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Il n’y a pas que les clous qui soient tordus

Publié le 15 avril 2008

Le 19 janvier dernier, trois personnes ont été arrêtées dans le Val-de-Marne. Elles sont depuis mises en accusation pour “association de malfaiteurs”, “détention et transports d’engins incendiaires ou explosifs en vue de détruire des biens ou de commettre des atteintes aux personnes”. Bigre !

- “Association de malfaiteurs”, ont-elles détourné des millions, comme tant de vulgaires politiciens et de grands patrons ? [1]

- “Détention d’engins explosifs”, ont-elles construits subrepticement une centrale nucléaire, ont-elles préparé un petit Tchernobyl ? [2]

- “Explosifs en vue de détruire des biens”, ont-elles, comme Elf-Total-Fina, entreposé aux portes d’une ville de quoi tuer d’un coup plus de trente personnes et éventrer des milliers d’habitations (ce qui est le bilan, très partiel, de l’explosion de l’usine AZF à Toulouse) ? [3]

Que nenni. Les personnes arrêtées, oyez braves manants la gravité des faits, possédaient :
- premio un fumigène fait maison,
- deuxio des pétards,
- et tercio et derniero... des clous tordus.
Ouf. Heureusement, elles n’avaient pas, en plus, deux ou trois punaises rouillées, car là, ça devenait vraiment grave [4].

Bref, tandis que nos aimables chasseurs français gambadent en toute innocence dans la nature armés jusqu’aux dents, tirent sur tout ce qui bouge et réussissent à tuer, bon an mal an, une dizaine de promeneurs et de cueilleurs de champignons, voici nos trois jeunes gens poursuivis pour détention de clous tordus [5].

Il est vrai que, ces personnes étant fichées pour leurs idées politiques par la police, la garde-à-vue de 48 heures, la perquisition en vue de ravager leur appartement et le recours à la section anti-terroriste coulaient de source. Tout de même, ayant senti le ridicule d’une poursuite pour "terrorisme par clou tordu", la section anti-terroriste s’est désengagée... mais les inculpations restent.

Reste aussi une des opération médiatique les plus minables qu’on ait vu depuis longtemps. Ce n’est pas ici que l’on s’étonnera du rôle joué par les médias. Nous n’attendons d’eux ni la moindre honnêteté, ni de la rigueur intellectuelle, ni même un simple recul. Mais ici, ils se sont carrément laissés aller à des "copier/coller". Du titre ravagé du Parisien, “Les anarchistes transportaient une bombe en kit” (22 janvier 2008) à ce que beaucoup de lecteurs ont d’abord pris pour une “publi-rédaction” du ministère de l’intérieur (avant de comprendre qu’il s’agissait d’un “article”) dans le Monde (2 février), la “source” des informations est manifestement unique. Pas besoin de beaucoup se remuer les méninges pour comprendre de quel marigot elle sort. Certes, pour trois clous tordus et un fumigène, il n’y avait pas de quoi mobiliser les grands plumes, mais nos médias auraient au moins pu mettre un stagiaire sur le coup. Il aurait rapidement appris que les personnes arrêtées se rendaient à une des nombreuses manifestation contre les centres de rétention. Ces rassemblements, et notamment celui de Vincennes où elles allaient plus précisemment, ont été agrémentés à plusieurs reprises par l’utilisation de fumigènes, de feux d’artifices et autres pétards pour dérouter la police et signaler aux retenus qui luttent à l’intérieur la mobilisation à l’extérieur : ce fut le cas le 31 décembre, tout comme le 3 janvier, le 5, le 19 et encore plus récemment le 2 février. Pas difficile donc de deviner à quoi pétards et fumigènes étaient destinés. Quant aux clous tordus, ils évoquent plutôt des "crèves-pneus" que des armes de destruction massive.

D’ailleurs, plutôt que de tant parler de ces fameux fumigènes et des clous tordus, c’est bien d’un coup tordu qu’il faudrait d’abord parler. Un coup tordu politico-policier qui a pour objectif évident d’essayer d’enrayer la lutte contre les centres de rétention et plus généralement contre l’oppression. Un coup tordu auquel doit répondre la solidarité la plus ample.
Papy Nou

Pour tout soutien à ces trois personnes, s’adresser à Kalimero : Kalimeroparis@gmail.com
Pour l’aide financière, utilisez le compte du Crédit Mutuel 10278 06 137 000 204 71 901, clef 07

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