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FAIRE AVEC L’ÉCOLE POUR NOTRE PROJET ANARCHISTE

Publié le 27 avril

Dans un précédent numéro d’Anarchosyndicalisme  !, nous avons vu, sans oublier ses maints défauts, que l’École-Éducation nationale n’est plus le lieu de formatage, d’endoctrinement et de reproduction sociale qu’elle était jusqu’à la fin du 20ᵉ siècle, et nous avons admis qu’une grande majorité des personnels travaillant en son sein se vouent, autant que possible, malgré les lourdeurs et entraves du système scolaire d’État, à l’épanouissement des jeunes, partageant en cela (souvent sans le savoir) nos idéaux pédagogiques, voire politiques. En conséquence de quoi, il semble que, de diverses façons, nous puissions désormais « faire avec l’École » et l’instruction obligatoire en faveur de notre projet révolutionnaire anarchiste (instaurer une pédagogie libertaire et œuvrer à l’avènement de la société anarchiste) plus facilement qu’il ne l’était possible autrefois, profitant des brèches qui nous sont ouvertes si :

1) Pour cela, je propose en préalable que nous nous interdisions tout discours qui ne serait que négatif à l’encontre de l’École et de l’instruction obligatoire, car les conséquences d’une telle position pour les jeunes qui nous lisent ou nous écoutent, pourraient être de les pousser à rejeter celles-ci sans chercher d’autre solution d’instruction, ce qui serait forcément dommageable pour eux sachant que, dans la société actuelle, la plupart des décrocheurs scolaires non diplômés sont voués à l’exclusion sociale ou aux emplois précaires et à l’exploitation, voire pour une minorité d’entre eux à la délinquance. Or, nous ne sommes ni cyniques ni nihilistes : nous n’avons pas pour but de conduire les jeunes dans une impasse et/ou dans une situation misérable au nom de notre lutte contre l’État et ses institutions. C’est pourquoi toutes nos critiques de l’École et de l’instruction républicaines doivent s’accompagner de propositions concrètes, positives et abordables dès aujourd’hui (et non pas seulement pour la société anarchiste à venir), pour l’instruction des jeunes, que ce soit en dehors ou au sein de l’actuel système scolaire d’État … Et quant aux jeunes (et leurs parents) qui ne se satisferaient pas de nos propositions ou pour qui elles ne seraient pas adaptées, nous ne saurions trop les encourager à « faire avec l’École publique », à s’efforcer d’y profiter de tout ce qui s’y trouve de positif et d’intéressant pour eux et pour leur avenir, car pire que de subir l’École-Éducation nationale et l’instruction obligatoire serait de les fuir sans recevoir par ailleurs une instruction permettant plus tard de vivre confortablement et librement au sein de la société actuelle…

2) Cela étant dit, il me semble qu’en tant qu’anarchistes, la solution la plus facile et le plus cohérent que nous ayons à proposer pour éviter aux jeunes la scolarisation d’État, se trouve dans le boycott [1] de ses établissements scolaires par la promotion de l’instruction (libertaire) en famille. Cela nous placerait en effet en accord, d’une part, avec notre affirmation selon laquelle l’État est peu efficace en toutes choses, instruction des plus jeunes comprise, et, d’autre part, avec notre confiance en l’autonomie et en la responsabilité des individus, dont celle des jeunes. Nous pourrions donc, au nom de l’anarchie, devenir une force de soutien pour les jeunes (et leurs parents) faisant le choix de l’instruction (libertaire) en famille, à l’instar d’associations, quant à elles apolitiques, comme Les Enfants d’Abord (LED’A) ou Libres d’Apprendre et d’Instruire Autrement (LAIA).

En dehors de cette option radicale, nous pouvons aussi résister, lutter et agir au sein même de l’Éducation nationale.

3) Nous pouvons ainsi encourager les jeunes anarchistes intéressés par cette voie professionnelle à orienter leurs études vers l’accès aux métiers de l’enseignement afin qu’ils mettent en place dans les classes et établissements scolaires publics, une fois devenus enseignants, une pédagogie libertaire comme le font actuellement au sein de l’Éducation nationale de nombreux adeptes de pédagogies alternatives (pédagogies Freinet, Montessori, Oury ou Collot [2] ; classes coopératives et/ou inversées, ouvertes, uniques ou multiniveaux ; école du 3ᵉ type, etc.), sachant que, du fait de la liberté pédagogique [3] garanties à chaque enseignant, chaque professionnel de l’Éducation nationale est libre d’organiser sa gestion de classe et sa pédagogie comme il l’entend et notamment de les cogérer avec les élèves. De plus, il faut savoir que l’Éducation nationale permet aux enseignants partageant les mêmes convictions pédagogiques de se regrouper au sein d’un même établissement, par le jeu des mutations, jusqu’à établir un projet d’établissement conforme à leurs convictions pédagogiques communes, auxquelles devra souscrire ensuite tout enseignant postulant pour un poste dans cet établissement [4]. Au sein de l’Éducation nationale, nous pourrions ainsi favoriser l’émergence d’un réseau croissant d’enseignants et d’établissements scolaires appliquant une pédagogie libertaire, qui rendrait actif, visible et probant notre projet anarchiste.

