et que rien n’arrête,
partant à la conquête du monde,
racolant à toutes les portes, s’incrustant
avec le sourire enjôleur aux dents
longues. C’est un marabout ensorceleur
promettant moultes carottes :
résolution des problèmes, bénédictions,
félicité, réponses existentielles,
santé, progression, ascension sociale,
pouvoir, maîtrise et vérité absolue,… le
tout dans l’espoir de conclure de bonnes
affaires, tout en prétendant moralité,
honnêteté, charité, justice, amour,
sécurité, nouvelle famille et bons principes
chrétiens éternels. C’est le monde
de l’exploitation capitaliste la plus
éhontée, de l’oppression personnelle
intériorisée dans une ambiance édulcorée
à la Walt Disney.

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