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Marche au pas, marche droit, un tambour...

Publié le 1er juillet 2023

Ce n’est pas nouveau, l’État se méfie toujours de la jeunesse. À l’heure des replis nationalistes, des hymnes incessants, de l’hégémonie du tout-compétition versus coopération, des drapeaux patriotiques brandis de toutes parts, tout est bon pour embrigader, contrôler, maitriser et recruter. Et oui, au-delà du bruit patriotique républicain de gauche comme de droite et bien sûr d’extrême-droite, pour parfaire l’édifice, il faut recruter et rechercher l’adhésion du plus grand nombre…

Alors, intéressons-nous à la jeunesse. Dès le collège, l’État, par la présence de la Police, de la Gendarmerie voir de l’Armée, en sus des instructions officielles et programmes, pénètre les jeunes têtes de nos collégiens et lycéens lors d’animations ou de sorties pédagogiques ou mieux encore de journées d’information et d’orientation. Et, l’on peut apprécier l’art du discours recruteur, très étudié pour une cohérence de façade si l’on ne prend pas le temps de le décortiquer. Rien de très nouveau, me direz-vous. Certes, mais intéressons-nous au contenu. C’est effarant : Le site, « Café pédagogique » publie un article le 27 mars 2023 : « Aux armes les enfants !

On y apprend que l’association Prox’RaidAventure […] -sponsorisée notamment par les plus grandes fortunes françaises : Dassault, Bettencourt, Mulliez, Bouygues, et fondée par Bruno Pomart, ancien policier du Raid, chroniqueur aux Grandes gueules de l’info sur RMC-intervient dans les écoles et les collèges pour « rapprocher la police et la population ».[…] Maniement d’armes, menottage, palpations sont au menu des ateliers qui – étrangement – ont lieu dans des établissements accueillant majoritairement des élèves issus de milieux populaires.[…]

Mais, les photographies qui ont circulé de cette journée offrent une tout autre image de cette journée : atelier de découverte de gestes et techniques professionnels en intervention, maniement des bâtons de défense et des armes, menottage, palpation, techniques d’interpellations, « afin que lors d’un prochain contrôle, les gestes des policiers ne soient pas interprétés ». […] Certains ont revêtu une tenue de maintien de l’ordre pour effectuer un parcours d’obstacles. Fort heureusement, les parents d’élèves s’en sont émus, notamment à la FCPE […]

Naturellement, cette association est aussi pleinement impliquée dans le SNU -Service National Universel-et les arguments sont les mêmes : valeurs de la république, citoyenneté et blablabla… Du lever au drapeau en passant par la « démonstration du savoir-faire des forces de sécurité », l’atmosphère commence à se brunir sérieusement partout et il est plus que temps de résister à ces effluves toxiques pour nos enfants. Les mêmes activités avaient été proposées à 200 enfants entre sept et dix ans, usage de tonfa, placage ventral, tout y était aussi passé. Fortement mobilisés, parents et enseignants ont obtenu la fin du partenariat. Eux avaient très bien compris ce qui se jouait derrière ces ateliers : ciblage des enfants des quartiers populaires criminalisés, sensibilisation à la légitimité de la répression et de l’usage de la violence dans les techniques de maintien de l’ordre. En ce moment, l’association sévit en Guyane où elle accompagne les élèves de la classe « Papayo » du collège REP+ Paul Kapel au « dépassement de soi » dans le cadre d’une « classe police et sécurité » destinée à former professionnellement les jeunes aux métiers de la police : « Réceptifs aux entrainements ludiques, les jeunes manient bouclier et bâton de défense tout en simulant un mouvement de manifestants en direction de la préfecture » … (FranceGuyane, 24 mars 2023). Vertigineux »

De fait, ces dispositifs ne visent qu’à légitimer un rapport à la citoyenneté et au droit qui ne repose que sur la nécessaire obéissance et le tout répressif. Poursuivons avec l’article du 11 avril 2023 du journal lundi-matin : « Récit d’une intervention de l’association Graines de France en Seine-Saint-Denis », « Les élèves de 4ᵉ et de 3ᵉ y ont droit une journée. L’association est donc présente quatre jours dans ce collège du 93. Une journée de cours manqués au profit de la promotion de la police, et tous les cours de l’établissement perturbés pendant quatre jours, puisqu’il faut faire de la place. Aussi... des activités pour remplacer les profs grévistes le 6 avril. […] Et puis, on nous rassure, il ne s’agit pas de cet autre ignoble association, qui a suscité tant de réactions indignées, parce qu’elle fait endosser à des gosses une tenue de CRS, leur apprend à se laisser passer docilement les menottes, etc.

Alors c’est parti pour Graines de France, « association Empowerment/Police Population », presque aussi bien agréée que la première. Au programme, des ateliers : boxe, écriture, théâtre, libération de la parole. Pour clore cette belle journée, une policière invitée en guest-star. On applaudit, on se congratule : « Vous avez été formidables ! ». Après les ateliers boxe, théâtre –jeux de rôle-, verbalisations des représentations et images des élèves envers la Police, suivent des débats tels ; […] « Si la police disparaissait, seriez- vous prête à déménager ? » La majorité répond « oui ». Une élève répond « non ». Alors l’intervenante lui demande : « Est-ce que tu fonderais une famille dans cette situation ? » Elle demande encore : « S’il n’y avait plus de policier, est-ce que vous penseriez le devenir ? Là, personne ne se dit qu’elle deviendrait policière ? Est-ce que tu irais sensibiliser les autres ? Que serait le monde sans la police ? Si la police voulait revenir, que se passerait-il ? » Les élèves répondent : manifestation, guerre, etc. Elle enchaîne : « Comment on fait pour que la police revienne ? » Les élèves : on vote, la police fait une vidéo sur les réseaux sociaux, etc.

Passons aux lycéens.
Depuis peu, il est courant de voir des jeunes volontaires « revétu.e.s » de l’uniforme de Service National Universel-le SNU-, « déambulé.e.s » en rang, dans l’espace publique, « encadré.e.s » par des engagés retraités ou personnels civils de l’armée. A Montauban, courant février, sur l’esplanade des fontaines, dédiée ces temps-ci aux rassemblements contre la loi sur les retraites et au marché hebdomadaire, c’est le SNU qui organise une journée complète d’information et d’orientation pour la jeunesse.

À Cahors, suite aux grandes manœuvres militaires, le dimanche de clôture, dans le cadre des opérations Armée Nation, la population était invitée à des animations militaires telles promenades en jeep, à approcher le matériel et les hommes de combats et… et bien sûr présence de nos jeunes volontaires du SNU. Regain de présence militarisée, discours sur le devoir d’ordre et d’obéissance, discours clivant de l’Etat « Si tu n’es pas avec moi, tu es contre moi ! », tout est mis en œuvre pour installer la population et la jeunesse dans un sentiment d’insécurité, de peur qui légitime des réponses agressives, violentes d’auto-défense canalisées par un discours convenu de l’État soi-disant bienveillant : « je vous protège ».

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