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Petits échauffements de rentrée...

Publié le 29 septembre 2009

Il est bon de constater qu’en cette rentrée où tout semble aller de mal en pis, une partie des stratégies de lutte adoptées au printemps dernier se trouve réaffirmée avec force. Une partie, mais non des moindres, puisque c’est celle-là même qui, dans les faits, se révèle être la plus efficace.

L’exemple nous est en effet donné, une nouvelle fois, par la pugnacité des parents d’élèves dans les écoles. Une pugnacité qui ne doit rien aux organisations syndicales ; mieux : qui précisément parvient à imposer son efficacité pour cette raison qu’elle ne doit rien aux organisations syndicales.

Contrairement à ce qui nous est présenté par les divers médias d’information - ne nous y laissons pas tromper - les écoles en question ne sont pas le théâtre de « séquestrations », pas plus qu’elles ne sont simplement bloquées. Le blocage n’est encore qu’une manière négative et partielle de présenter les choses ; ce n’est tout au plus qu’une conséquence. Les écoles qui, dès la rentrée, ont commencé de faire parler d’elles, sont bel et bien, ni plus ni moins, occupées. Spontanément et librement.

Ainsi le cas, parmi d’autres, d’une école qui a vu, dès la semaine du 7 septembre, s’installer des assemblées de lutte dans ses locaux, de nombreux parents prendre possession des lieux sans aucune directive syndicale, pour protester contre les suppressions de postes et de classes. Or, comme à chaque fois, lorsque la décision est spontanée et la parole libre, sans « représentant de métier  » pour pré-mâcher et limiter les revendications, la visée commune dépasse immédiatement le cadre habituel des préoccupations syndicales, à la fois dans le discours et dans les actes.

Aussi n’est-ce pas seulement des cas particuliers qu’il est question, ni même de l’école considérée isolément, mais d’une logique générale, politique et sociale. C’est bien d’une telle logique et d’un tel modèle - celui du profit et de l’inégalité - qu’un inspecteur s’est vu accuser d’être responsable, parce que complice, avant de se faire sèchement rabrouer. Et dans les faits, les parents d’élèves n’hésitent pas à opposer la logique de la solidarité, et du vivre-ensemble, à celle de la séparation. Ils passent la nuit dans l’école, campent avec les enfants, passant outre les habituelles consignes sécuritaires (vigipirate...), sans être inquiétés le moins du monde. Ce sont les actes qui, dès lors, font droit.

Ailleurs en revanche l’entrée en scène des forces de l’ordre ne s’est pas fait attendre. La tenue de négociations étant elle-même une facette de cette entrée en scène : outil évident, simple, toujours à disposition, de pacification. En Ariège, à Laroque d’Olmes, après 24 heures d’occupation, l’inspecteur d’académie se présente et insiste pour que les trois institutrices en grève participent à la délégation de négociation. A leur arrivée, elles sont piégées et isolées par les gendarmes. A Pompertuzat (Haute-Garonne), une mère explique que les cinq enseignantes de l’école maternelle sont retournées chez elles « libérées sous la contrainte et la pression de la gendarmerie ». Toujours est-il que le mouvement se poursuit et que d’autres actions sont à venir. Parents d’élèves et enseignants restent déterminés. Dans les Alpes maritimes, même mouvement d’occupation, même détermination.Même détermination aussi chez les parents qui s’organisent contre la biométrie.

Et si, peut-on lire dans les journaux qu’une délégation «  a été reçue par l’inspecteur de l’éducation nationale », le verbiage administratif trompe de moins en moins de monde. Quand l’administration demande la levée des blocus « au nom des principes d’égalité républicaine », l’effet comique est grand ; car pour nos dirigeants, « Égalité républicaine » veut dire en l’occurrence : obéissance et profil bas ! Ou la soumission de la majorité à un petit nombre de chefs chargés de faire régner l’ordre. Un bien joli retournement, qui décrit parfaitement l’état actuel des choses.

