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Prendre position

Publié le 1er octobre 2023

La planète brûle. L’Humanité s’entretue. La misère explose, ici même. Nous pourrions noircir des pages pour faire la litanie des douleurs, des injustices, des vols, des viols et des pillages. Mais à quoi bon encore se faire les narrateurs d’une catastrophe qui se déroule sous nos yeux ? Tout le monde le sait, tout le monde le voit. Aujourd’hui, face à l’urgence, il devient vital de prendre position.

Car oui, Macron a raison : « nous sommes en guerre ». En guerre de classe même plus précisément. Warren Buffet le financier milliardaire américain, l’avait déjà exprimé il y a quelques années « Il y a une lutte des classes, bien sûr, mais c’est ma classe, celle des riches, qui fait la guerre. Et nous gagnons. »
Si nous voulons donner tort à Buffet, à Macron et à leur monde, alors nous n’avons pas le choix : nous devons prendre position dans cette guerre.

Mais prendre position, cela veut dire aussi être capable de se démarquer des faux alliés, ceux qui font mine d’avoir pris position, mais qui en fait soit sont le cul entre deux chaises, soit travaillent carrément pour l’ennemi.

Au premier rang des faux amis, il y a tous ces corps intermédiaires, partis politiques, syndicats institutionnels, qui en jouant les médiateurs entre le Pouvoir et la population ou les travailleurs, servent en fait d’amortisseurs à la colère populaire et sociale, finissant par l’étouffer à petit feu à coup d’élections (politiques ou professionnelles) ou de manifs sans lendemain. La mise en scène du mouvement des retraites a été à cet égard un magistral exemple de ce que les syndicats, tous sans exception, sont des faux amis. Prendre position, cela commence – pour toutes celles et ceux qui se revendiquent révolutionnaires – de quitter ces syndicats et partis et de lutter pour un mouvement autonome populaire, sans leader ni porte-parole ou représentant, et qui agit directement, sur les lieux de travail ou de vie. L’éditorial de notre précédent numéro, « lettre ouverte à un compagnon syndiqué » a reçu beaucoup de courriers positifs dans ce sens.

Mais parmi les faux amis, il y a aussi les « réformistes radicaux », qui parlent fort, qui hurlent plutôt, et qui tous se proclamant « anarchistes » se comportent en fait comme les premiers staliniens ou fascistes venus. Il y a 20, ans de cela, Claude GUILLON, qui est décédé cet été, avait posé la question « les anarchistes sont-ils encore révolutionnaires ? », texte que nous reproduisons dans ce journal, Guillon prédisait l’évolution du mouvement anarchiste : non plus un mouvement doté d’un projet révolutionnaire, visant à détruire le système d’exploitation et de domination pour lui substituer une société sans argent, sans État ni salariat, mais un mouvement culturel conservant un patrimoine historique et symbolique, mais sans chercher à le faire progresser, fondé autour de croyances en un idéal désincarné et articulé sur une révolte individuelle. À défaut de pouvoir changer le monde, on se replie sur le changement de soi. Dès lors, les questions sociales deviennent secondaires au profit de la question identitaire. Et c’est ainsi que – petit à petit – à force d’avoir évacué des organisations anarchistes l’idéologie et les principes jugés trop restrictifs au profit d’un pragmatisme neutre qui devait faire venir les foules en masse dans le mouvement anarchiste, on a fini par vider le mouvement anarchiste et de ses principes et de ses militantes et militants.

L’aboutissement de ce processus de dissolution, dont on avait bien perçu déjà quelques signes annonciateurs, s’est déroulé cet été, aux rencontres Internationales Anti-autoritaires de Saint Imier.
Cet évènement, qui devait réunir la fine fleur de l’anarchisme mondial pour commémorer les 150 ans de la précédente réunion de l’Internationale Anti-autoritaire en 1872, a vu se dérouler des scènes proprement hallucinantes : outre les ateliers consacrés aux crypto-monnaies et à l’idéologie libertarienne, ou encore le fait que le sujet central de discussion – la guerre en Ukraine – ait été « pris en main » par des militaristes étatistes nationalistes qui intimidaient y compris physiquement toutes celles et ceux qui essayaient de faire entendre une voix différente, antimilitariste et internationaliste, des livres ont été brûlés, dans la parfaite tradition des autodafés de l’inquisition ou du nazisme. Des « gentils organisateurs » ont exigé l’expulsion du Salon du Livre d’une organisation anarchiste (et pas n’importe laquelle : la Fédération anarchiste !) et –devant le refus solidaire de tous les exposants de se plier à cette exigence – le courant a été coupé à tous les exposants en punition collective ! Plus grave encore, des militants anarchistes ont été agressés et blessés, et cela, au nom d’un nouveau purisme dénué de tout fondement (des « petits blancs » ont attaqué au motif de racisme des militants dont certains étaient d’origine nord-africaine ou moyen-orientale !!!). Nous avons affaire à de nouveaux fanatiques qui entendent bien nous convertir à leur « bienveillance à coup de gamelles en fer dans la gueule, comme les jésuites et autres missionnaires qui hier voulaient convertir les indigènes – qu’ils fussent cathares ou d’Amérique – par le fer et par le feu.

Il y aura un avant et un après Saint Imier. A Saint Imier, les postmodernes ont fait couler le premier sang, signifiant qu’ils sont prêts à aller aux extrémités pour intimider et imposer leur dogme sectaire.
Dès lors, il ne peut plus y avoir de compromis possible. Ceux qui se disent anarchistes doivent prendre position : le postmodernisme n’est pas conciliable avec l’anarchisme, c’est le sens des violences perpétrées aux Rencontres antiautoritaires. Le message des agresseurs de Saint Imier est clair : avec nous ou contre nous.

En ce qui concerne la CNT-AIT, notre choix est fait, et depuis longtemps : celui de la Communauté humaine universelle contre les Identités narcissiques et communautaires, lesquelles font le jeu du Capitalisme qui divisent et catégorisent l’Humanité pour mieux assoir son pouvoir.

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