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Bienvenue aux étrangers

Publié le 9 mai 2011

Le débat politique n’est plus qu’un alignement de chiffres : à
celui de la dette répond celui des quotas ; à celui de la croissance
fait face celui du chômage... et ainsi de suite. Les uns
brandissent les profits, les autres les pertes ; mais chaque
alignement de chiffres n’est qu’un prétexte pour opprimer un
peu plus l’humanité. Comment parler de démocratie quand le
discours politique se réduit à une si mesquine comptabilité ? Le
taux d’abstention, de plus en plus élevé à chaque élection, ne
progresse pas ainsi par hasard : il traduit le refus de cet esprit
boutiquier. Il en constitue une véritable remise en question.

Tyrannie des Chiffres :
Comment les Politiciens ont Enterré la Créativité

Actuellement, ce que l’on nomme politique n’est plus qu’une affaire de
« représentants » entre eux. Les « élus », les « experts », les « people » et autres
« grands journalistes » se sont constitués en classe sociale, en caste même,
séparée du commun de la population, séparée du « demos ». Ils se reproduisent
entre eux et sont, dans le fond, d’une impressionnante homogénéité
idéologique.
Reproduction entre eux, que l’on pourrait qualifier de consanguine
(comme pour les anciennes monarchies), oui, puisque du Parti communiste au
Front national, en passant par les syndicats, le monde du spectacle et celui de
la presse en passant par celui de la finance et d’une certaine pègre « haute de
gamme » [1], on ne compte plus les « fils ou filles de... » qui succèdent à leur
père ! Homogénéité idéologique encore plus, puisque ces individus sont les
producteurs et les détenteurs des chiffres. Ce sont eux qui les choisissent [2], ce
sont eux qui les font parler, ce sont eux qui imposent l’ordre des choses. Ils
sont tellement pareils, tellement frères et soeurs que même la variété apparente
des partis en présence et la multiplicité des candidats ne parvient plus à cacher
l’héritabilité du pouvoir et de l’argent.
Cette réduction du champ de l’exercice du politique à une caste d’individus
qui voudrait faire croire que « ce sont les choses qui décident » et non les
hommes [3], s’accompagne de la réduction effrayante de la créativité dans tout
le champ sociétal avec toutes les conséquences négatives que cela comporte.
L’absence de perspectives collectives et les angoisses individuelles qui
découlent de ce rétrécissement de la pensée, produisent une société de la peur,
véritable antithèse d’une société humaine et libre.
Ce à quoi nous assistons c’est l’enterrement de toute créativité, de tout
imaginaire, de tout idéal. C’est le triomphe de la mesquinerie généralisée, telle
qu’elle fut introduite en France dès les années 80 par les partis de gauche alors
au pouvoir. On se souvient de la phrase scandaleuse, lancée par un certain
Michel Rocard, alors Premier ministre [4] lequel avec sa « France qui ne peut pas
accueillir toute la misère du monde » a commencé à jouer la politique du repli sur
soi et a endossé sans complexe le rôle de fossoyeur du mot d’ordre de Mai 68
« L’imagination au pouvoir ».
C’est dans le cadre du rabougrissement idéologique actuel que l’on peut
comprendre en Europe le succès relatif des partis « nationaux-xénophobes »
(ou, ce qui revient au même, en Belgique, Italie, Espagne et ailleurs, « régionalistes-
xénophobes »). Ils sont l’aboutissement logique de cette restriction
intellectuelle et mentale, de cette réduction du champ de l’imaginaire collectif
et humain. Leur émergence se situe dans le droit fil d’une société qui se fige,
qui assure la reproduction de père en fils (ou en filles) du pouvoir politique et
financier, qui promeut les « valeurs » traditionnelles, les coutumes locales, les
parlers régionaux... et toutes choses susceptibles d’enfermer les individus dans des cercles de plus en plus réduits. Ils sont les marqueurs
d’une société et d’une politique dont, finalement, le
seul projet réel est un rabougrissement interminable. D’une
société dans laquelle se multiplient les interdits et les obligations
infondées.

