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Comment un fait divers devient un événement

Publié le 14 février 2007

Fait divers : Un étudiant de 26 ans, Edouard, a été assassiné par un groupe de Sans Domicile Fixe sur le Pont Neuf à Toulouse le 12 septembre 2006.

Fait divers ? Le maire de Toulouse rend un vibrant hommage à la victime, avec dépôt de gerbe médiatisé, sur le Pont Neuf et stigmatise la mendicité agressive qui envahit la ville. Il politise le drame en faisant référence à la mort d’Habib qui déclencha à l’époque des émeutes au Mirail. "A l’occasion de la mort de jeunes parfois délinquants, des manifestations ont été organisées ; je suis ému et choqué que rien de tel ne se soit produit à l’occasion de cet assassinat d’un jeune étudiant porté par un idéal généreux." (Dépêche du midi, 20 septembre 2006).

Fait divers : La famille n’est pas informée ni conviée à cet hommage ! "Je n’avais pas à demander l’autorisation de quiconque pour rendre un hommage à quelqu’un mort sur la place publique." répond le maire, élu du peuple ! (Dépêche du Midi, 28 septembre 2006).
Fait divers ? Le maire de Toulouse demande une audience auprès du ministre de l’intérieur, M. Sarkozy, afin de mettre en place sur sa ville les moyens nécessaires à la répression et à l’éradication des S.D.F. et autres "marginaux" de la ville.
Fait : La municipalité prend un arrêté anti-camping sauvage (un nombre important de personnes vivant sous tente à Toulouse travaille mais n’a pas les moyens de se loger !) ; (Délibération du conseil municipal du 06 octobre 2006).

Fait : La mairie annonce la création d’une nouvelle délégation municipale pour lutter "contre la marginalité agressive". Elle a pour objectif d’examiner tous les moyens disponibles et de travailler avec les services sociaux et de police pour faire reculer ce phénomène.

Fait : La mairie se lance dans une lutte contre la "marginalité agressive" et n’hésite pas à inverser les priorités à travers les missions de la police municipale. La priorité numéro 2 de la police, après la circulation, devient : la gestion des S.D.F. en ville... Une brigade équipée d’un fourgon spécial tourne toutes les nuits dans dix points ciblés de la ville... "Il y a au centre ville des groupes de marginaux minoritaires que nous identifions et qui posent problème en raison de leur comportement. Nous faisons la différence entre eux et les S.D.F. qui méritent toute notre solidarité" (L’adjoint au maire, La Dépêche du 26 octobre 2006).

Fait : La répression s’intensifie et s’élargit. Le 26 octobre 2006, "Le Clandé" lieu alternatif associatif et culturel occupé depuis 10 ans est évacué de ses occupants sans aucun ménagement ni préavis. La Dépêche écrit : "Le renforcement des mesures municipales contre " la marginalité agressive " se traduit sur le terrain par une intensification des contrôles, des fermetures de squats et le durcissement des arrêtés municipaux portant sur l’alcool et l’occupation prolongée du domaine public" (27 octobre 2006). De nombreux squats d’habitation à travers la ville sont également évacués ou rasés.

Evénement : Des S.D.F., par une banderole sur la place publique, manifestent leur soutien à la famille et stigmatisent l’amalgame entre S.D.F. et meurtriers : "Les SDF tiennent à témoigner leurs sincères condoléances à la famille d’Edouard. Cet acte nous a profondément choqués. Ce crime ne peut être lié à la mendicité ! Nous regrettons que de telles atrocités aient pu être commises par des SDF." (Banderole rue de Metz, le 24 septembre 2006).
Evénement : "Le Clandé" est réinvesti le soir même de son évacuation par un groupe d’environ 200 personnes.
Evénement : Face au climat de haine et de tensions qui se développe dans la ville, les S.D.F. stigmatisés comme des individus ingérables, dangereux, individualistes, entament un jeûne de protestation. Ce dernier événement nous interpelle particulièrement. Que des êtres humains qui dorment dans la rue et tendent souvent la main pour manger utilisent cette forme extrême de la non-violence, désigne bien la dérive de cette loi républicaine censée protéger les plus faibles et qui aujourd’hui sert à les opprimer !

L’Atelier Idéal

Edouard Rihouay

Etudiant en sociologie, Edouard venait de travailler sur les "Glaneurs" au Québec (réalisation et partage de repas collectifs, à partir de produits récupérés à la fin des marchés). Passionné de théâtre, il avait joué à plusieurs reprises avec "L’Atelier idéal" à "La Chapelle", un de ces lieux que le code civil juge illégaux mais qu’Edouard estimait légitime. Ses proches et intimes ont fait connaître leur refus et leur colère de voir la mort de leur ami devenue légitimation d’une politique répressive, de voir cette mort devenir instrument d’idées et de mécanismes qui sont l’exact opposé de ce qu’était sa vie.

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