La fouille

Publié le 1er mars 2007

L’œil du clairon à 7h00, comme chaque matin. Douche, café, clope, radio. Ma co-cellulaire et moi-même prenons notre temps. Encore une journée comme tant d’autres. Il y a bien du bruit dans le couloir, mais on s’en fout. De toutes manières, l’œilleton ne nous permet pas de voir au-delà de nos 9 m2, alors... alors voilà, finalement, cette matinée ne sera pas tout à fait comme les autres...

8h00 : la porte s’ouvre sur un uniforme et un visage inconnu (la plupart de nos gardiennes portent une blouse blanche en guise d’uniforme, peut-être pour se sentir moins flic, mais l’habit fait-il le moine ?) qui nous demande de sortir sur-le-champ pour une fouille par palpation. Le temps de prendre pull et cigarettes et nous voilà en train de descendre pour aller dans la cour. Les uniformes grouillent : deux gardiennes devant chaque cellule, puis partout... Là encore, une nouvelle surprise : un groupe de CRS, matraques et boucliers en mains, cagoulés et prêts à intervenir contre la quarantaine de femmes que nous sommes : des mères, des grands-mères, des jeunes filles tout juste sorties de leur lit et qui ne comprennent rien à ces bousculades. Mais deux mots retentissent : FOUILLE GENERALE. Qu’est-ce, concrètement, de plus que toutes ces fouilles que nous subissons à chaque occasion ? Les discussions vont bon train : “Moi, j’en ai déjà eu une à Fresnes”. Et il y a celles dont les nerfs à vif les font craquer et qui pleurent, il y a les malades qui réclament leurs pilules pour le cœur, celles qui ont oublié leurs clopes (ou à qui on n’a pas laissé le temps de les prendre), et l’attente s’installe.
Trois heures durant, nous allons patienter dans la cour (enfin une promenade matinale plus longue, pourrait-on se dire !), trois heures passées à guetter les ombres et gestes des uniformes dans nos cellules, à écouter les aboiements des chiens et en imaginant déjà dans quel état nous allons retrouver nos quelques affaires. Puis la porte s’ouvre, nous allons subir une fouille corporelle. Le premier étage puis le rez-de-chaussée, par ordre... et nous attendons notre tour. Des cabines temporaires (une mince cloison nous séparant les unes des autres, mais pas de porte) ont été installées.
Trois matones m’ont fouillée : bouche, oreilles, cheveux... -on m’a fait enlever mon tampon hygiénique- et de là où je suis, je peux voir les CRS qui attendent dans le couloir... A ce moment, je crois que je n’avais encore jamais ressenti un tel sentiment de rage et d’humiliation. On m’avait dévisagée de manière hautaine, inhumaine, dégueulasse, me traitant comme une moins que rien. Mais que dire face à un tel déploiement ? Bien évidemment, on m’a pris tout ce qu’on a pu : un petit bracelet bricolé, un piercing entré en douce. Enfin, je me suis rhabillée et j’ai rejoint mon amie. Je crois que mon regard se faisait encore pus méprisant que tous ceux rencontrés jusqu’à ma cellule... du moins à ce qu’il en restait ! Ma co-cellulaire s’écroula en pleurs dans mes bras, hoquetant qu’on lui avait pris le bracelet de sa fille, qu’elle ne méritait pas tout ça... Non, nous ne méritions pas tout ça. Aucun être humain, d’ailleurs, ne le mérite.

Et nous avons entrepris de ranger et nettoyer nos 9 m2 : les bassines d’eau avaient été jetées à terre et on aurait juré qu’on avait piétiné exprès dans l’eau... Toute photo, carte,... avait été arrachée du mur, l’armoire vidée, tous les papiers sortis, les matelas déhoussés, les postes “empruntés” (pour fouille plus poussée ?)...

Voilà comment s’est passée la fouille générale à Seysses, vaste plan lancé par M. Perben il y a deux ans. Mais cette fouille a aussi eu quelques conséquences non négligeables : par exemple, ce jour là, les parloirs intérieurs ont tout simplement été supprimés (ils ont lieu tous les 15 jours, je crois), les cantines reportées, les changements de draps et de linge de toilette supprimés, de même que la distribution de PQ et produits hygiéniques...

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