C’est cet état de choses qu’il s’agit de renverser en retour. C’est lui, tout entier, en bloc, que les écoles occupées refusent. Qu’on ne se méprenne pas : il ne s’agit pas de dire que tout est fait, que rien ne reste à faire, mais plutôt que c’est là le commencement. L’égalité, la fraternité, sont, dans les actes, du côté des occupations et des assemblées autodéterminées, du côté de la pratique mise en œuvre par les parents d’élèves. Cette pratique, c’est d’emblée le sens du renversement révolutionnaire en acte. S’il faut d’un mot la définir, ce n’est pas autre chose que l’anarchosyndicalisme, en chair et en os.

Si c’est fermé, faut réouvrir !

En cette rentrés scolaire l’Académie avait prévu 65 fermetures de classes à Toulouse. Si, dans leur majorité, ces fermetures se sont déroulées dans une certaine résignation, il y a eu des lieux où elles ont entrainé des réactions inattendues. Le ministère de l’ Education Nationale n’avait pas fini de féliciter ses services pour le calme exceptionnel de ce début d’année scolaire que plusieurs occupations d’école, menées tambour battant, faisaient l’effet d’un coup de tonnerre dans le ciel serein de l’administration !

A l’école de la Juncasse la suppression d’un classe de Cours Préparatoire pour cause de baisse d’effectifs devait ainsi passer comme une lettre la poste... C’était sans compter sur la détermination des parents. Pour les technocrates, le lundi 7 septembre, c’était bouclé. L’école de la rue Louis Plana n’aurait plus que 9 classes. L’institutrice affectée à la dixième pouvait faire ses bagages : ses collègues se débrouilleraient pour la répartition des enfants. Quant à ces derniers et aux parents ils n’avaient qu’a subir et se taire. Mais le jeudi suivant, virage total : la dixième classe reste en place.

C’est qu’entre-temps, le mardi 8, la situation avait basculée : En l’espace de quelques heures, les familles se sont mobilisées de la façon la plus efficace qui soit à la base et sans attendre qui que ce soit. Il faut préciser que dans cette école, tout l’an passé, beaucoup de parents avaient participé a divers mouvements de contestation. Ils avaient été dans les marches aux flambeaux organisées en dehors des syndicats et avaient soutenus massivement les enseignants désobéisseurs. La dynamique de l’ensemble s’exprimait dans un comité de lutte ; tout ceci alors même qu’il n’y avait aucun problème spécifique au sein de leur école. Dans le comité, les discussions tournaient aussi bien sur les problèmes pédagogiques que sur l’actualité sociale et se concluaient par l’organisation de petites actions conviviales et de solidarité dans le quartier.

Aussi, la décision brutale de l’ Inspection académique allait-elle se heurter frontalement à ce réseau local de personnes, de voisins, qui, de proche en proche, s’est habitué à une activité collective sur le terrain social. Il n’aura fallu qu’une poignée d’heures pour que l’information de la fermeture d’une classe circule comme une trainée de poudre dans les foyers paisibles. Déjà les plus matinaux, une poussette d’une main une ficelle de l’autre, suspendent la première banderole tandis que d’autres vont imprimer des affichettes et des pétitions, ou encore prennent contact avec les médias. Pour tous, entre le café et la pointeuse, c’est le moment de mettre son petit grain de de sable dans les rouages du rouleau compresseur !

Dés le matin, le bureau du directeur de l’école est occupé De là, l’ Inspection académique reçoit en continue des pétitions, des réclamations. A 11 heures, un inspecteur passe, essaie d’intimider quelques personnes au prétexte que le matériel informatique de l’école n’est pas à leur service - mais au service de qui est-il donc, si ce n’est a celui du contribuable, lui répond un parent ? Le même inspecteur revient vers 15 h et devant une vingtaine de parents commence à leur faire un cours sur les nécessitées comptable de l’organisation du désordre actuel. Il manquerait, à ces dires deux ou trois enfants pour faire le compte réglementaire et maintenir la classe fermée. Son speech est peut être adapté aux salons feutrés où l’on négocie avec les divers représentants. Il ne l’est pas du tout pour convaincre des gens excédés d’avoir à supporter les diktats de « l’élite ». Au bout d’une heure quand il ressort, livide, il a compris qu’il n’y aura pas d’apaisement sans retour à la normale : les parents lui ont très clairement signifié leur révolte.

