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OGM, MES AMOURS

Publié le 6 octobre 2012

Voici un beau pavé dans la mare aux eaux boueuses de l’industrie
agro-alimentaire : les OGM et pesticides sont responsables
de l’apparition de tumeurs. Et pas qu’un peu ! Les travaux du
professeur Séralini du CRIIGEN (Comité de recherche et d’information
indépendante sur le génie génétique) ont mis en effet en
évidence que la consommation d’OGM, tout comme celle de pesticides
d’ailleurs, provoque l’apparition de tumeurs chez le rat. Ces
travaux ont fait l’objet d’une publication dans « Food and Chemical
Toxicology », une revue américaine qui, jusqu’à présent avait publié
des études concluant à l’innocuité des OGM.

Groggy quelques secondes, tel un
boxeur qui vient de prendre une belle
droite en pleine poire, le lobby pro-
OGM repasse à l’offensive avant
même d’avoir totalement retrouvé ses
esprits. Quelques heures
à peine après que
l’information ait été
lâchée un « spécialiste »
plus ou moins journaliste
pérorait déjà sur
les écrans en nous
expliquant, avec une
ombre de commisération
sur les lèvres, que
cette étude ne valait
rien car elle ne respectait
pas les critères que
toute étude cancérologique
se doit d’appliquer.
Et toc !

Sauf qu’il s’agit
d’une étude de toxicologie
et non de cancérologie
et que l’avis de
notre « spécialiste » est
aussi pertinent que
celui d’un arbitre qui
prendrait les règles du
tennis de table pour
juger d’une compétition de javelot…
Mais, peu importe. Pour le lobby pro-
OGM, l’important est d’allumer un
contre-feu, et tout bois, même le plus
pourri, est bon pour cela. En conséquence,
une avalanche de critiques s’abat
sur les travaux de l’équipe du CRIIGEN.
Dès le lendemain (20.09.2012), « 
Le Monde » donne le ton. Il titre « 
OGM : Le protocole d’étude de M.
Séralini présente des lacunes rédhibitoires

 ». Rédhibitoire : cela renvoie à la
notion de vice et même de fraude
(Littré). Qui donc affirme cela ? Un
certain Gérard Pascal. Ce brave
homme, ancien toxicologue à l’INRA,
occupe maintenant ses loisirs en
vaquant à de saines occupations : il est
« consultant pour des
entreprises de l’agroalimentaire

 »… ça ne
serait pas rédhibitoire,
ça ?

Tout bien pesé, les
arguments du lobby
pro-OGM se ramènent
à trois, dont deux
sont d’ordre méthodologique.

Tout d’abord, le
lobby pro-OGM reprend
systématiquement
à son compte la
navrante confusion
entre études cancérologiques
et études toxicologiques.
Fort de cet
amalgame, il pointe ce
qui serait une faiblesse
méthodologique de l’étude.
Pour faire simple,
l’étude ne porterait pas
sur un nombre suffisant
de sujets, et de rappeler que la
norme a été fixée par l’OCDE à 50 rats
par lot étudié alors qu’il n’y en a que 20
dans l’étude du CRIIGEN. Quelques
explications méthodologiques s’imposent
à ce niveau. Disons d’abord que,
pour ce type d’étude, on réunit des
sujets aussi proches que possible (ici,
des rats d’une lignée génétiquement
homogène et stable), puis les individus
sont répartis au hasard en lots. Parmi
ces lots, quelques uns (les « témoins »)
ne subissent aucune expérimentation
contrairement aux autres.

Prenons l’exemple de l’étude
Séralini. Elle porte sur 200 rats. Ils ont
été répartis en 10 lots de 20 individus
chacun, puis ces lots ont été regroupés
de la façon suivante :

  • 1/ premier groupe (les rats
    témoins) : c’est celui des chanceux,
    celui des rats qui ont été nourris sans
    OGM et sans aucun pesticide,
  • 2/ deuxième groupe : les rats ont
    été nourris sans OGM mais ils ont bu
    un pesticide (au taux de concentration
    courant dans l’eau du robinet),
  • 3/ troisième groupe : les rats ont
    été nourris avec plus ou moins (suivant
    les lots) de maïs OGM mais ils ont bu
    de l’eau ne contenant aucun pesticide,
  • 4/ quatrième groupe : ici, les rats
    ont eu droit « à la totale » (nourris au
    maïs OGM traité par pesticide).
    Suivant les groupes, la proportion
    de maïs OGM dans les croquettes était
    de 11, 22 ou 33 %. Un protocole finalement
    très classique et contre lequel il
    n’y a rien à dire.

