Samedi 23 décembre 2006...

Publié le 1er mars 2007

Distribution des colis de Noël à la Maison d’arrêt de Seysses. Arrivée à 7 h 30. Déjà du monde. Parking envahi de voitures, pas toutes du "31", loin de là ! Température extérieure : - 5°

C’était la première fois que je revoyais les murs, les miradors, les barbelés depuis la sortie en liberté conditionnelle de mon fils. Etrange, cette double sensation de tristesse renouvelée, mais partagée, donc allégée quelque peu, car nous n’étions pas seuls, lui et moi. Nous étions une dizaine de militants motivés. Nous avons installé simplement deux petites tables, quelques chaises, des thermos d’eau chaude pour le café, des petites cuillères en plastique (qu’il a fallu rincer au lavabo "Abri famille" -je m’en souviens parce que j’avais les doigts gelés et que l’eau était brûlante, mais peu importait), petits biscuits, chocolats.

Nous avons distribué, ce matin là, 200 boissons chaudes. Une jeune femme venue de Perpignan, fatiguée, frigorifiée -il ne pleuvait pas mais l’herbe était blanchie de gel- avait les pieds, les mains, le nez gelés. Cette pauvre femme ne savait pas. Elle avait essayé de cumuler un "rendez-vous parloir" et le colis. Mal lui en a pris. Elle a du nous laisser son colis que nous avons rangée sous une des petites tables.

Il y avait aussi un Père Noël (qui était en fait une Mère Noël). Eh oui ! Il y avait le Père Noël ! Le vrai ? Mais non ! "Le vrai ne passe que dans deux jours..." a dit notre compagne d’une voix étranglée par les larmes contenues, interrogée par un petit bout de choux les yeux écarquillés de surprise.

Une foule de personnes serrées comme des moutons était agglutinée derrière une porte de fer qui donnait sur un local où 4 ou 5 matons fouillaient inexorablement, au rythme de 15 minutes en moyenne par colis, les mets si amoureusement préparés.

Le café ou le chocolat offerts. Certains nous confondaient avec le personnel carcéral, une question revenait sans cesse : "Combien je vous dois ?", le porte-monnaie à la main...

Plus le temps s’écoulait, le soleil ayant montré un bout de nez timide, le froid mordant persistant sur cette plaine désolée ou seuls quelques-uns essayaient de réchauffer l’atmosphère, plus les gens se bousculaient en masse désordonnée, en colère, sur cette porte s’ouvrant au compte-gouttes sur un des sbires.

Pauvres ! Pourquoi se déchirer entre eux ? Parce qu’il ne restait plus qu’une petite demi-heure avant l’arrêt de travail, parce qu’ils ne pourraient pas faire passer leur colis, parce qu’alors, ils seraient venus, parfois de bien loin, pour rien. 8 h/11 h, pas une seconde de plus, même en ce jour exceptionnel dit de fête ! "Insistez auprès des matons, restez solidaires entre-vous" leur avons-nous dit, les yeux rouges de tristesse, brillants de haine contenue contre ce système carcéral qui fait de nous, d’eux, des "coupables par ricochet", comme nous l’exprimions dans notre tract, de cette lourde institution idiote : la prison !

Il était déjà 11 h (ce matin-là, j’ai très souvent regardé ma montre... ça m’a rappelé de douloureux souvenirs...). La réception des colis allait s’arrêter quand, tout à coup, à la surprise générale, un des matons annonce à la foule mécontente et désespérée "Une demi-heure de plus !" Vous vous rendez compte, une demi-heure de plus ? Quel effort sur-humain ! Une demi-heure cadeau, une demi-heure de plus, supplémentaire, "gracieusement" offerte ! Ça fait une vingtaine de familles de plus qui pourront passer. Et les autres ? Les autres, elles repartiront comme elles sont venues, avec leur paquet sous le bras.

Témoignage d’une sympathisante du CASP

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