Dés lors, l ’école continue de s’organiser. A 18 heures, c’est l’Assemblée. Les choses vont vite. Peu de discours, Du concret. Qui peut occuper les lieux dés ce soir ? Qui peut venir occuper demain ?... Il n’y a pas 24 heures que dans un obscur bureau une décision arbitraire était prise, qu’en face d’elle se dressent les bras qui vont la réduire a néant. Moi ! Moi ! ... Chacun s’inscrit pour prendre les tours dans l’occupation. Des matelas sont jetés au sol, de grandes tables sont déplacées à l’extérieur. Le but est clair : il faut montrer au quartier qu’ici on lutte pour les enfants. Alors, des décorations lumineuses sont accrochées aux grilles, une corde est tendue au dessus de la rue Plana pour y suspendre des oreillers. On s’installe et on y prend goût .

Déjà des voisins passent, des parents d’autres écoles proches nous rejoignent. Leur présence est un signe fort de solidarité et de potentiel. En quelques heures l’occupation, le blocage, et même l’irrévérence sont devenus naturels ; « Non au doigté rectoral », lira t-on sur un panneau lors de la petite manifestation du lendemain.

Cette spontanéité, cette rapidité, cet élan a déstabilisé et fait reculer l’administration. Le CDEN (Comité départemental de l’éducation nationale) du Jeudi est revenu en arrière : il n’y a aura que 62 suppressions de classes ; celles de Juncasse, Jolimont (l’école voisine) et Courréges sont préservées. Certes, l’inspecteur d’académie a bien pris soin de préciser à la presse que si ces classes étaient préservées, ce « n’était pas parce que les parents s’ étaient mobilisés mais tout simplement parce qu’il y a les effectifs ». Mais ici, cela ne trompe personne. Surtout pas ceux qui ont écouté l’explication comptable du représentant de ce même inspecteur d’académie l’avant-veille... Pour le reste, s’il y avait les effectifs (pas un seul élève de plus n’était inscrit à l’école le jeudi par rapport au premier jour !), pourquoi avoir remis en question l’existence de cette classe ? Ils ne savent pas compter jusqu’à 25, les inspecteurs d’académie ? Tout ceci est d’autant plus « curieux » que pour justifier la fermeture d’une classe dans le village de Pompertuzat (toujours en Haute-Garonne) l’inspecteur d’académie annonce que « aprés cette fermeture il reste quatre classes a 26 élèves, ce qui reste en dessous de la moyenne départementale ».

Sachant qu’a la Juncasse il y a 10 classes pour un peu moins de 240 élèves inscrits (donc, en moyenne, un peu moins de 24 élèves par classe) et que sur c constat l’inspecteur déclare qu’il rouvre la classe qu’il vient de fermer « tout simplement... il y a les effectifs » mais qu’à Pompertuzat, où il y a 26 élèves par classe ce même inspecteur maintient la fermeture... parce qu’il n’y a pas l’effectif...

Vendredi soir, tout le monde (enfin, presque, l’inspecteur d’académie avait oublié de venir) a bu le verre de la « victoire ». A ma grande surprise, je n’étais pas seul à regretter que cette lutte s’achève aussi vite : on commençait à s’amuser bien, nous avions encore d’autres actions conviviales prévues, avec les moyens de les étendre à d’autres écoles. De plus, nous le savons tous au fond de nous, le pouvoir n’a reculé ici que pour mieux nous manger ailleurs ; et c’est bien pour cela que nous devons continuer à nous organiser à la base pour défendre nos droits et nos libertés.

Pascal

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