Revenons au cas général. Une fois
que l’on a lancé l’expérience, on observe
si des différences apparaissent entre
le groupe témoin et les groupes expérimentaux
ainsi que parmi ces derniers
entre eux.
Si l’on observe une différence,
toute la difficulté est de savoir si elle est
une conséquence de l’expérience (ici, le
fait d’être nourri par des OGM et/ou
de boire du pesticide) ou si elle est due
simplement au « hasard » (c’est-à-dire
un facteur non maîtrisé par l’étude).
C’est à cela que servent les tests statistiques.
Ces tests nécessitent pour
être valables un nombre minimum de
sujets. Comment ce nombre est-il
déterminé ? C’est là que cela devient
intéressant : ce nombre est établi a
priori, en fonction de la probabilité que
l’on estime de trouver une anomalie.
Autrement dit, si l’on pense que l’anomalie
provoquée sera rarissime, il faut
des lots très fournis, si l’on a des raisons
de penser que l’anomalie sera très
fréquente, on se contentera de lots
numériquement faibles et cela sera tout
à fait suffisant. De plus, la situation
peut être compliquée par des « interférences ». Par exemple, les rats étudiés
sont sujets à des cancers « spontanés »
(dont on ne connaît pas la cause) ; il y
aura donc dans tous les lots des cancers
qui ne seront pas dus à l’expérimentation.
Les tests statistiques permettent
en quelque sorte de faire la
part des choses. Le seuil fixé par
l’OCDE pour les études cancérologiques
(50 rats) répond au cas de figure
le plus complexe : une situation qui
connaît d’une part des interférences
(cancers spontanés) et d’autre part des
différences attendues rares (non pas
que les cancers provoqués par telle ou
telle substance soient nécessairement
rares, mais, ils apparaissent lentement,
et comme les études labellisées OCDE
sont de très courte durée, peu ont le
temps d’apparaître, d’où la nécessité
d’avoir des lots étoffés).

Si l’on en revient à l’étude Séralini,
les anomalies trouvées étant fréquentes,
les tests statistiques « marchent »
même avec les effectifs de 20 par lot. Il
y a d’ailleurs eu quelques surprises.
Laissons sur ce point la parole à un
membre du CRIIGEN : «  On pensait
que le principal problème viendrait du
pesticide (le [roundup de Monsanto, un
herbicide), et on a découvert que l’OGM
seul provoquait aussi des effets toxiques.
A notre grande sur prise, il n’y a pas
d’effet cumulatif des deux, la mortalité
est à peu près la même dans les trois
groupes.
 »

Dernière remarque, toujours sur ce
même argument. Elle n’est pas de petite
portée et serait même drôle si le
sujet n’était pas tragique : 200 rats,
répartis en lots de 20, c’est exactement
le nombre maximum de sujets des études
sur lesquelles s’appuie Monsanto
pour assurer que ses OGM sont sans
danger. Fort curieusement, aucun des
« experts » qui critiquent si durement
l’étude Séralini pour ses pseudo-carences
méthodologiques n’a soulevé
d’objection sur l’étude Monsanto !
Pourtant, si méthodologiquement l’une
a des lacunes rédhibitoires, l’autre à
obligatoirement les mêmes. Pour corser
le tout, soulignons que l’étude
Monsanto n’a duré que trois mois,
alors que l’étude Séralini porte sur
deux ans ! Or, les effets d’un produit
pouvant se manifester lentement, la
durée est un facteur essentiel. Les produits
mutagènes, cancérogènes sont
habituellement dans ce cas : ils agissent
lentement comme déjà souligné.