D’une société qui vise à satisfaire les plus
aigris en renforçant leur aigreur. D’une société où chaque
échéance électorale n’est qu’un pas supplémentaire vers la
déchéance morale. Quand des policiers n’hésitent plus à tendre
des pièges contre des réfugiés tunisiens, coupables de
n’être que ce qu’ils sont, de simples être humains venus
chercher du réconfort auprès d’une antenne de la Croixrouge
(comme cela s’est produit dernièrement en plein
Paris), un pas de plus dans l’abjection a été commis. Dans
cette société, la classe politicienne a fini de fermer toutes
perspective généreuse, parce qu’à court terme, il est plus « 
rentable » électoralement d’en appeler à la bassesse qu’a la
grandeur de l’humanité.

Grandeur de l’homme :
Il y a des moments où Devoir c’est Pouvoir

Toute façon de concevoir la politique est liée à la conception
que l’on se fait de l’Homme. C’est pourquoi l’helléniste
Jacqueline de Romilly a consacré, peu avant de
décéder, son dernier livre à la « Grandeur de l’Homme »,
grandeur qu’elle définit, dans le champ de la démocratie,
comme une opposition aux égoïsmes : « Toutes les erreurs politiques
viennent en fait de l’égoïsme avec lequel chacun intervient sans
souci du bien commun » [5].
A la différence de ce que supposaient
les idéologies dominantes du XXe siècle, ce combat concerne
l’homme du présent, capable de son propre dépassement
dans une action qui passe par
chacun, une action qui consiste à
cultiver cette grandeur de l’homme
en combattant l’égoïsme, en remettant
en avant la notion de
générosité, ici et maintenant, chacun
et ensemble.

A la lumière de ce propos, on
comprend qu’il existe deux façons
de répondre aux problèmes posés
par une actualité internationale
aussi intense que tragique. La première,
celle de la classe politicienne,
consiste, en mettant en avant les
fameux « chiffres », à exclure et à
éliminer toujours plus d’êtres
humains [6]. C’est fondamentalement une erreur politique
parce que, menée dans toute sa logique, elle aboutit à la conclusion
absurde d’une humanité qui ne serait plus dans
l’Homme. La seconde est d’appréhender cette actualité difficile
comme l’opportunité de renouer avec le cours historique
de la pensée politique universelle, généreuse et
humaniste, qui a traversé les siècles jusqu’à nous, celle dont
l’action consiste à se dépasser soi- même et collectivement.
Comme en toute chose, il faut savoir par quoi commencer.
Remarquons d’abord comment les politiciens s’appliquent
à dire ce que nous ne « pouvons » pas faire. Ce n’est
pas pour rien qu’ils avancent « pouvons » et pas « voulons »
(alors qu’en réalité on peut, mais ce sont eux qui ne veulent
pas). Un premier pas est d’affirmer le contraire. D’affirmer
que chacun peut faire quelque chose, avec ses moyens, qu’il
peut le mettre en commun avec les autres pour que, au fur
et à mesure, se généralise une prise de conscience de cette
capacité collective. La proclamation de tout ce que nous
pouvons faire, donnera à tous une force telle qu’elle se
traduira par un élan collectif à la mesure des enjeux actuels.
Il y a des moments où devoir c’est pouvoir. Dès aujourd’hui,
affirmer chez soi, dans son quartier dans son entreprise,
que, oui, on doit être capables de secourir et d’accueillir
toutes les victimes des guerres et des catastrophes, à qui
l’on peut tendre une main et des millions de mains, c’est
contribuer à changer d’état d’esprit, celui qui raisonne non
pas à partir de chiffres « prévus pour » mais en fonction de
ce qui doit être fait pour le bien commun. Dès maintenant,
dire bienvenue à tous les habitants de la planète qui sont en
souffrance, c’est défier tous les boutiquiers de la politique,
c’est poser que nous pouvons en finir avec la misère dans le
monde parce que nous le devons à nous mêmes autant
qu’aux autres.

Alex

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