Mon métro en patois

Publié le 17 janvier 2010

Métro Capitole. Ça va, il n’y a pas trop de monde. Je m’installe dans la rame.

Tout de suite après, une brave dame : « Macarel ! Mais en quoi il cause le métro aujourd’hui ? C’est de l’Allemand ou quoi ? Ils sont revenus ? Ne me faites pas peur, déjà que je suis en pleine ménopause ! ».

Un gros monsieur : « Non, Madame, je vais vous expliquer, c’est de l’Occitan, je le sais, je suis professeur à l’université ».

La dame : « Laquelle, celle qui est fermée tout le temps à cause de la grève ? Et à quoi ça sert, que le métro il parle occitan comme vous dîtes ? ».

Moi : « Comment, vous savez pas ? C’est pour le commerce international et le développement de Toulouse. Paraît qu’en Chine ils parlent plus que ça. Grâce à la sensibilisation que leur offre le métro, vos enfants, ils pourront aller y travailler, en Chine, dès la semaine prochaine ».

Un autre monsieur, goguenard : « Et aux USA c’est pareil. Dans les universités, tous les cours sont en Occitan. Voyez si c’est utile. Et je vous parle même pas de l’aéronautique et des industries de pointe : c’est tout en Occitan aussi. D’ailleurs, la prochaine fois que vous achèterez un Boeing, vous pourrez le vérifier, madame : toute la notice, elle est en Occitan ».

La dame : « C’est que j’en achète pas souvent, moi, des choses comme vous dîtes, pardi, c’est pour ça que j’étais pas au courant. Enfin, ça m’a l’air bien utile quand même ... ».

Le professeur, reprenant ses esprits : « En Chine et aux USA, je suis pas tout à fait sûr, mais grâce à l’Occitan, vos enfants, ils pourront se faire comprendre dans toute notre vaste et belle région ».

La dame : « Si c’est pour aller à Poucharamet, merci bien, on y va déjà tous les dimanches, chez ma belle-soeur, et on a encore pas besoin d’un traducteur. On aurait plutôt besoin d’une bonne cuisinière, parce que son pain chinché, à ma belle-soeur, ça me mets de ces renvois qu’on dirait la station d’épuration de Ginestous ... ».

Le professeur : « Enfin, c’est avant tout pour retrouver notre mémoire ».

La dame : « Boudu, ça, j’en ai bien besoin, figurez-vous, qu’hier je savais plus ou c’est que je me les étais mises, les clefs ».

Le professeur, doctoral : « Madame, je parle de notre mémoire historique : quand, à l’école, nos arrière grands-parents parlaient occitan, ils étaient punis. C’était des victimes. En parlant occitan dans le métro, nous les réhabilitons ».

La dame : « Héhé, ma grand-mère à moi, elle était sourde-muette, la pauvre femme. On te l’a forcé à faire comme si elle parlait (on dit « oraliser » chez les savants) à grand coup de ceinturons. Et elle, vous allez la réhabiliter ? ».

Le monsieur : « Moi, j’étais gaucher. À l’école, ils m’attachaient la main gauche dans le dos, pour m’obliger à écrire de la main droite, avec des grandes boufes dans la gueule. Vous allez me réhabiliter aussi ? ».

Moi : « Pauvre professeur, pour réhabiliter toutes ses victimes, il va vous falloir parler Occitan en langue des signes et rien qu’avec la main gauche ».

Pendant que le Professeur me regarde d’un air dubitatif nous passons sous la Garonne. Ça n’a l’air de rien, mais sur le plan philologique, ça change tout : d’un côté, c’était le Languedoc, et de l’autre, la Gascogne. Deux langues plus différentes que le Français et l’Espagnol, et avec une prononciation qui n’a rien à voir. Et que croyez vous qu’il se passe ? Rien. La même voix hurle exactement avec la même prononciation dans les wagonnets du métro.

Je le fais remarquer au cher professeur : « On est pas en Gascogne ? ».

Lui : « Et alors ? ».

Moi : « Mais, ça devrait plus être la même langue ! ».

Lui : « Hou ... mais, si on se met à parler les uns en Gascon, les autres en Languedocien, on va plus se comprendre ! ».

La dame : « Quoi, vous êtes même pas fichus de vous comprendre entre vous ! Je vais vous le dire, tout professeur que vous êtes, vous me faîtes l’impression d’une glousse qui a trouvé un clavier d’ordinateur. Votre Occitan, té, vous pouvez le mettre à la bedoucette ».

Le professeur qui parle Occitan mais manifestement pas le Toulousain : « C’est quoi, une bedoucette ? »

Le petit de Marinette (En pur toulousain dans texte)

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