Le deuxième argument des pro-
OGM porte toujours sur le protocole
de l’étude
, plus précisément sur ce
que nous avons appelé plus
haut les « interférences » (que
l’on pourrait aussi qualifier
dans le jargon statistique de « 
facteur de confusion »). Ainsi,
Marc Fellous (chercheur à l’INSERM)
déclare que les rats de l’étude Séralini
(des albinos Spraque Dawley) seraient
« des rats de cirque » car ils développent
très facilement des cancers. Pas de
chance pour Fellous : les études de
Monsanto utilisent, elles aussi, les albinos
Spraque Dawley… Si donc rats de
cirque il y a, on sait quelle valeur il faut
accorder aux études de Monsanto !
Mais laissons les nez rouges de côté et
concentrons-nous sur le fond de ce
deuxième argument. Ce que l’étude
Séralini observe, c’est que la rapidité
d’apparition des tumeurs est bien différente
entre les rats témoins et ceux qui
ont été intoxiqués avec du maïs OGM
(mais aussi, bien sûr, avec des pesticides).
Quand les rats mangent du maïs
OGM, certains commencent à développer
des tumeurs dès le 4e mois
(rappelons que les études Monsanto,
obéissant en cela aux fameuses indications
méthodologiques européennes,
s’arrêtent au 3e mois. Est-ce un hasard
ou une prudence calculée de l’OCDE
 ?) et que le nombre de rats présentant
une tumeur explose vers leur 11 ou 12e
mois (ce qui correspond au milieu de
vie d’un rat). Beaucoup de rats
témoins, c’est-à-dire les chanceux qui
ont échappé aux OGM et aux pesticides,
développent certes un cancer
spontanément, mais en fin de vie (soit,
pour un rat, autour du 23e ou 24e
mois). Ramené à l’homme, c’est
comme si les premiers étaient victime
d’un cancer à 35 ou 40 ans et les
témoins 80 ou 90 ! Pas tout à fait la
même chose.

Le troisième type d’argument,
est un classique du genre
 : la bataille
du rat risquant fort d’être perdue pour
eux, les pro-OGM les plus malins se
concentrent sur le fait que « l’homme
n’est pas un rat » et que, ce qui est
valable pour le rat ne l’est pas obligatoirement
pour l’homme… oubliant
une fois de plus que leurs propres études
d’innocuité sont faites sur… des
rats et qu’ils l’extrapolent à l’humain.
Cet argument connaît une variante :
en population humaine :on n’a pas
identifié à ce jour de cancer provoqué
par les OGM, alors qu’ils sont
sur le marché depuis une
quinzaine d’années.
Évidemment, comme les dangers
potentiels des OGM ne
sont pas recherchés chez l’homme,
comme l’étiquetage est particulièrement
opaque (et que le consommateur
ne sait pas s’il mange des OGM et
encore moins combien), on ne risque
pas de trouver quoi que ce soit… pour
l’instant. Le lobby pro-OGM nous
refait ici le coup du Médiator : ce n’est
que quand la catastrophe est là, sous
les yeux de tout le monde, que ses
responsables, du bout des lèvres,
admettent qu’ils ont - peut-être et sous
toutes réserves - une part de responsabilité.
Tout cela ne pourrait pas se passer
sans la complicité des États nationaux,
de la bureaucratie européenne et
de leurs organes officiels, censés
contrôler et éviter les risques mais, qui,
loin d’être neutres, sont truffés de « 
spécialistes » vendus aux industriels.

Pour conclure, l’étude du CRIIGEN
a au moins la même solidité
méthodologique que toutes les études
produites à l’appui de la thèse de l’innocuité
des OGM. Elle a sur ces dernières
un avantage majeur : sa durée.
C’est ce que ces adversaires sont bien
obligés de reconnaître eux-mêmes.
Ainsi Gérard Pascal (déjà cité) avoue :
« Effectivement, il n’y a jamais eu d’étude
de cancérogénèse liée aux OGM ni
d’étude toxicologique à long terme

(avant l’étude du CRIIGEN). La plupart
des travaux sur le sujet, rassemblés
dans une analyse publiée en mars/avril
dans Food and Chemical Toxicology ont
été menés sur des durées de trois mois. Si
certains ont bel et bien duré plus longtemps,
jusqu’à un an, ils ne portent pas
sur des espèces de rongeurs, mais sur des
animaux plus gros. Or, si une étude de
deux ans est significative sur un rat car
elle couvre les deux-tiers de son espérance
de vie, travailler un an sur un chien
n’est pas suffisant car cela représente à
peine 10 % de sa durée de vie.
L’ampleur des travaux du professeur
Séralini est donc sans précédent.
 »

Dont acte.

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