4) En tant qu’anarchosyndicalistes, nous pouvons aussi promouvoir la pédagogie libertaire et nos idéaux auprès de tous les enseignants de l’Éducation nationale en leur adressant nos écrits (revue ou simple lettre, mensuelle ou occasionnelle), individuellement ou de façon groupée à l’adresse de chaque établissement scolaire, selon nos moyens financiers et humains, comme le font d’autres syndicats, avec l’espoir que de plus en plus d’enseignants se mettent à appliquer une pédagogie libertaire et rejoignent notre mouvance anarchiste, voire notre syndicat.

5) Si le nombre d’enseignants libertaires au sein de l’Éducation nationale venait à grandir, nous pourrions peu à peu créer [Il est vrai que cela est plus facile à réaliser en écoles primaires qu’en collèges et lycées où le nombre d’enseignants est plus grand et le mode de nomination des personnels de direction différent. Mais des lycées expérimentaux, toujours existant, aux pédagogies alternatives ont déjà pu s’ouvrir au sein de l’Éducation nationale : lycée expérimental de Saint-Nazaire, lycée autogéré de Paris, Collège-Lycée expérimental d’Hérouville-Caen, Centre expérimental d’Anduze-Gard, Lycée expérimental polyvalent et maritime d’Oléron (LEPMO). Cf. « Vive l’Education », Colloques, ACL, 1988]] des établissements scolaires sous-contrat (ce qui limiterait les besoins financiers puisque dans cette hypothèse le salaire des enseignants serait pris en charge par l’Éducation nationale) ou hors-contrat [5] (Cela serait bien évidemment l’idéal parce qu’en tant qu’anarchistes, nous voulons nous affranchir de la tutelle de l’État, mais cela poserait le problème du financement des établissements créés d’une part et du salaire des enseignants d’autre part, sauf si ces derniers exercent par ailleurs un autre métier rémunéré leur permettant d’intervenir bénévolement dans nos écoles libertaires) avec ceux d’entre ces professionnels qui, forts de leur expérience pédagogique acquise au sein des établissements scolaires de l’Éducation nationale, souhaiteraient quitter les lieux scolaires d’État pour s’inscrire dans un projet d’établissement libertaire, les établissements scolaires que nous créerions devenant alors des « vitrines » pour nos idéaux et notre projet anarchiste [6], surtout si nous leur donnons des appellations suffisamment explicites par exemple en s’y référant à leurs spécificités et à des pédagogues anarchistes renommés [7] : école autogérée, Francisco Ferrer, communauté d’éducation libre, Jakob Robert Schmid, centre d’éducation intégrale Paul Robin…

6) Nous pouvons aussi conseiller aux jeunes et à leurs parents de revendiquer une pédagogie plus libertaire au sein des classes et établissements scolaires de l’Éducation nationale et de ne tolérer aucune dérive autoritaire d’enseignant ou d’équipe éducative. À chacun de choisir, selon ses convictions, les moyens les plus appropriés d’agir en ce sens : relation directe avec l’enseignant concerné, recours hiérarchique, création d’un comité d’élèves et/ou de parents d’élèves, changement d’établissement, etc.

7) Nous pourrions enfin lutter ardemment contre les établissements privés catholiques élitistes [8] où s’amorce [9] la reproduction sociale des classes sociales dirigeantes, en dénonçant la contradiction entre leurs idéaux religieux proclamés (ceux affirmés par leur messie, tels qu’ils sont relatés dans le Nouveau Testament qui dénonce les inégalités, les riches et le culte de la richesse, le souci de paraitre, de dominer, de s’élever au-dessus des autres, l’individualisme, etc.) et leurs pratiques pédagogiques (sélection par l’argent — du fait de frais de scolarité élevés- et par le dossier scolaire pour n’admettre en son sein que les « bons » élèves issus de familles riches ; notes, classements, élitisme servant à exclure de l’établissement les « mauvais » élèves ; organisation des seules filières générales prétendues d’excellence visant les études supérieures supposées prestigieuses ; bachotage, etc.) par des collages d’affiches et d’autocollants ainsi que des distributions de tracts afin d’interpeler les jeunes [10] dénaturés dans ce genre de lieux malfaisants…

Frédéric B (Lille)

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