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Révolution & Contre-révolution

Publié le 9 mai 2011

Les révolutionnaires, en France, se questionnent : est-ce une révolution
qui secoue l’Afrique du Nord et le Moyen Orient ? La
majorité (écrasante ? [1]) affirme que « non », une frange opine « oui »,
quelques uns (les plus prudents ?) pensent que la bonne réponse est
« peut-être » et que cela dépendra de la suite des événements...

De la suite certainement, mais tout
d’abord de la définition. Si c’est d’une
révolution « accomplie » dont on parle
(a fortiori de « la » Révolution libertaire),
évidemment que c’est « non ». Si on
entend par révolution un processus, qui
démarre comme il peut mais est susceptible
de conduire à un changement radical,
c’est le « peut-être » qui s’impose.
Enfin, si on retient comme une des
révolutions possibles celle des mentalités,
c’est « oui ».

Ceci dit, l’analyse est délicate, tout
simplement parce qu’il y a des « données
manquantes ». Ce que l’on sait de
la diplomatie internationale, du jeux du
capitalisme, de la lutte des classes mondiale...
est partiel pour des militants
comme nous (ni le Pentagone, ni
l’Elysée, ni la Bourse... ne prennent la
peine de nous informer de leurs intentions...).
C’est donc à travers un décryptage
(qui fait appel à l’expérience, à la théorie,
à la culture...) que nous cherchons
à appréhender la réalité, à l’analyser, à la
comprendre... pour tenter de la changer.

C’est ce que nous faisons au quotidien
et c’est déjà difficile dans les
contextes que nous connaissons.

Or, dans le cas présent, s’ajoute à ces
incertitudes habituelles le fait que d’une
zone à l’autre, les circonstances ne sont
pas identiques et que nous avons plutôt
des représentations que des connaissances
bien fondées sur la vie dans ces
pays. Ce qui majore le risque d’interprétations
erronées et cela d’autant plus
qu’il s’agit - de mon point de vue du
moins - d’événements radicalement
nouveaux. Or, dans de tels cas, les
grilles d’analyse précédemment utilisées
(et les « réflexes » militants qui en
découlent) ne gardent pas forcément
toute leur pertinence...

Bref, il n’est donc pas étonnant que
les opinions soient contrastées. Dans
une organisation comme la CNT-AIT,
où il n’y a ni « polit bureau » ni « chef »
pour décréter la « vraie vérité », la lumière
se fait par le débat et par les échanges
d’opinions. Les pages qui suivent en
présentent deux (plus un témoignage),
peut-être pas totalement congruentes,
encore que pas si éloignées que ça l’une
de l’autre. Ce sont autant d’éléments
d’un débat qui se poursuivra par tous les
moyens (camping, bulletins...).

Reste que ce débat, pour intéressant
qu’il soit, ne doit pas en masquer un
autre : faut-il soutenir ?

Pour certains, « dans la mouvance »,
les conditions d’un soutien ne seraient
pas réunies : ces mouvements ne sont
pas totalement spontanés (puisqu’ils
« profitent » d’un changement de la
diplomatie occidentale [2]), ils ne sont pas
purement « prolétariens », ils ne sont
pas radicaux, et en plus, ils sont violents...
la liste des reproches glanés sur
internet et dans la presse est longue !

C’est vrai. Mais, et alors ?
Faudrait-il, pour que des révolutionnaires
consentent à soutenir un mouvement
social, qu’il se déroule dans l’environnement
diplomatique mondial le
plus hostile possible, se compose d’une
seule classe sociale (« pure »), se revendique
d’une idéologie révolutionnaire
homogène, soit 100 % radical d’emblée
et qu’en plus, il soit pacifique, non-violent...
même si le pouvoir lui tire dessus
 ? [3]

Révolution ou pas,
La contre-révolution est là

Soyons sérieux. D’abord personne
ne peut nier que les pays touchés par ses
mouvements soient d’affreuses dictatures*
 [4]. Les soulèvements sont donc légitimes
et, déjà pour cette seule raison,
méritent notre soutien.
Ensuite, il est clair qu’ils constituent
une cassure historique aussi importante
que, voici quelques années, l’effondrement
du bloc de l’Est, et on voit mal
pourquoi l’enthousiasme qui a accueilli
le mouvement des uns*4 serait refusé
aux autres.
Enfin, qu’il y ait révolution ou pas, il
y a contre-révolution (même si elle est
« préventive ») : si certains gouvernements
ont été pris de court, d’autres
réagissent et massacrent toute idée de
changement (et encore plus de révolution)
de la manière la plus efficace qui
soit, en assassinant des révoltés par
milliers. Ces révoltés on droit à notre
totale solidarité.

Nous pouvons - nous devons -
continuer à débattre, à faire de la critique
(ce qui, rappelons-le, consiste à
dénoncer les aspects négatifs et à relever
ceux qui sont positifs). Mais, ne
soyons pas contre-productifs ! Notre
presse est lue dans ces pays. Une critique
trop acerbe, trop catégorique, parfois
un peu occidentalo-centrée peut
conduire au découragement là où
l’espérance est indispensable, elle peut
fermer des portes alors qu’il s’agit de les
ouvrir. S’il y a des faiblesses dans les
mouvements actuels - et comment n’y
en aurait-il pas ? - notre problématique
doit être : que pouvons-nous apporter,
comment devons-nous le faire (dans la
faible mesure de nos moyens) pour
aider à les surpasser ?

Il est déjà prodigieux que dans des
dictatures sanglantes, des masses
d’hommes et de femmes, jusqu’ici
muselées par la répression, par la religion,
par les médias... soient arrivées à
passer de la peur chronique et de la soumission
au courage et à l’affirmation de
leurs droits et dignités. Ceux qui ont
déjà fait cela ont la capacité d’aller plus
loin. Et, oserai-je le dire, pour ma part,
tout révolutionnaires que nous sommes,
je serais très heureux (et même fier) si,
ici, nous arrivions à en faire la moitié...

X.F

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